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Analyse

Israël et l’opinion publique: la bataille a-t-elle été ingagnable ou mal gérée?

Tandis que le porte-parole de Tsahal est vivement critiqué en raison de sa gestion des affrontements frontaliers de la semaine dernière, certains le voient comme un bouc émissaire

Judah Ari Gross

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Des Palestiniens brandissent leurs drapeaux sous une forte fumée de pneus brûlés par les Gazaouis à la frontière entre Israël et Gaza lors d'une manifestation, à l'est de la ville de Gaza, le 6 avril 2018 (AFP PHOTO / MAHMUD HAMS)
Des Palestiniens brandissent leurs drapeaux sous une forte fumée de pneus brûlés par les Gazaouis à la frontière entre Israël et Gaza lors d'une manifestation, à l'est de la ville de Gaza, le 6 avril 2018 (AFP PHOTO / MAHMUD HAMS)

Alors que l’armée israélienne a réussi à repousser des tentatives d’infiltration répétées à la frontière de Gaza lors des importantes manifestations et affrontements organisés au cours des sept dernières semaines, l’Etat d’Israël aurait, selon certains, perdu la lutte de l’opinion publique.

« Une guerre se joue, et nous ne sommes même pas sur le champ de bataille », a déclaré Michael Oren, ministre adjoint de la diplomatie publique, au Times of Israël.

Selon Oren, le narratif qui semble être acceptée par une large partie du monde est la suivante : des manifestations palestiniennes en grande partie pacifiques ont rencontré une force meurtrière disproportionnée et écrasante de la part des puissantes forces israéliennes. Ce récit aurait eu bien plus d’échos que le récit israélien, selon lequel il s’agissait d’une campagne militaire du groupe terroriste du Hamas qui appelle régulièrement à la destruction de l’Etat juif et qui a utilisé sa population comme bouclier humain pour mener des attaques le long de la clôture, avec l’intention de voir le plus grand nombre possible de ses propres civils se faire tuer par les troupes israéliennes.

Une sympathie universelle en faveur d’Israël n’a jamais été probable.

Les responsables israéliens ont répété que le Hamas tentait de faire passer des foules de Gazaouis à travers la barrière, y compris ses propres soldats, pour potentiellement commettre des attaques en Israël. La principale préoccupation de l’armée israélienne aurait été de s’assurer que cela ne se produise pas. Mais, précisément parce que cela ne s’est pas produit, cela a été vu comme une simple revendication de la part d’Israël – une revendication opposée à des images réelles de Gazaouis morts et blessés.

Des Palestiniens entourent le corps de Yazan al-Tubasi, enveloppé dans le drapeau du groupe terroriste du Hamas, lors de ses funérailles dans la ville de Gaza, le 15 mai 2018, après sa mort survenue la veille lors d’affrontements (Mahmud Hams / AFP)

Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 100 Palestiniens, dont deux journalistes, ont été tués par les forces israéliennes depuis le début des affrontements frontaliers le 30 mars. Dans le même temps, les affrontements n’auraient fait qu’une seule victime israélienne – un soldat israélien aurait été légèrement blessé par une pierre.

Lors de ces émeutes hebdomadaires, la plupart des participants sont restés éloignés de la barrière de sécurité, dans des tentes à quelques centaines de mètres. Mais des milliers de personnes ont approché la frontière, jetant des pierres et des cocktails Molotov sur les soldats israéliens ou endommageant les clôtures de sécurité, dans le but de passer à travers. Des « cerfs-volants terroristes » équipés de cocktails Molotov ont également été lancés en Israël, provoquant des incendies sur des centaines d’hectares de terres agricoles et de champs.

En réponse, les forces israéliennes ont utilisé du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles réelles, qui visaient les jambes à moins qu’il n’y ait une menace directe et immédiate, auquel cas des tirs visaient le torse. L’armée maintient que les tireurs d’élite ont respecté des règles d’engagement strictes et ont exigé l’approbation d’un commandant pour tirer. Des groupes israéliens de défense des droits de l’homme ont remis en question la légalité des règles d’engagement de l’armée, portant la question devant la Haute Cour de justice, où l’affaire devait toujours être examinée lors de la rédaction de cet article.

