Israël expulserait des migrants dans le désert égyptien via des vols commerciaux
Un témoin oculaire a rapporté qu'un Africain menotté avait appelé à l'aide à bord de l'avion ; les services d'immigration assurent ne pas avoir été informé de l'affaire
Israël expulse des ressortissants d’Afrique de l’Ouest en Égypte, d’où ils sont envoyés dans des régions isolées, a affirmé un passager israélien, indiquant avoir assisté à un incident de ce type au Zman Yisrael, site en hébreu du Times of Israël.
« Mercredi 17 juillet, j’étais sur un vol commercial entre Israël et l’Égypte », a expliqué l’homme, qui a souhaité rester anonyme. « L’un des passagers était un migrant clandestin, originaire d’Afrique, qui avait les mains et pieds menottés et était sous surveillance. »
Il s’agissait d’un vol d’Air Sinai, une filiale d’Egypt Air. La compagnie n’a pas donné suite aux nombreuses demandes de commentaire de Zman Yisrael.
« Il n’arrêtait pas de crier qu’il était un réfugié de Côte d’Ivoire et qu’il se faisait expulser. Cela faisait extrêmement peine à voir, et certains passagers, des touristes arabes israéliens pour la plupart, ont commencé à paniquer », indique-t-il.
« J’ai demandé à l’équipage ce qu’il se passait, et ils m’ont répondu qu’il s’agissait d’une procédure de routine : Israël utilise leur compagnie aérienne pour envoyer des migrants clandestins d’Israël vers l’Égypte. Ils m’ont dit qu’ils étaient expulsés dans deux régions d’Égypte — soit le désert occidental, près de la Libye, ou dans le sud, près de la frontière soudanaise. Ils [les autorités israéliennes] les laisse choisir entre les deux », assure-t-il.
Zman Yisrael a déclaré avoir découvert d’autres cas d’expulsion de migrants clandestins vers plusieurs destinations, y compris l’Égypte.
Le bureau d’Amnesty International en Israël a fait part de son inquiétude à ce sujet, mais précisé ne pas être au courant des détails de l’affaire.
Chen Brill-Egri, responsable de campagne au sein de l’ONG, a déclaré à Zman Yisrael que « rien ne peut justifier l’expulsion d’une personne vers un pays tiers qui n’est pas le sien, et certainement pas dans une zone reculée d’Égypte ».
Ce dernier, a-t-elle dénoncé, « est un pays dangereux pour les migrants et les demandeurs d’asile, car il les emprisonne et les torture, avant de les expulser vers des pays encore plus dangereux ».
Chen Brill-Egri a expliqué que dans les cas où un individu ne dispose pas de papiers d’identité et est soupçonné d’être un migrant clandestin même s’il affirme être un demandeur d’asile, l’État doit revoir le statut qu’il accorde aux réfugiés.
« Tout d’abord, si quelqu’un clame être un réfugié, il est alors demandeur d’asile, et le gouvernement doit disposer d’un système d’examen professionnel et déterminer s’il est éligible à l’asile, d’autant plus s’il n’a pas de papiers d’identité. C’est ce qu’exige la Convention relative au statut des réfugiés, dont Israël a participé à la rédaction et dont elle est signataire », poursuit-elle.
« D’après notre expérience, Israël ne dispose pas d’un tel système et seule une portion minuscule de demandes d’asile est examinée », a-t-elle expliqué, soulignant que la Côte d’Ivoire « est un pays très dangereux, miné par des conflits armés internes. De nombreux réfugiés le fuient, certains pour Israël ».
L’employé d’Amnesty a ajouté que si l’homme n’était pas un réfugié et était ainsi non éligible à l’asile, « Pourquoi ne pas l’expulser vers son pays ? Il n’y a aucune raison d’expulser quelqu’un de force vers un pays tiers. C’est illégal. Notamment en ce qui concerne un pays comme l’Égypte ».
Selon elle, il est insensé de mettre en garde que dans ces conditions, les migrants afflueraient en masse en Israël : « Les réfugiés ont le droit de demander et obtenir l’asile dans un autre pays, nous devons donc examiner toutes les demandes. Un scénario où l’on verrait un million de personnes arriver ici est parfaitement illusoire. Mais pour ceux qui viennent bel et bien, leur cas n’est pas examiné. Et dans l’affaire en question, un homme a été renvoyé vers un pays tiers, un endroit où de nombreuses personnes risquent la mort, sans justification. »
Les services d’immigration ont répondu : « Nous ne sommes pas au courant des allégations en question, et sans plus de détails, nous ne sommes pas en mesure de répondre. »
« Israël expulse les migrants clandestins vers leur pays d’origine, et d’autres pays. La seule raison pour laquelle un individu est expulsé en Égypte serait parce qu’il est un ressortissant égyptien ou doit passer par l’Égypte pour prendre un vol vers son pays d’origine. Nous souhaitons clarifier que l’État d’Israël n’expulse pas les réfugiés (reconnus comme tels) ou quiconque dont la demande d’asile est en cours d’examen », ont-ils assuré.
Un responsable des services d’immigration a expliqué à Zman Yisrael que des civils placés dans des avions ne sont menottés que dans des cas extrêmes, à savoir lorsqu’ils résistent violemment et tentent de s’en prendre à l’équipage, aux officiers de police, au personnel aéroportuaire ou à eux-mêmes.
Cet article est une adaptation d’un article en hébreu paru sur Zman Yisrael.