En Irak, tout le monde se dispute le trésor du ballon rond
En mars, la Fifa a levé son interdiction de tenir des matches internationaux dans le pays, après des décennies de réclamations irakiennes

Clubs, stades et matches internationaux de nouveau autorisés : le foot irakien aiguise l’appétit de nombreux acteurs décidés à se tailler une part du gâteau économique, politique et diplomatique dans le pays qui renaît après la victoire sur les jihadistes.
A Bagdad depuis des années, on se dispute la juteuse billetterie des stades ou les budgets des clubs, entre 500 000 et un million d’euros en moyenne par saison, généralement alloués par des ministères. Et au-delà des bisbilles locales, la géopolitique régionale s’invite aussi. Et de plus en plus.
Car le trésor, déjà important, va grossir. En mars, la Fifa a levé son interdiction de tenir des matches internationaux dans le pays, après des décennies de réclamations irakiennes.
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Mais ce geste , que beaucoup pensaient impossible tant les différends au sein même du foot irakien sont légions, force aujourd’hui les différents acteurs à mettre de l’ordre dans leurs affaires. C’est la condition sine qua non pour profiter du nouvel élan promis.
« Si les crises se poursuivent au sein du foot irakien, ce ne serait pas étonnant que l’interdiction soit réimposée », affirme ainsi à l’AFP Ghazi Chaïe, expert irakien du sport.
L’argent des billets
La priorité est de trouver un terrain d’entente entre le ministère des Sports qui garde intégralement les revenus de la billetterie et la Fédération qui réclame qu’ils soient reversés au ministère des Finances afin d’en obtenir une partie.
« Nous avons la charge des équipes invitées, de leur transport, de leur séjour et de tout ce qui est nécessaire aux joueurs », plaide son porte-parole Kamel Zgheir.
Les clubs également réclament leur part en faisant valoir que leur viabilité économique est en jeu car le ministère s’octroie l’intégralité de la billetterie en faisant valoir que les stades lui appartiennent, explique à l’AFP Abdel Rahmane Rachid, porte-parole du club al-Zawraa.
A Bagdad, les quatre grands clubs payent chacun près de 75 000 euros par saison pour jouer sur la pelouse du « Stade du peuple », enceinte sportive de 40 000 places jadis flamboyante mais aujourd’hui passablement décrépie.
Al-Zawra l’a appris à ses dépends. Jusqu’en 2013, elle avait son stade de 10 000 places à Bagdad mais, sur les « conseils » du ministère des Sports, elle l’a fait détruire pour en construire un nouveau. Cinq ans plus tard, le projet est toujours à l’arrêt et al-Zawraa, désormais sans toit, paye chaque saison sa dîme… au ministère !
Et en Irak, les factions politiques, qui ont investi tous les domaines, ne se privent pas d’utiliser les clubs tenus par les ministères, les infrastructures sportives ou l’organisation de matches à des fins partisanes.
« Il n’y a pas de confiance dans l’indépendance des institutions publiques qui sont devenus des instruments politiques », explique à l’AFP James Dorsey, spécialiste du Moyen-Orient et du foot.
Influences
Pour se défendre face à ces interférences, la Fédération s’est d’ailleurs récemment adressée à la Fifa et l’instance internationale du football a redit sans ambages que des « influences inappropriées de tierces parties » pouvaient valoir des sanctions.
L’influence, c’est aussi cela que visent d’autres, au-delà des frontières.
L’Arabie saoudite, qui a récemment marqué son réchauffement diplomatique avec Bagdad par un match amical et une promesse d’offrir un stade de 100 000 places, « a compris que le foot était un moyen de relancer les relations », affirme M. Dorsey.
En même temps, le Qatar, à couteaux tirés avec l’Arabie, signait des accords sportifs, désireux de s’implanter en Irak après la victoire sur le groupe État islamique (EI).
Si la situation est compliquée côté Bagdad, une région tire toutefois son épingle du jeu: le Kurdistan autonome.
Là-bas, tous les stades ont aussi été construits par le gouvernement local – notamment le stade international Franso Hariri d’Erbil où la Fifa autorisait la tenue de matches amicaux avant même de lever sa sanction.
Dans cette région autonome, les revenus de la billetterie reviennent aux clubs, qui payent ainsi leurs joueurs et l’entretien des équipements.
La Fédération a d’ailleurs prévenu : si aucune solution n’est trouvée, les matches internationaux ne se joueront désormais plus qu’à Erbil.
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