Lors de certaines journées, des affrontements directs entre les Palestiniens armés et les forces israéliennes ont également éclaté.

Bien qu’une coalition de diverses organisations de Gaza ont proposé l’idée de ces marches, le groupe terroriste du Hamas, qui dirige l’enclave côtière depuis son violent coup d’état en 2007, les ont rapidement cooptées – en organisant un système de bus gratuits jusqu’à la frontière, en offrant de l’argent aux blessés et en y envoyant ses agents déguisés en civils.

Un Palestinien utilise un lance-pierres lors d’affrontements avec les forces israéliennes le long de la frontière avec la bande de Gaza, à l’est de la ville de Gaza, le 18 mai 2018 (Photo AFP / Mahmud Hams)

« L’idée était la nôtre, mais la situation sur le terrain est une autre histoire », a déclaré le mois dernier Ahmad Abu Artema, un activiste palestinien reconnu pour être à l’origine de ces marches, après les premières émeutes, au journal Financial Times.

Alors qu’Artema et les organisateurs d’origine soutiennent que les manifestations étaient censées être non-violentes, les dirigeants du Hamas ont clairement indiqué que ce n’était pas leur but. « Nous allons abattre leur frontière et arracher leurs cœurs de leurs corps », a crié Yahya Sinwar, le dirigeant du Hamas à Gaza, lors d’un rassemblement le 6 avril.

Au moins un cinquième des personnes tuées étaient activement engagées dans des affrontements armés avec les troupes israéliennes – utilisant des armes à feu ou des explosifs – quand elles ont été abattues. Selon l’armée, un certain nombre de Palestiniens ont également été abattus alors qu’ils essayaient d’installer des engins explosifs improvisés le long de la barrière de sécurité, bien que l’armée israélienne n’a pas fourni de chiffre exact.

Néanmoins, la majorité des victimes semblaient être des victimes non intentionnelles, qui sont mortes de ce qui devait être des blessures non mortelles aux jambes ou qui ont été frappées par des balles qui ont raté leur cible.

Une photo prise le 14 mai 2018 depuis le kibboutz israélien de Nahal Oz, de l’autre côté de la frontière avec la bande de Gaza, montrant des soldats israéliens qui se tiennent en position et des manifestants palestiniens qui manifestent le long de la frontière avec Israël (AFP / JACK GUEZ)

Alors que cette disparité dans le nombre de victimes entre les deux parties est le résultat des actions militaires visant à empêcher les infiltrations à la frontière, et non un manque d’intention meurtrière de la part du Hamas et d’autres groupes terroristes, elle existe néanmoins.

Et bien que la grande majorité des Palestiniens tués aient été identifiés comme membres d’organisations terroristes, que ce soit par l’armée israélienne ou par les groupes terroristes eux-mêmes, cette information n’a été publiée qu’après les faits.

Aussi, il faut se rappeler de l’histoire concernant l’une des photos les plus choquantes des violences – celle des funérailles d’un bébé de Gaza, âgé de huit mois, qui a prétendument été tué après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Alors que la photo avait déjà fait le tour de la presse et des chaines d’information, les détails n’ont été connus qu’après plusieurs heures : la famille de l’enfant a reconnu qu’il était victime d’une cardiopathie congénitale, ce qui serait une cause plus probable de sa mort, a indiqué un médecin de Gaza.

Les mots « bain de sang » et « massacre » ont fait la une des grands journaux américains et européens dans des articles concernant les affrontements frontaliers de lundi.

« Le Hamas ne peut pas s’infiltrer à travers la clôture, alors il veut faire tuer des gens afin de délégitimer Israël. Et la presse joue là-dessus ; la presse permet au Hamas de gagner », a déclaré Oren dans une interview vendredi.

