Israël enterre ses morts : des bénévoles leur rendent hommage en creusant les tombes
Dans les plus grands cimetières, des obsèques ont eu lieu jour et nuit, ce qui a requis la présence de bénévoles pour préparer les tombes
Dans la section militaire d’un cimetière Yehud du centre d’Israël, Racheli Konstantyn travaille bénévolement comme fossoyeur depuis maintenant une semaine.
Elle explique au Times of Israël que c’est quelque chose de nouveau pour elle : jusqu’à présent, elle ne fréquentait les cimetières que pour des funérailles, et non pour leurs préparatifs.
Dans le sillage de l’infiltration du Hamas en Israël et du massacre brutal de quelque 1 300 civils et soldats israéliens, le samedi 7 octobre, un appel a été lancé dans tout le pays pour attirer des bénévoles prêts à aider et faire face à une charge de travail proprement écrasante.
Dans les plus grands cimetières, des obsèques ont eu lieu jour et nuit ces sept derniers jours, ce qui a nécessité la présence de bénévoles pour préparer les tombes. Des formulaires Google ont été envoyés sur les groupes WhatsApp communautaires et les créneaux encore vides – comme ceux de 2 heures du matin – se sont souvent remplis en l’espace de quelques minutes, dans le souci de rendre tous les hommages dus aux morts.
Konstantyn explique que le creusement des tombes est plutôt simple.
« A mon arrivée au cimetière, il y avait un bulldozer qui cassait les chapes de ciment, des pelles et des sacs. Une fois la chape de ciment broyée, nous avons creusé et mis dans des sacs la terre qui sera réutilisée au moment de l’enterrement. »
Si, physiquement, le travail n’est pas compliqué, on ne peut pas en dire autant de la charge émotionnelle qui l’accompagne.
Lorsqu’on lui demande comment elle fait pour gérer, sur le plan émotionnel, elle dit puiser la force chez ceux qui sont en première ligne, comme chez les victimes et survivants de la barbarie du Hamas.
« Sur le plan émotionnel, je crois que c’est sans commune mesure avec ce que vivent les vrais héros, ou les vraies horreurs vécues par ces gens ».
« C’est pour cette raison que ce que je fais, et qui aurait normalement un impact émotionnel très fort sur moi, me semble bien modeste, presque facile en comparaison », explique Konstantyn.
« Depuis le début de cette guerre, je suis en mode protection, ce qui suppose de rester équilibrée », dit-elle, « je crois que, plus tard, mon corps traitera émotionnellement tout ce qui s’est passé. »
Creuser des tombes n’est qu’une des nombreuses façons dont les Israéliens et Juifs de la diaspora ont donné du temps et de l’énergie la semaine passée, comme l’illustrent ces milliers de personnes qui ont patienté pour donner leur sang et des vivres, et celles qui ont ouvert leur porte aux personnes déplacées du sud du pays.
Lorsqu’on lui demande ce qui lui fait dire qu’il est important de donner de son temps au pays après cette tragédie – et d’une manière exigeante, à la fois physiquement et émotionnellement – elle explique qu’il faut aider les autres.
« Il n’y a pas aucune gloire dans le bénévolat, aucune gloire dans la guerre, aucune gloire dans la mort », dit-elle sérieusement. Il y a, en revanche, de la gloire dans l’unité et la compassion. Il y a de la gloire à être là pour autrui. C’est ce que je fais. »
« Cela peut passer par du temps passé dans des embouteillages pour aller à un enterrement auquel je n’ai finalement pas pu assister, en raison du trop grand nombre de personnes – nous étions des dizaines de milliers – venu suite au message de la famille, craignant de ne pas réunir le minyan ; ou encore par le fait de préparer des cartons de vivres et autres fournitures ; et aussi par le fait de creuser des tombes », énumère-t-elle. « Il faut que nous soyons là les uns pour les autres. »
Si les bénévoles s’activent sans relâche à Yehud pour préparer les tombes, dans le plus grand cimetière militaire d’Israël, le mont Herzl à Jérusalem, c’est une « succession ininterrompue » de funérailles. L’enterrement d’un soldat mort au combat s’achève à peine qu’un autre commence. Dimanche après-midi, les rangées de tombes fraîches témoignent des pertes endurées la semaine dernière.
Alors que la pluie tombe d’un ciel couvert, le cimetière est calme, et les uniques témoins du travail effectué par les bénévoles, la semaine passée, sont les sacs de terre qui bordent une parcelle de terrain pratiquement vide il y a encore quelques jours.
Les tables pliantes parsemées de bouteilles d’eau, les piles de chaises en plastique et les instructions scotchées à la hâte disent tout de la précipitation dans laquelle ces travaux, et l’implication des bénévoles, se sont faits.
Ils donnent une idée du nombre de familles et d’amis en deuil qui sont passés par le cimetière rien que cette dernière semaine.
Chaque tombe est recouverte de bouquets, couronnes et pierres, et un petit panneau manuscrit sur chaque parcelle marque le nom et le numéro d’identification personnel de chacun des soldats morts au combat.
Au fil du temps, ces concessions funéraires seront aménagées pour s’harmoniser avec le reste du cimetière. Des blocs de pierre de Jérusalem seront ajoutés à chaque tombe, rugueux sur les côtés et polis à la perfection sur le dessus. Le nom et l’âge des défunts sera soigneusement gravé, accompagné de quelques mots ou d’une citation choisis par les proches.
Pour l’heure, ce ne sont que des monticules de terre. Le chagrin et l’amour de ceux qui les connaissaient est partout dans ces petits mots, ces images et ces souvenirs, et bien sûr, ces couronnes de fleurs colorées dont la couleur se détache sur un ciel un peu gris.
Le coin est en grande partie désert et presque silencieux. Une femme marche tranquillement entre les rangées, les yeux rougis, et tandis qu’elle s’éloigne, sa main se serre contre sa poitrine. Non loin de là, un homme se tient devant une tombe et allume une bougie commémorative qu’il protège du vent.
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