Israël, droit à l’avortement : de jeunes orthodoxes US expliquent leurs choix pour l’élection
Tiraillées entre deux candidats aux valeurs diamétralement opposées, ces jeunes électrices se demandent dans quelle mesure le soutien à l'État juif doit primer
JTA — À quelques jours de l’élection présidentielle, Shalva Perlman ne sait pas encore pour qui elle va voter. Les deux questions qui la préoccupent sont la protection du droit à l’avortement et le soutien à Israël.
Dans l’isoloir, elle pense faire primer Israël.
« J’ai du mal à me décider pour qui voter », confie Perlman. « Je suis encartée chez les Démocrates depuis un certain temps maintenant, mais j’hésite. C’est difficile de voter Démocrate avec tout ce qui se passe au Moyen-Orient en ce moment. »
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Perlman est en première année au Stern College for Women de l’Université Yeshiva, la célèbre université orthodoxe. Juive orthodoxe, elle appartient à cet électorat qui s’est déplacé vers la droite et vers Trump ces dernières années, en grande partie en raison de ses positions envers Israël.
Selon un récent sondage de YU Commentator, le journal étudiant de la Yeshiva University, 84 % des 122 étudiants du Stern College interrogés disent voter pour Donald Trump, ce que confirment d’autres sondages réalisés auprès des électeurs orthodoxes qui annoncent une majorité écrasante en faveur du candidat Républicain.
Sur un autre plan, Perlman pense comme la plupart de ses camarades de classe de Stern, à savoir qu’elle refuse que la Cour suprême revienne sur les protections fédérales du droit à l’avortement – une question au cœur de la campagne de Kamala Harris.
Malgré tout, elle pense faire primer Israël au moment de voter.
« Je pense que la fidélité à mon pays est le plus important en ce moment », explique Perlman qui ajoute « Dans ma famille, Israël est ce qu’il y a de plus important. Les élections le montrent bien. »
L’hésitation qu’évoque Perlman est le lot commun de l’électorat de Stern – soit un millier d’étudiantes -, aujourd’hui dans une situation sans précédent : comme toutes les femmes de cet âge, la majorité d’entre elles soutient le droit à l’avortement. Mais leur communauté va voter majoritairement pour un Donald Trump qui s’est réjoui de la décision de la Cour suprême, en 2022, tout en disant qu’il n’imposerait pas d’interdit fédéral sur l’avortement.
Des étudiantes de Stern expliquent à la Jewish Week qu’il y a peu de conflits sur le campus, politiquement parlant. Il existe bien des clubs étudiants à la YU pour les Démocrates et les Républicains, mais selon le sondage, Trump jouit de plus de 80 % d’opinions favorables sur les deux campus. Israël domine l’agenda politique de l’université.
« Mon vote ira à Israël », confie Layla, étudiante en première année qui préfère ne pas donner son nom de famille et a voté par correspondance en Californie. « Je suis une sioniste convaincue et c’est une chose à laquelle je pense obligatoirement lorsque je vote. Oui, je suis Américaine, mais je suis aussi juive. »
Layla dit ne pas aimer parler politique et ne pas avoir fait savoir pour qui elle avait voté. Sa colocataire Talia, oui : elle votera Trump.
« Je crois qu’il est bien avec les Juifs », explique Talia, qui ne souhaite pas davantage donner son nom de famille. « Il n’est peut-être pas une bonne personne, mais il est bon avec les Juifs. »
Daphne Lazar Price, directrice exécutive de JOFA, l’Alliance féministe juive orthodoxe, explique à la Jewish Week avoir eu exactement les mêmes conversations avec de jeunes électrices américaines, qu’elles votent aux États-Unis ou par correspondance depuis l’étranger.
« Les jeunes femmes orthodoxes modernes sont incroyablement inquiètes pour Israël et veulent savoir qui sera meilleur candidat pour assurer sa sécurité, maintenant et sur le long terme », explique Lazar Price dans un courriel. « Cela dit, en politique intérieure, les jeunes femmes orthodoxes modernes tiennent également beaucoup au droit à des soins de santé reproductive complets [avortement, contrôle des naissances et FIV]. »
Aux États-Unis, pour un grand nombre de femmes juives – dont certaines sont des orthodoxes modernes -, les droits reproductifs sont une question clé : d’ailleurs, certaines d’entre elles ont porté plainte contre leur État pour obtenir le rétablissement du droit à l’avortement pour des questions religieuses. (Selon les sondages, les Juifs américains sont, plus que tout autre groupe religieux, favorables au droit à l’avortement. Et la loi juive traditionnelle permet – exige même – l’avortement dans certaines circonstances.)
« Elles sont conscientes de l’importance de leur vote car l’enjeu de ces élections est très élevé », ajoute Lazar Price à propos de ces jeunes électrices. « Elles sont par ailleurs très préoccupées – à juste titre – par la montée de l’antisémitisme et la réaction qu’elles anticipent de la part de chacun des candidats pour y faire face. »
A Stern, certaines partisanes de Harris ne voient aucune contradiction entre leur identité orthodoxe et leur vote. Pour Selma Spinner, étudiante en sciences politiques et coprésidente des démocrates de la Yeshiva University, les valeurs de ce parti et ses valeurs juives vont de pair.
« Je fais en sorte de penser et d’agir en tant que Juive de la Torah et étudiante modern-orthodox », confie Spinner. « Tout ce que je fais et crois est basé là-dessus. Je m’identifie beaucoup plus à ce que j’oserai qualifier ‘d’humanisme’ du Parti Démocrate et, pour ces élections en particulier, à Kamala Harris. En tant que Juive, je m’identifie davantage non seulement à sa politique, mais aussi à son discours. »
D’autres voient une contradiction entre le libéralisme et l’orthodoxie – et elles choisiront le premier au moment de voter.
« Les priorités libérales, en général, vont à l’encontre de nombre de valeurs juives traditionnelles », confie Talia Isaac, étudiante en deuxième année à Teaneck, dans le New Jersey, qui se spécialise en sciences politiques et a voté pour Kamala Harris et Tim Walz par correspondance.
« Il est est probable que les Juifs orthodoxes soient moins enclins à voter pour un candidat favorable à un plus large accès aux soins de santé reproductive ou d’affirmation de genre, ce genre de choses. »
Isaac dit refuser de s’en remettre à autrui pour décider en faveur de qui elle va voter. En plus des droits reproductifs et d’Israël, elle a eu l’occasion de travailler avec de nombreuses organisations spécialisées dans l’aide juridique aux survivantes d’agressions sexuelles.
« Le seul et unique aspect de mon judaïsme susceptible de peser, au moment de voter, tient aux protections et droits qui sont les miens en ma qualité de citoyenne juive d’Amérique », confie Isaac. « Je veux être certaine d’être bien protégée. »
Elle ajoute : « La plupart du temps, je vote pour des raisons liées à la correspondance entre les politiques et valeurs d’un candidat et mes propres valeurs, mes propres raisons. Cela a finalement très peu à voir avec mon identité juive, la Torah, la halakha [loi juive]. J’ai l’impression d’avoir mon éthique et mes propres valeurs. »
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