Au lendemain des émeutes frontalières de lundi, Israël a été vivement critiqué, non seulement dans les médias, mais aussi par l’opinion internationale.

Au lendemain des affrontements, le Conseil de sécurité des Nations unies a tenu une session d’urgence concernant les violences frontalières et a été empêché de publier une déclaration contre le « meurtre de civils palestiniens exerçant leur droit de manifester pacifiquement » par un veto américain.

Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Raad Al Hussein assiste à une session spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 18 mai 2018 à Genève. (AFP/Fabrice Coffrini)

Vendredi, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a approuvé une enquête indépendante sur les morts palestiniennes à la frontière. Seuls les Etats-Unis et l’Australie ont voté contre.

L’Autorité palestinienne s’est également rapprochée de la Cour pénale internationale afin qu’une enquête soit menée sur d’éventuels crimes de guerre commis par Israël.

Suite à cela, certains politiciens et responsables israéliens ont cherché qui blâmer. C’est ainsi que l’Unité des porte-paroles de l’armée israélienne, qui a joué un rôle central dans les efforts de relations publiques d’Israël, s’est retrouvée accusée.

D’autres ont affirmé que l’armée et son porte-parole Ronen Manelis avaient été utilisés comme « boucs émissaires » et que la bataille était simplement impossible à gagner. Selon Oren, ils auraient ainsi eu à porter le poids de la culpabilité d’un problème national plus profond.

Qui est à blâmer ?

L’un des premiers à avoir remarqué cet échec ostensible des relations publiques est le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, qui a déclaré à la radio israélienne qu’il y avait « une critique qui pouvait être entendue » à ce sujet.

L’Unité du porte-parole de l’armée israélienne « aurait pu mieux fonctionner, peut-être en amont [des émeutes] », a-t-il déclaré.

Le correspondant militaire israélien Ron Ben-Yishai a également publié une critique acerbe sur la manière dont l’Unité des porte-paroles de l’armée israélienne a traité les affrontements de Gaza la semaine dernière, intitulée « L’échec des relations publiques à la barrière de Gaza ».

La critique de cet unité a pris encore plus d’ampleur quand un briefing téléphonique entre le chef du département des médias internationaux de Tsahal, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, et des représentants de la communauté juive américaine la semaine dernière a fuité. Lors de cet appel, l’officier a affirmé que les terribles images en provenance de Gaza, montrant des manifestants blessés, avait donné au Hamas une « victoire écrasante, par K.O. », dans la lutte pour l’opinion publique.

Le leader du Hamas Ismail Haniyeh lors d’un arrêt sur le site des manifestations à la frontière entre Israël et Gaza, à l’est de Gazy City, le 9 avril 2018 (Crédit : AFP PHOTO / MAHMUD HAMS)

Vendredi, l’ex-porte-parole des forces israéliennes et actuelle députée travailliste, Nahman Shai, a condamné l’unité pour avoir reconnu publiquement ce qui était déjà clair pour tous : que le Hamas avait gagné la bataille narrative.

« Le Hamas voulait ces victimes, le Hamas voulait que ces gens meurent. Le Hamas voulait des photos des blessés, des hôpitaux débordés et tout le reste », a déclaré M. Conricus dans l’enregistrement.

« Il a été très difficile de raconter notre version », a-t-il déclaré aux dirigeants juifs américains, en reconnaissant : « Une partie de cela, j’en suis sûr, est de ma faute. »

Rien de ce qu’a dit Conricus ne surprendrait beaucoup ceux qui ont suivi la couverture médiatique sur Gaza, même s’il était peut-être plus franc que les portes-paroles se doivent de l’être.

Shai a critiqué l’officier pour avoir « complimenté le Hamas ».

Boucs émissaires

Malcolm Hoenlein, vice-président exécutif de longue date de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, a défendu Conricus et son commandant Manelis, affirmant qu’ils étaient injustement critiqués.

Porte-parole de l’armée israélienne, le général Ronen Manelis (Crédit : armée israélienne)

« Vous les voyez se faire assommer dans certains articles de presse, et ce n’est pas compréhensible », a-t-il dit.

