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Hongrie: Orban accuse un groupe juif d’avoir ignoré des propos antisémites

Le Premier ministre, accusé d'attiser les haines, a dit que le groupe Mazsihisz n'avait pas condamné un candidat qui avait tenu des propos anti-juifs - ce que dément ce dernier

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban lors d'une table ronde à un sommet de l'Union européenne à Bruxelles, le 15 octobre 2020 (Crédit : Yves Herman, Pool via AP)
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban lors d'une table ronde à un sommet de l'Union européenne à Bruxelles, le 15 octobre 2020 (Crédit : Yves Herman, Pool via AP)

JTA — Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, l’un des leaders nationalistes et anti-immigrants les plus fervents en Europe, a souvent été accusé de se montrer trop indulgent à l’égard de l’antisémitisme d’extrême-droite.

Mais aujourd’hui – un renversement inhabituel – c’est Orban qui a lancé cette même accusation à l’encontre du Mazsihisz, le groupe juif le plus important du pays.

Orban a récemment critiqué le Mazsihisz, fédération non-partisane des groupes et communautés juives du pays qui, selon lui, ne s’est pas exprimé avec force pour dénoncer la candidature de Laszlo Biro, membre du parti d’extrême-droite Jobbik. Biro a échoué de peu dans sa quête d’un siège parlementaire, dimanche, et il est connu pour ses déclarations antisémites passées.

Orban a qualifié la réaction du Mazsihisz à la campagne de Biro de « velléitaire et faible », a fait savoir mercredi le site d’information Mandiner.

Mazsihisz a déclaré à JTA que cette accusation émanant du Premier ministre hongrois était mensongère et que la fédération avait dénoncé, il y a des mois, les propos anti-juifs qui avaient été tenus par Biro.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban quitte un sommet de l’UE à Bruxelles, le 16 octobre 2020 (Crédit : Johanna Geron, Pool via AP)

Biro avait écrit sur les réseaux sociaux que les touristes juifs orthodoxes pouvaient être à l’origine de sa propre infestation aux puces. Dans une autre publication, il avait appelé à « déconnecter le capital des banques usurières juives de l’économie » et dans une autre, il avait qualifié Budapest de « Judapest ».

Mazsihisz « a condamné et condamne encore les écrits de Laszlo Biro », a répété le groupe dans une déclaration faite, cette semaine, à la JTA.

Cet échange sans précédent reflète la volonté croissante d’Orban d’utiliser les Juifs de Hongrie à des fins partisanes alors qu’une alliance inattendue vient dorénavant menacer la mainmise de son parti Fidesz sur le pouvoir.

L’année dernière, les partis libéraux – et notamment le parti socialiste hongrois et la coalition démocrate – avaient accepté de former un bloc avec Jobbik, une formation qui a été mise en cause pour avoir encouragé, dans le passé, le racisme et l’antisémitisme et dont le vice-président, en 2013, avait appelé à enregistrer les noms de tous les Juifs hongrois.

Cette alliance était, selon ses partisans, susceptible de défier de manière crédible Orban et Fidesz. Depuis, les partis de gauche ont vivement recommandé à leurs soutiens de voter pour les candidats de Jobbik là où ils ont la plus grande probabilité de gagner, et vice versa.

Même si Biro est un membre bien connu de Jobbik, un parti qualifié de « néonazi » par le Congrès juif mondial, il a été le candidat soutenu, lors d’un scrutin spécial qui a eu lieu cette semaine, par tous les partis d’opposition, et notamment par le parti socialiste hongrois de centre-gauche, qui compte de nombreux électeurs et de nombreux membres juifs.

Cette stratégie d’alliance a aidé l’opposition à arracher le bureau du maire de Budapest – une fonction qui était occupée par le parti Fidesz – et à remporter dix mairies dans de grandes villes du pays. Mais, jusqu’à présent, il s’agit plutôt d’une initiative symbolique qui aura à peine ébranlé la super-majorité constitutionnelle que Fidesz, au pouvoir sous l’autorité d’Orban depuis 2010, possède au parlement.

Néanmoins, les résultats des élections de cette semaine prouvent l’impact potentiel que pourrait avoir l’alliance à l’avenir.

