Edelstein doute de la nécessité d’une loi autorisant le transfert d’informations secrètes au Premier ministre
"Le transfert d'informations classifiées de manière désordonnée peut entraîner la divulgation de sources", a averti Moshe Schneid, l'ancien chef des services de renseignement de Tsahal
Un projet de loi avancé par la coalition qui vise à dépénaliser le transfert d’informations classifiées à des hauts-responsables par des membres non-autorisés de l’establishment de la Défense est susceptible de saper la sécurité de l’information et la chaîne de commandement, a soutenu mardi le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, s’opposant ainsi au positionnement adopté par son propre parti de droite, le Likud.
« Cela m’intéresserait de savoir comment, par le biais de cette proposition, nous ne ne nous retrouverons pas dans une situation où des renseignements hautement classifiés seront transmis à des personnes qui ne sont pas autorisées à les recevoir et qui n’ont pas l’habilitation nécessaire en matière de sécurité », a dit Edelstein aux députés lors d’un débat animé sur la loi dite Feldstein, qui a été renvoyée à la commission qu’il préside après son adoption en lecture préliminaire en séance plénière de la Knesset, au début du mois.
Les députés de la coalition avaient soumis la législation en réponse à des accusations figurant dans le cadre d’un dossier portant sur la fuite de documents classifiés. L’un des accusés dans cette affaire, un sous-officier de l’armée israélienne dont le nom n’a pas été révélé, est accusé d’avoir extrait des documents classifiés des données des services de renseignement militaire et de les avoir envoyés à Eli Feldstein, porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Feldstein est le second suspect – il est accusé d’avoir divulgué les documents classifiés au journal allemand Bild, au mois de septembre dernier, dans le but d’influencer l’opinion publique en défaveur d’un accord de prise d’otages et de cessez-le-feu avec le groupe terroriste du Hamas.
Le projet de loi a été surnommé « loi Feldstein » – même s’il s’agit d’une appellation erronée car elle ne concernerait que les agissements du sous-officier impliqué dans cette affaire.
Le scepticisme d’Edelstein a été partagé par le général de brigade de réserve Moshe Schneid, un ancien chef du corps de renseignement de Tsahal, qui a déclaré que le Premier ministre et le ministre de la Défense étaient « pleinement exposés à tous les documents en possession de la direction du renseignement. »
« Le transfert d’informations classifiées de manière désordonnée peut entraîner la divulgation de sources », a-t-il déclaré devant les membres de la commission, affirmant que le projet de loi « permettrait aux soldats de contourner la chaîne de commandement de Tsahal et d’approcher directement la hiérarchie politique », ce qui pourrait « nuire gravement à la sécurité nationale ».
Gadi Eisenkot, député du parti HaMahane HaMamlahti et ancien chef d’état-major, a partagé le même point de vue, dénonçant un texte « ridicule, futile et peu sérieux ».
En réponse, l’un des deux parrains du projet de loi, Amit Halevi du Likud, a affirmé que sa législation était nécessaire parce que des responsables non-élus « excluaient », dans les faits, le Premier ministre – il n’a toutefois pas su appuyer ses propos. « Cette loi a pour but d’éliminer ce phénomène », a-t-il tranché.
Le Premier ministre Netanyahu avait déclaré, dans le passé, que des documents classifiés déterminants n’étaient pas arrivés jusqu’à lui – ce qui expliquait pourquoi les suspects avaient dû les sortir des données des renseignements militaires pour les lui soumettre par le biais de son bureau. Une affirmation que l’armée et l’establishment de la Défense, qui s’opposent au projet de loi, ont rejetée.
Les responsables ont indiqué que le Premier ministre recevait les documents jugés les plus pertinents par l’intermédiaire des membres des services de renseignement et que ces derniers devaient respecter les procédures appropriées pour ce faire. De son côté, la procureure-générale Gali Baharav-Miara a averti que le projet de loi pourrait constituer une « ingérence politique inadéquate » dans le cadre d’une affaire criminelle qui concerne des proches de Netanyahu.
L’autre parrain de la loi, le député Hanoch Milwidsky (Likud), a pour sa part explicitement établi que la législation visait à garantir que le sous-officier qui a transmis les documents classifiés à Feldstein « sera libéré de prison parce que l’infraction qu’il a commise cessera d’en être une. »
Le sous-officier en question « a vu que des informations vitales n’étaient pas divulguées et il a donc pris des mesures », a expliqué Milwidsky. « En conséquence, on a fait irruption chez lui, on l’a interrogé, on lui a refusé les services d’un avocat et on l’a traité bien plus mal que beaucoup d’autres ».
« L’objectif est de s’assurer que de telles choses ne se reproduiront plus et que plus personne ne subira d’intimidations en ce qui concerne le transfert d’informations à la hiérarchie politique autorisée », a-t-il continué.
Prenant la parole devant la commission, Avital, l’épouse du sous-officier anonyme, a affirmé que les agissements de son mari avaient été « uniquement dans l’intérêt de l’État d’Israël » et qu’il était « un homme respectueux de la loi ». Son arrestation et son placement en détention ne sont « pas une question de politique mais une question de droits de l’Homme », a-t-elle déclaré, notant qu’elle souhaite simplement qu’il puisse rentrer chez lui alors que la procédure judiciaire ouverte à son encontre est encore en cours.