Deux maires avertissent qu’ils ne feront pas de transfert d’argent au « Fonds Arnona »
Les maires de Givatayim et de Ramat Gan, expliquant s'opposer à ce plan de redistribution des impôts locaux controversé, disent qu'ils porteront l'affaire devant les juges
Les maires de deux villes du centre du pays ont annoncé mardi qu’ils ne se conformeraient pas au projet gouvernemental qui prévoit de réorganiser la distribution des taxes locales, un plan qui prétend s’appuyer sur la nécessité de soutenir les municipalités défavorisées.
Le plan envisage ainsi de prélever un pourcentage sur les taxes foncières qui sont collectées auprès des entreprises par les mairies, des fonds qui viendront soutenir les municipalités endettées et plus pauvres.
Les critiques accusent le gouvernement de vouloir utiliser cet argent pour financer les demandes sectorielles qui sont soumises par les partenaires de coalition – comme les subventions versées aux ultra-orthodoxes.
Ils notent aussi que les implantations, en Cisjordanie, ne contribueront pas à ce fonds et que ce dernier est structuré de manière à ne pas bénéficier aux municipalités arabes.
Le maire de Givatayim, Ran Kunik, a indiqué qu’il allait déposer une requête auprès de la Haute cour si sa ville était sommée de verser de l’argent dans le cadre de ce plan qui, a-t-il dit, « présente de nombreuses failles juridiques ».
« Nous ne transférerons pas d’argent à ce fonds », a-t-il affirmé au micro de la station Radio 103FM. « Nous irons jusqu’au bout ».
Des dizaines de municipalités se sont mises en grève lundi, en fermant les écoles et en suspendant le ramassage des ordures et les services sociaux pour protester contre ce plan du gouvernement. L’arnona est une taxe foncière fixée et gérée par chaque municipalité.
La grève a continué mardi, même si les établissements scolaires et les maternelles ont rouvert leurs portes.
Kunik a déclaré que « les maires sont pris entre deux feux », les résidents comprenant la nécessité de lutter contre le plan mais n’ayant qu’une patience limitée face à la grève.
Il a aussi rejeté l’idée d’un mouvement de protestation qui serait « un règlement de comptes » de la part d’autorités locales furieuses face au projet de réforme du système judiciaire israélien promu par la coalition.
« Certains responsables du Trésor rêvent de ce plan depuis de nombreuses années », a commenté Kunik. [Le ministre des Finances Bezalel] Smotrich a simplement saisi l’opportunité. »
« [Smotrich] a également exclu de son plan les implantations de Cisjordanie – comment se fait-il que les implantations n’aient pas besoin de mettre de côté un seul shekel pour les taxes foncières ? », a-t-il accusé.
Un sentiment qui a été partagé par le maire de Ramat Gan, Carmel Shama-Hacohen, lorsqu’il lui a été demandé s’il refuserait tout transfert d’argent sur le fonds.
« Vous croyez que nous sommes des moutons ?… », a-t-il rétorqué au journaliste de la Radio militaire. « S’il y a une loi, alors ils peuvent nous amener devant le tribunal ».
Lundi, le député Travailliste Gilad Kariv avait estimé que le plan avait été imaginé de manière à transférer la plus grande partie des fonds aux communautés ultra-orthodoxes et non aux villes arabes, qui rencontrent également de grandes difficultés financières.
Les partisans de cette mesure affirment qu’elle aidera les municipalités moins riches à favoriser l’immobilier résidentiel plutôt que les entreprises – bien que ces dernières paient plus d’impôts et soient donc actuellement plus attrayantes pour les autorités municipales – et ont mis l’accent sur le fait que le fonds aidera à construire des communautés dans la périphérie d’Israël.
Ses détracteurs affirment qu’en plus de faire des discriminations entre les municipalités, elle sanctionne les communautés qui ont déjà investi pour justement attirer des employeurs, et qu’il prend de l’argent qui serait autrement consacré à l’amélioration des services, tels que l’éducation et la culture.
Sous sa forme actuelle, ce Fonds touchera de manière disproportionnée les grandes villes dont les zones commerciales sont prospères et les parcs industriels.
