Échecs du 7 octobre : L’enquête civile blâme Netanyahu, mais pas que…
Selon la commission, le Premier ministre est "responsable de l'affaiblissement de tous les pôles de décision" et de la rupture des relations "entre les échelons politiques et militaires"
Pendant son mandat, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a constamment entravé le processus de prise de décision du gouvernement en matière de sécurité nationale, créant un fossé entre les dirigeants politiques et militaires d’Israël et laissant le pays non préparé à l’incursion dévastatrice du groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023, a annoncé mardi une commission d’enquête indépendante.
Au-delà de Netanyahu, le rapport cinglant de la commission d’enquête civile affirme que l’ensemble du gouvernement a « failli à sa mission première » et que l’armée israélienne, l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet et d’autres institutions « ont complètement échoué à remplir leur seul objectif : protéger les citoyens d’Israël ».
Créée cet été par des proches des victimes du pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 à la suite du refus persistant de Netanyahu d’approuver la création d’une commission d’enquête nationale et de son insistance à dire qu’il n’est responsable d’aucun des échecs, la commission a passé plus de quatre mois à tenir des audiences au cours desquelles elle a interrogé quelque 120 témoins, dont d’anciens Premiers ministres, des chefs de la défense et des responsables des agences de renseignement.
Présentant leur rapport final lors d’une conférence de presse à Tel Aviv, les membres de la commission ont rappelé à plusieurs reprises que leur travail ne pouvait remplacer celui d’une enquête officielle ayant le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître, mais ils ont estimé que ce qu’ils avaient entendu était extrêmement préoccupant.
Ceux qui ont accepté de témoigner ont dressé le portrait d’un Premier ministre « responsable de l’affaiblissement de tous les pôles de décision, y compris le cabinet et le Conseil de sécurité nationale, d’une manière qui a empêché toute discussion sérieuse incluant une pluralité d’opinions sur les questions de sécurité importantes ».
Selon la commission, « l’arrogance et l’aveuglement inhérent ont également conduit les dirigeants politiques à continuer d’œuvrer au renforcement du Hamas en transférant des fonds et en évitant une initiative offensive face aux menaces, tout en idéalisant la réalité et en tentant d’acheter la tranquillité du Hamas avec de l’argent ».
Avant le 7 octobre, le gouvernement Netanyahu a facilité le transfert de valises contenant des millions de dollars en espèces qataries vers Gaza afin de maintenir un cessez-le-feu fragile avec le Hamas.
Le rapport s’en prend également aux membres du cabinet Netanyahu, qu’il considère comme directement responsables de « l’effondrement du système gouvernemental le 7 octobre ».
Un système défaillant
Cette arrogance a également conduit à une rupture des relations entre les dirigeants politiques et militaires « et a gravement endommagé le processus décisionnel du gouvernement israélien », poursuit la commission, affirmant que les avertissements répétés des hauts responsables des agences de renseignement et de la défense dans les mois précédant la guerre « ont été transmis au Premier ministre et n’ont pas fait l’objet de discussions approfondies ».
Aucune considération n’a été accordée à la possibilité que le consensus accepté selon lequel le Hamas a été dissuadé puisse être incorrect, a déclaré la commission, affirmant qu’exactement un demi-siècle après avoir été pris par surprise au début de la Guerre du Kippour en 1973, « nous n’avons rien appris ».
L’ancien Premier ministre Yaïr Lapid, aujourd’hui à la tête de l’opposition, avait déclaré à la commission en août que le Premier ministre avait semblé « s’ennuyer et être indifférent » lors d’un briefing conjoint sur la sécurité l’année dernière, tandis que le chef du parti Yisrael Beytenu et ancien ministre de la Défense Avigdor Liberman a témoigné que, dès 2016, il avait mis en garde contre une attaque du Hamas similaire à celle qui s’est finalement produite en octobre 2023.
Le Premier ministre a cessé de rencontrer le chef du Directorat des Renseignements militaires, tandis que ses relations difficiles avec le ministre de la Défense Yoav Gallant, récemment limogé, ont « gravement porté atteinte à la sécurité du pays », selon le rapport.
En outre, Netanyahu se serait efforcé de mettre sur la touche des institutions telles que le cabinet de sécurité « au point qu’elles ne puissent plus remplir leurs fonctions », tout en centralisant la prise de décision au sein de son propre bureau.