« Ils deviennent des boucs émissaires », a déclaré Hoenlein.

Hoenlein, qui est généralement considéré comme une figure majeure sur les questions israéliennes et juives, a décrit comme insurmontable le défi de Manelis et Conricus – à savoir vendre le récit de Tsahal – en raison de ce qu’il a considéré comme un parti pris dans les médias internationaux contre Israël ou contre le président américain, Donald Trump, que beaucoup ont blâmé pour la violence à Gaza suite à sa décision de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem lundi dernier, jour des affrontements les plus meurtriers.

« Il y avait déjà un préjugé, qui n’était pas basé sur des faits. Vous pouviez donner toutes les informations aux médias, mais ils voulaient se faire [Israël]. Certains d’entre eux sont anti-Trump, d’autres sont autre chose », a déclaré Hoenlein dans une interview téléphonique.

« Je pense qu’ils ont fait du bon travail », a-t-il déclaré.

Malcolm Hoenlein, vice-président exécutif de la Conférence des présidents des organisations juives américaines majeures, à Jérusalem, le 19 février 2017 (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

En plus de la divulgation de l’appel téléphonique, Conricus et Manelis ont passé plusieurs appels aux représentants de plus de 100 organisations juives américaines afin de leur fournir des informations sur les opérations de l’armée à Gaza et des renseignements sur les efforts du Hamas, afin qu’elles et leurs membres puissent les utiliser dans leurs efforts de lobbying.

Selon Hoenlein, il s’agissait là d’un niveau de contact sans précédent avec l’Unité du porte-parole de Tsahal.

Cela peut être considéré à la fois comme une initiative de l’armée et d’autres organes nationaux – le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Affaires stratégiques, le bureau du Premier ministre.

« D’autres organes du gouvernement pourraient tirer une leçon sur leurs actes en termes de réactivité, sur la façon dont ils essaient de répondre à nos préoccupations et à quel point ils ont été disponibles à très court préavis », a déclaré Hoenlein.

Le vice-ministre Michael Oren à la Knesset, le 27 juin 2017. (Yonatan Sindel)

Le vice-ministre Oren, qui a critiqué le traitement par Israël concernant les relations publiques entourant les émeutes de Gaza depuis le début, a déclaré que le porte-parole de l’armée, Manelis, et son unité étaient utilisés tel un fouet, ajoutant que des améliorations étaient possibles.

« Je me sens mal pour Ronen. Il est en train de devenir un bouc émissaire pour un problème beaucoup plus profond », a déclaré le vice-ministre.

Selon Oren, le gouvernement n’a pas fait de la diplomatie publique une priorité, car de nombreux législateurs et hauts fonctionnaires ont le sentiment « qu’ils nous détestent, alors cela n’aidera pas ».

Je me sens mal pour Ronen. Il est en train de devenir un bouc émissaire pour un problème beaucoup plus profond

Par exemple, Oren a noté que le gouvernement n’avait pas préparé une liste de points de discussion et d’éléments de langage que les diplomates israéliens utiliseraient lors de leurs interviews avant les premières manifestations le 30 mars, malgré le temps alloué pour le faire.

« Il y a quelques semaines, quand ces émeutes ont commencé, un vendredi, les gens m’appelaient, me demandant : ‘Quels sont nos éléments de langage ? Quels sont nos messages ?’ Ma réponse a été : ‘Attendez une minute, nous avons eu des mois pour nous préparer à cela, des mois. Et vous préparez ça seulement maintenant, après les émeutes ? Sommes-nous fous ? », a déclaré Oren.

« Je propose que nous mettions en place un organisme multi-agences, doté de pouvoirs et d’un budget, dont l’Unité du porte-parole de Tsahal ferait partie », a déclaré Oren, qui, en tant que vice-ministre des relations publiques, serait probablement en charge d’un tel organisme.

