Grève des localités arabes après la mort de Mohammed Elasibi, tué par la police
La communauté a lancé le mouvement de grève après avoir accusé les agents d'avoir tué l'homme de sang-froid à Jérusalem ; il tentait de commettre un attentat, dit la police

Une grève générale a été organisée dimanche dans les localités arabes en signe de protestation après la mort d’un homme qui a été tué par la police, samedi, dans la Vieille Ville de Jérusalem. Les autorités israéliennes affirment que l’individu tentait de commettre un attentat, ce que démentent à la fois les témoins de la scène et la famille du défunt.
Selon la police, Mohammed Elasibi, âgé de 26 ans – qui résidait dans la ville bédouine de Hura, dans le sud d’Israël – se serait saisi de l’arme d’un agent de police à proximité de la porte des Chaînes, l’une des portes qui mènent au mont du Temple, et il aurait ouvert le feu à deux reprises avant d’être abattu.
Les témoins et les responsables arabes ont rejeté cette version des faits et d’anciens officiels des forces de l’ordre ont déclaré qu’il était « difficile à croire » que, comme l’ont affirmé les agents, les images de l’incident n’aient pas été capturées par les nombreuses caméras de surveillance du secteur.
La Haute-Commission de suivi des citoyens arabes d’Israël, l’organisation-cadre réunissant les leaders de la communauté arabe, ont appelé à une grève générale d’un jour suite à la mort d’Elasibi, affirmant qu’en l’absence de preuve du contraire, ils considéraient que l’incident portait sur la mort d’un innocent abattu par les forces de police.
La grève touche les services publics, les entreprises et toutes les écoles à l’exception de celles qui prennent en charge les personnes à besoins particuliers. Des rassemblements ont été par ailleurs organisés et notamment une manifestation massive au cours des funérailles d’Elasibi.
Le président de la commission, l’ancien député Mohammad Barakeh, a déclaré dimanche matin au micro de la radio militaire que « il n’y a pas de versions contradictoires – il s’agit d’une instance du régime qui a assassiné un citoyen de sang-froid. La charge de la preuve revient à la police ».

Barakeh a ajouté que la grève avait lieu dans presque toutes les localités arabes, ajoutant qu’elle serait pacifique « à moins que la police ne se prête à des provocations ».
Après l’annonce de la grève, samedi, Ahmad Tibi, député du parti Taal, a rendu visite à la famille d’Elasibi, sous la tente de deuil qui a été dressée à Hura.
« Mohammed Elasibi était un étudiant diplômé en médecine venu prier à la mosquée Al Aqsa », a commenté Tibi. « Il avait des rêves, ils ont été anéantis par les balles de policiers trop heureux d’appuyer sur la gâchette et qui pensent que la vie d’un Arabe palestinien ne vaut pas grand-chose ».
Tibi a fait la comparaison entre cet incident et les meurtres, par la police, de Yaqoub Abu Al-Qiaan et d’Iyad Halak. Lors de ces deux incidents distincts, la police avait initialement affirmé que la victime avait tenté de commettre un attentat ou qu’elle prévoyait de passer à l’acte avant de reconnaître qu’elle avait ouvert le feu par erreur sur un innocent.
« La méthode est la même, c’est du déjà vu », a-t-il poursuivi. « Ils tuent deux fois – une fois à l’aide des balles, une deuxième fois en les diffamant, en affirmant qu’ils étaient des terroristes. Les terroristes, ce sont ceux qui terrorisent des fidèles venus pour prier pour le ramadan – et qui espèrent pouvoir rentrer chez eux sains et saufs ».

La police a indiqué, samedi après-midi, que les coups de feu avaient été tirés dans un secteur qui n’était pas couvert par les caméras de sécurité. Elle a ajouté que « malheureusement, l’attentat terroriste en lui-même n’a pas été enregistré par les caméras corporelles que portaient les agents qui ont été impliqués dans l’incident. »
Un incident qui fait l’objet de toute l’attention du département des enquêtes internes de la police, au sein du ministère de la Justice. Il devrait décider de l’éventuelle ouverture d’une enquête.
Selon le site Ynet, la famille Elasibi est entrée en contact avec le Centre Mossawa, une organisation arabe de défense des droits de l’Homme, qui a fait savoir que son enquête avait montré que les agents avaient reçu des conseils juridiques avant de livrer leur version initiale des faits aux enquêteurs du département des enquêtes internes.