Lundi, le chef de l’opposition Yair Lapid a estimé que le plan était « une arnaque » et il a appelé le gouvernement à mettre en place un projet qui viserait à venir en aide à toutes les communautés en difficulté.
Benny Gantz, le leader de HaMahane HaMamlahti, a fustigé « une injustice scandaleuse » qui devra être « payée par les résidents du sud de Tel Aviv » – qui vivent dans les quartiers les plus pauvres de cette ville favorisée.
Quelques heures plus tard, le plan a été approuvé au cours d’un vote qui a eu lieu en Commission des Finances à la Knesset – une réunion agitée où les députés en sont venus aux mains. Un certain nombre d’entre eux ont été sortis de la salle par la force.
Le plan sera dorénavant présenté aux côtés du budget en séance plénière de la Knesset.
Mathématiques et Louis Vuitton
Mardi matin, des dizaines de réservistes ont manifesté aux abords du domicile du ministre du Logement Yitzhak Goldknopf à Jérusalem, dénonçant la décision prise par le gouvernement d’allouer des fonds importants pour satisfaire aux demandes des membres de la coalition et s’insurgeant également contre le Fonds Arnona.
Le groupe a scandé des slogans aux abords de l’habitation du leader de Yahadout HaTorah, brandissant une bannière qui reprenait des propos qu’il avait lui-même tenu, l’année dernière : « Les mathématiques ne contribuent pas à l’économie ».
Ils ont aussi brandi des sacs siglés Louis Vuitton remplis de faux billets.
Le ministre – qui a été accusé d’avoir utilisé un réseau d’éducation haredi pour s’enrichir, avec sa famille, à l’aide de fonds publics et qui est aussi accusé d’avoir illégalement divisé un appartement, dans ses nombreux biens immobiliers, en cinq logements – avait été photographié au mois de février aux côtés d’un conseiller qui transportait un certain nombre de sacs remplis d’achats réalisés dans les boutiques de cette marque de luxe.
« Ce gouvernement extrémiste vole les fonds publics, il dissipe les fonds de la coalition pour satisfaire ses partenaires racketteurs et il tente de contrôler les ressources issues des impôts fonciers », a fait savoir, pour sa part, le groupe anti-gouvernemental Brothers in Arms dans un communiqué. « Le ministre Goldknopf est le ministre le plus riche d’Israël, il détruit l’avenir de ses électeurs et il vole dans les poches de la population qu’il prétend servir ».
En plus de ce plan de transfert des impôts municipaux, la coalition a convenu, dimanche, que 13,7 milliards de shekels de fonds seraient principalement alloués pour venir soutenir les institutions et les causes ultra-orthodoxes.
Avant le vote qui a eu lieu au cabinet, le chef du département des budgets au sein du ministère des Finances, Yogev Gardos, a averti que ces allocations auraient un impact négatif sur les hommes haredim en les dissuadant de chercher un emploi et qu’elles nuiront au marché du travail et à l’économie, de manière plus générale.
De plus, a continué Gardos, si un nombre plus important d’ultra-orthodoxes ne sont pas encouragés à travailler, le gouvernement devra, d’ici 2065, augmenter les impôts directs de 16 % pour maintenir le même niveau de services fournis sans entraîner une hausse du déficit.
La population ultra-orthodoxe israélienne devrait passer de 13 % de la population totale, aujourd’hui, à 16 % à l’horizon 2030. Son taux de croissance de 4 % est le plus élevé parmi toutes les autres communautés en Israël, selon des données du Bureau central des statistiques.
Il a été révélé, lundi, qu’une partie de l’argent avait été aussi allouée à un certain nombre de projets controversés et notamment à un centre consacré à Rehavam « Gandhi » Zeevi, un général et ministre d’extrême-droite qui avait été assassiné par des terroristes palestiniens en 2001.
Zeevi est devenu une personnalité de plus en plus controversée, ces dernières années, suite à un reportage d’investigation diffusé à la télévision en 2016 qui avait fait état d’accusations de viol et de faits d’intimidation à son encontre. Certains avaient appelé à renoncer aux commémorations officielles organisées en sa mémoire.