Des marches en béton

Alors que le vice-ministre a déclaré que les critiques devraient être davantage centrées sur le désintérêt du gouvernement pour la diplomatie publique, et non sur Manelis et l’unité du porte-parole de Tsahal, il a affirmé que l’armée aurait pu prendre des mesures concrètes pour mieux exprimer son message.

La première de ces mesures aurait été que l’unité du porte-parole soit plus réactive, en particulier dans la distribution de documents visuels.

Des images de Tsahal montrant un groupe de cinq Palestiniens endommageant et franchissant la barrière de sécurité de Gaza, avant que l’un d’eux ne soit abattu lors d’une manifestation à Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 3 avril 2018 (Capture d’écran)

Il y a généralement un délai, de quelques heures à quelques jours, avant que l’armée publie des photos et des vidéos. Dans le cas des images prises par des photographes de l’armée, c’est parce que les documents doivent être examinés et approuvés par la chaîne de commandement avant d’être diffusés. Dans le cas de séquences provenant de caméras de surveillance ou d’autres équipements opérationnels, il existe également des étapes techniques destinées à empêcher la fuite d’informations sensibles et qui peuvent retarder le processus de publication.

Ce sont des problèmes qui n’existent pas du côté gazaoui de la barrière de sécurité.

« Ce dont j’ai besoin de la part de l’unité du porte-parole de Tsahal, c’est de pouvoir publier des photos en temps réel », a déclaré Oren.

Le deuxième point, également mentionné dans l’article de Ben Yishai, était le refus de l’armée de permettre aux reporters d’embarquer avec des troupes le long de la frontière ou même de les approcher, à quelques exceptions près.

L’armée a interdit aux journalistes de s’approcher à moins de quelques centaines de mètres de la clôture lors des émeutes de la « marche du retour ». Alors que peu de reporters occidentaux se sont approchés de la frontière du côté de Gaza, ils ont pu échanger avec les participants et photographier les émeutes.

Du côté israélien, les seuls soldats qui pouvaient techniquement parler à la presse étaient ceux qui se trouvaient plus loin, occupés à garder les communautés israéliennes voisines. Il leur était néanmoins en théorie interdit de parler à des journalistes, bien que certains l’ont fait de manière non officielle.

Les tireurs d’élite israéliens se préparent à des manifestations massives de la part des Palestiniens à Gaza et à la possibilité pour les manifestants d’essayer de franchir la barrière de sécurité, le 30 mars 2018 (Crédit : armée israélienne)

Les forces israéliennes ont déclaré que les émeutes avaient été violentes, les participants essayant d’endommager la barrière et de lancer des pierres et des cocktails Molotov, mais ont refusé de permettre aux journalistes d’en être témoins.

Les photos de soldats le long de la frontière distribuées par l’armée semblaient également avoir été prises dans une période d’accalmie avant les émeutes, avant que les manifestants mettent le feu à des pneus et avant que l’armée ne commence à larguer du gaz lacrymogène, dont les capsules ont régulièrement été rejetées ensuite en Israël.

« Vous n’imaginez pas ce que c’est, être un gamin de 18-19 ans qui voit des gens s’approcher de vous, sachant que si vous laissez passer une brèche dans la clôture, vous avez 2 000 personnes armées de couteaux à Nahal Oz », a déclaré Oren, se référant à une communauté israélienne située à moins d’un kilomètre de la frontière de Gaza.

« Donc, la seule perspective que vous obtenez est celle des Palestiniens », a-t-il dit.

Des manifestants palestiniens vêtus de t-shirts rayés ressemblant à des tenues de camp d’internement brandissent des pancartes avec des slogans écrits en hébreu qui lisent ‘Soldats, nous ne sommes pas des objets, nous sommes des humains’ ,’Gaza est la plus grande et la plus laide prison du monde’ ‘Gaza est une victime nazie’ et ‘Catastrophe humanitaire à Gaza, nous voulons une solution’, lors d’une manifestation près de la frontière avec Israël à l’est de la ville de Gaza, le 13 mai 2018 (AFP PHOTO / MAHMUD HAMS)

Les Forces de défense israéliennes sont généralement réticentes à permettre aux journalistes d’embarquer avec des soldats lors d’activités opérationnelles, même si certaines exceptions ont été faites au fil des ans, toujours sous la surveillance étroite des porte-paroles.