Le corps d’Elasibi aurait été transporté à l’institut médico-légal Abu Kabir, où une autopsie devrait être faite sur demande de la famille.
L’ancien chef de la police de Jérusalem, Yair Itzhaki, a indiqué lors d’un événement culturel organisé à Rishon Lezion, samedi, qu’il était improbable qu’il n’y ait aucune image de l’incident.
« Je ne vois pas la possibilité qu’il n’y ait rien de mis à disposition de la police. J’ai personnellement supervisé l’installation de toutes les caméras là-bas », a dit Itzhaki.
Un ancien haut-responsable des forces de l’ordre a fait part de sentiments similaires concernant l’absence de vidéos de l’incident dans des propos tenus auprès du site d’information Ynet.
« Les lieux sont remplis de caméras – ainsi, à moins d’un dysfonctionnement du système, je trouve difficile de croire que les coups de feu n’aient pas été filmés », a-t-il affirmé. « La route qui mène à la porte est également sous vidéosurveillance accrue et que l’incident n’ait pas été filmé est insensé ».

Des témoins ont confié à Ynet qu’Elasibi n’était pas armé et qu’il ne posait aucun danger.
« Les agents traitaient une femme de manière inappropriée ; il est intervenu et il a tenté de lui venir en aide – c’est là qu’ils ont tiré. Les coups de feu n’étaient absolument pas nécessaires », a déclaré un témoin sous couvert d’anonymat.
Toutefois, la police a maintenu sa version des événements et émis plusieurs communiqués où elle s’est insurgée contre « les publications mensongères » au sujet de l’incident, démentant notamment que le secteur était doté de caméras de sécurité.
Les forces de l’ordre ont également diffusé les déclarations de plusieurs agents impliqués.
« Je contrôlais le suspect ; je lui ai demandé d’où il était originaire et je lui ai demandé de partir parce que le secteur était fermé à ce moment-là », raconte ainsi un policier identifié sous l’initiale « Mem », la première de son nom de famille. « Il s’est disputé avec moi et je l’ai emmené à la sortie. A un moment, l’attaquant s’est retourné sur moi, il a attrapé mon arme et il est parvenu à tirer quelques balles sur les agents de la police des frontières. J’ai réussi à le contrôler en quelques secondes, à lui prendre l’arme des mains et je l’ai neutralisé, avec l’autre policier qui se trouvait avec moi ».
« Yud », son partenaire, a indiqué que « j’ai eu le sentiment que nos vies étaient réellement en danger. Si je n’étais pas intervenu, si je n’avais pas tiré et si je ne l’avais pas neutralisé, il aurait pu me tirer dessus, tirer sur mon partenaire et sur les agents de la police des frontières ».
Une agente de la police des frontières, « Lamed », a soutenu leur témoignage, disant que le suspect « a pointé son arme vers ma tête » et qu’elle s’était réfugiée derrière un pilier en ciment alors qu’il ouvrait le feu. Un autre, « Mem », a estimé que « si le policier n’avait pas tiré, s’il ne l’avait pas neutralisé, nous ne serions plus là pour en parler ».
Pour les musulmans palestiniens, la mosquée al-Aqsa – c’est le troisième site le plus saint de l’islam – occupe une partie centrale pendant le mois sacré du ramadan. Les Juifs vénèrent le même site sous le nom de mont du Temple, le site le plus saint du judaïsme dans la mesure où c’est là que les anciens temples se dressaient.
Le mois sacré du ramadan, qui a commencé la semaine dernière et qui se terminera le 21 avril, est souvent une période de tensions accrues entre Israéliens et Palestiniens, et les frictions sont déjà fortes à Jérusalem et en Cisjordanie, cette année, après des mois de violences meurtrières.