« Même le Conseil national de sécurité ne fonctionne que comme un organe politique et les décisions stratégiques en matière de sécurité nationale restent incontrôlées, ne laissant aucune place à une discussion réelle et approfondie. »
Alors que Netanyahu aurait fait taire les critiques internes, ignoré les avertissements et refusé d’attaquer le groupe terroriste de manière préventive, les anciens Premiers ministres Lapid et Naftali Bennett portent également le blâme pour avoir « maintenu le concept de l’argent contre la tranquillité, bien que de manière différente », a déclaré la commission.
Dans une déclaration, Lapid s’est félicité des conclusions de la commission et a affirmé que « la possibilité d’une attaque préventive contre le Hamas, tout comme la possibilité d’une opération visant à assassiner de hauts membres du Hamas, a été discutée plus d’une fois au cours du ‘gouvernement d’alternance’ », qu’il a co-dirigé avec Bennett, mais que « les conditions en matière de renseignement n’étaient pas mûres pour de telles opérations ».
L’establishment de la défense
En plus de critiquer les politiciens, la commission a également rejeté la responsabilité du 7 octobre sur les services de sécurité, déclarant que Tsahal, le Shin Bet et d’autres organisations « ont complètement échoué à remplir leur seul objectif – la protection des citoyens d’Israël ».
L’ancien ministre de la Défense Gallant, le chef d’état-major de l’armée Herzi Halevi, le chef du Directorat des Renseignements militaires et leurs prédécesseurs sont également responsables de la débâcle, ayant, entre autres, réduit la présence de Tsahal le long de la frontière de Gaza et abandonné à leur sort les troupes d’observation le long de la frontière, affirme la commission.
« L’armée n’était pas préparée à l’invasion massive d’Israël par les terroristes du Hamas, même si leur plan était connu à l’avance », a estimé la commission, faisant référence à un rapport selon lequel Israël avait obtenu les plans du Hamas pour son assaut du 7 octobre, baptisé « Mur de Jéricho », plus d’un an avant l’attaque dévastatrice.
Le jour même, le Commandement du Sud de l’armée israélienne et la division de Gaza ont « échoué lamentablement, au point de s’effondrer », laissant les soldats sur le terrain « livrés à eux-mêmes », sans renfort ni coordination avec la police israélienne.
D’anciens hauts responsables de la défense, tels que Benny Gantz, ancien ministre de la Défense et actuel homme politique de l’opposition, partagent également la responsabilité des échecs de Tsahal, notamment en ce qui concerne l’idée de passer à une « armée petite et intelligente » et de mettre trop l’accent sur les moyens technologiques de contrôle de la frontière, selon le rapport.
« Lorsque des générations de commandants grandissent dans la même perception, la même conception, il est très difficile de la changer, et le résultat est désastreux », ajoute le rapport.
Un concept de sécurité nationale qui a échoué
Étant donné que le concept de sécurité d’Israël « s’est effondré », une réforme complète des processus de prise de décision à tous les niveaux est nécessaire, a conclu la commission, insistant sur le fait que « chaque système, petit ou grand, doit avoir un système de contrôle et d’examen » et que tous les acteurs concernés « adoptent une culture de la prise de responsabilité ».
Le fait qu’Israël ne dispose pas d’une stratégie officielle de sécurité nationale approuvée par le Premier ministre, comme c’est le cas dans d’autres pays, est particulièrement préoccupant, a déclaré la commission. Un projet de loi obligeant le gouvernement à formuler une telle stratégie est actuellement en cours d’examen à la Knesset.
S’adressant au Times of Israel, un membre de la commission, le général de division (Rés.) Eyal Ben-Reuven, commandant adjoint du front nord pendant la Deuxième Guerre du Liban en 2006, a déclaré que si l’objectif du rapport était de mettre en évidence les problèmes systémiques, il était indéniable que Netanyahu était à l’origine d’une grande partie des problèmes.
Le gouvernement a besoin de gens pour se faire l’avocat du diable, a-t-il dit, rejetant comme un exercice politique les efforts récents de la coalition pour établir une unité dite « Ifcha Mistabra » sous l’autorité du bureau du Premier ministre pour contester les conclusions des organes de renseignement.
Netanyahu a fait passer le message qu’il n’y avait pas de menace dans le sud « et cela a été accepté », a-t-il déclaré. « L’une des choses que je pense, c’est qu’il y avait des fonctionnaires qui devaient taper plus fort sur la table. »
Aller de l’avant
Interrogé sur les objectifs de son rapport, un porte-parole de la commission a répondu que son but était d’aider les familles des victimes à comprendre ce qui était arrivé à leurs proches, tout en faisant pression sur le gouvernement pour qu’il mène sa propre enquête.
« Imaginez qu’après le 11 septembre, il n’y ait pas eu d’enquête », a déclaré le porte-parole. « Je ne pense pas que l’on puisse imaginer cela. »