Le vote de dimanche a concerné un siège au parlement national représentant la ville de Szerencs, au nord-est de la Hongrie. L’ex-représentant de la ville, Ferenc Koncz, issu des rangs du Fidesz d’Orban, était décédé dans un accident de voiture survenu au mois de juillet.

Sa fille, Zsófia Koncz, l’a emporté sur Biro, conservant le siège pour le parti du Fidesz, mais avec une victoire très étroite – 51 % des votes. Si Koncz avait perdu, la coalition du Fidesz aurait perdu sa super-majorité des deux-tiers au parlement – ce qui octroie au parti de larges pouvoirs, et notamment la capacité de faire des changements constitutionnels.

George Soros, fondateur et président de Open Society Foundations, avant la cérémonie de remise du prix Joseph A. Schumpeter à Vienne, en Autriche, le 21 juin 2019. (AP Photo/Ronald Zak)

Au cours de la décennie qu’Orban a passé au pouvoir, les critiques ont prétendu qu’il avait mis en place des politiques de plus en plus autoritaires, xénophobes et nationalistes – avec, entre autres, une campagne publique visant George Soros, milliardaire juif né en Hongrie et survivant de la Shoah qui finance des causes de gauche dans son pays natal et qui se trouve au coeur d’un (très) grand nombre de théories du complot antisémites.

La campagne menée contre Soros, ainsi que l’insistance mise par Orban sur l’édification d’une statue qui, selon les critiques, blanchirait la collaboration de la Hongrie avec l’Allemagne nazie pendant la Shoah, avaient amené le Mazsihisz, dans le passé, à mettre en garde contre d’éventuelles incitations à l’antisémitisme et au révisionnisme de la part d’Orban.

Mais tous les groupes juifs de Hongrie ne s’étaient pas pour autant dits inquiets. L’EMIH, fédération des communautés juives affiliée au mouvement Habad, avait rejeté les critiques énoncées par le Mazsihisz, prenant la défense de la politique anti-immigration menée par le gouvernement et niant le caractère antisémite des attaques contre Soros.

Le Mazsihisz avait riposté à l’EMIH en estimant que le groupe était redevable au gouvernement et partial à l’égard du parti Fidesz dans la mesure où ce dernier lui donnait des fonds et des bâtiments (Mazsihisz reçoit également des millions de dollars en subventions d’Etat de la part du gouvernement d’Orban).

Les deux fédérations juives sont aujourd’hui également divisées en ce qui concerne la controverse de Biro.

La réponse apportée par le Mazsihisz « a été faible », a déclaré Shlomo Koves, le président de l’EMIH, à JTA.

« Ces gens n’ont pas dénoncé en termes suffisamment forts le parti Jobbik et Biro, et certains des représentants du groupe ont personnellement participé à des événements de la campagne électorale de Jobbik dans le passé. Malheureusement, un groupe de responsables laïcs s’est saisi de cette communauté respectable et ils ont placé leurs propres bénéfices politiques avant l’intérêt des Juifs », a-t-il commenté.

Les débats sur l’alliance entre la gauche et Jobbik avaient commencé en 2018 quand un responsable local affilié au Mazsihisz, Miklós Erdélyi, avait publiquement apporté son soutien à un candidat de Jobbik, Attila Kiss, qui se présentait aux élections dans la municipalité de Hódmezővásárhely, dans le sud du pays. Le Mazsihisz avait, pour sa part, pris ses distances.

En réponse aux critiques essuyées lors de l’affaire Biro, le Mazsihisz a souligné être une organisation religieuse non-partisane. Il a également cité des informations, rendues publiques au mois d’août qui, a-t-il souligné, ont montré que le groupe avait dénoncé sans ambiguïté l’antisémitisme de Biro.

Le président du Mazsihsz, Andras Heisler, « n’a pas l’intention de s’impliquer dans de la politique partisane », a fait savoir le groupe, qui a aussi remercié le gouvernement d’Orban pour son soutien financier apporté aux institutions juives à travers toute la Hongrie.

La « sécurité physique et religieuse » relative des Juifs hongrois est indubitablement à attribuer « au gouvernement hongrois, qui condamne sans équivoque l’antisémitisme et qui se tient, en conséquence, aux côtés de l’Etat d’Israël », a fait savoir le Mazsihisz.

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