Cette aversion résulte, en partie, de la dernière expérience lors de laquelle l’armée a permis aux journalistes un contact étroit avec les unités de l’armée, durant la Seconde Guerre du Liban en 2006. A la suite du conflit, l’unité du porte-parole a fait l’objet d’importantes critiques à l’égard de la pratique, alors que certaines informations tactiques et des commérages internes au sein de l’armée ont été publiés accidentellement dans les médias, selon les officiers de l’époque.

Par le passé, l’armée craignait également que des soldats puissent être confrontés à des problèmes judiciaires à l’étranger s’ils étaient identifiés dans les médias – comme ce fut le cas du général de division Doron Almog, qui n’a pas pu prendre l’avion pour Londres en 2005 de peur qu’il soit arrêté et jugé pour crimes de guerre à son atterrissage. (Le ministre des Affaires étrangères britannique s’est ensuite excusé, et le mandat d’arrêt à son encontre a été annulé.)

L’armée était donc peu susceptible de modifier cette politique par elle-même, et « personne ne leur a dit » de le faire, a affirmé Oren.

Yahya Sinwar, leader du Hamas dans la bande de Gaza, durant une manifestation à l’est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 avril 2018 (Crédit : AFP/Said Khatib)

Lundi, Manelis a accusé le reste du monde de « croire aux mensonges du Hamas », dans un article d’opinion publié par le Wall Street Journal.

Il a balayé toutes les critiques de l’unité du porte-parole.

« Certains des plus grands amis d’Israël auraient peut-être préféré que nous ayons meilleure image dans les médias cette semaine, mais entre la vanité et la vérité, les forces israéliennes choisissent toujours la vérité », a écrit Manelis.

« L’armée va gagner là où c’est important : protéger nos civils face à la terreur », a écrit Manelis.

Cela semblait prouver la principale critique d’Oren, à savoir que l’armée ne voyait pas l’importance de gagner – ou du moins de ne pas perdre – l’opinion publique, ce qui peut finalement avoir un impact sur la capacité de l’armée à faire la guerre.

Dianne Feinstein (photo credit: Wikimedia Commons)
Dianne Feinstein (Crédit : WikiCommons)

« Nous pensons que le champ de bataille principal est le champ de bataille réel. Le champ de bataille réel n’est en fait pas le champ de bataille principal. Le principal champ de bataille est (la sénatrice américaine) Dianne Feinstein et les Européens. Et c’est pourquoi nous le perdons ; nous ne combattons même pas dans la bonne bataille », a déclaré Oren, faisant référence à la députée démocrate de Californie qui, la semaine dernière, a soutenu une enquête indépendante des Nations unies sur les actions d’Israël à la frontière de Gaza.

Selon le vice-ministre, cependant, les retombées diplomatiques et potentiellement légales des violences à la frontière de Gaza seront une simple « piqûre »  par rapport à ce qui pourrait survenir lors d’une guerre avec le groupe terroriste du Hezbollah au Liban, qui dispose de dizaines de milliers de roquettes et de missiles stockés dans et autour de logements civils libanais.

« Le but des roquettes – oui, c’est de nous causer des dégâts –, mais le but principal des roquettes est de nous faire faire tuer les gens dans ces maisons », a affirmé Oren.

« Le Hezbollah et le Hamas n’ont pas de stratégie militaire. Ils ont une tactique militaire qui sert une stratégie médiatique, diplomatique et juridique », a-t-il dit.

« Ils savent qu’ils ne peuvent pas vaincre l’armée israélienne », a déclaré Oren. « Ce qu’ils peuvent faire, c’est créer une situation où Tsahal ne peut pas agir, où les chars ne peuvent pas rouler et les avions ne peuvent pas voler. »

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