Israël maîtrise mieux les incitations en ligne, selon la ministre de la Justice
Le groupe de travail existant depuis un an gère les publications offensantes en 24 heures, a noté Ayelet Shaked lors de la cyber-conférence de Tel Aviv
La ministre de la Justice Ayelet Shaked a expliqué dimanche qu’un groupe de travail établi au mois de mars 2016 pour lutter contre la haine et les incitations en ligne est parvenu à faire retirer la majorité des 3 500 pages présentant des contenus offensifs découverts jusqu’à présent, et que le temps moyen de réaction face à ces posts était de moins de 24 heures.
Ce groupe de travail avait été créé suite à une vague entraînant des centaines d’attaques qui avait commencé au mois d’octobre 2015 et dont les services de sécurité avaient estimé qu’elles étaient le résultat d’incitations à la violence sur internet.
« Il a été découvert très rapidement que dans sept cas sur dix, les terroristes avaient été influencés par des incitations à la violence et au terrorisme auxquelles ils avaient été soumis sur les réseaux sociaux et sur internet », a déclaré Shaked lors d’une conférence organisée lors de la Cyber-week en Israël.
« Le lien entre incitation et terrorisme est un nouveau phénomène dangereux qui a une signification stratégique ».
La succession des événements – lors desquels Israël s’est trouvé attaqué de l’intérieur – « nous a donné un sentiment de vulnérabilité. Nous avons peut-être pu penser à fermer internet dans la région entière. Nous avons pensé que les forces physiques – l’armée, la police – ne pouvaient gérer cette pénétration virtuelle de notre souveraineté ».
Cette nouvelle réalité a nécessité de nouveaux modes de pensée et d’opération, a-t-elle précisé, et le système juridique a « agi très vite » contre son « ADN [traditionnel] et suggéré de nouvelles solutions ».
Parmi ces dernières, le nouveau groupe de travail, chargé d’identifier les posts offensants en obtenant des ordonnances du tribunal pour les supprimer ; également le renforcement de la collaboration avec les géants des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Google et YouTube pour améliorer la réactivité et qui vise à empêcher et à supprimer les publications incitant à la violence et à la haine ; ainsi que la proposition de nouvelles lois.
Au mois de décembre, la Commission des lois a avancé ce qu’on a appelé le ‘projet de loi Facebook‘ et qui permettrait à l’état de réclamer des ordonnances auprès du tribunal pour obliger le réseau social à supprimer certains contenus sur la base de recommandations policières.
Le gouvernement a affirmé que ce projet de loi ne sera invoqué que dans des cas d’incitations présumées, lorsqu’il y a une possibilité réelle que le matériel en question mette en péril la sécurité nationale ou publique.
Shaked a indiqué qu’un projet de loi supplémentaire aura pour objectif de bloquer l’accès aux contenus qui soutiennent le terrorisme. Ce projet de loi en est à un stade déjà avancé, a-t-elle précisé. De plus, Shaked a ajouté qu’Israël prévoit d’organiser une conférence internationale qui accueillera différents ministres de la Justice pour évoquer le sujet sans pour autant donner plus de détails.
Lors d’une conférence organisée dimanche, Edna Arbel, ancienne magistrate à la Cour suprême et désormais à la tête d’un comité qui enquête sur les solutions légales permettant de combattre les incitations à la violence et les discours de haine sur internet, a expliqué que le système judiciaire doit être en mesure de s’adapter aux nouvelles réalités et aux nouveaux défis.
Elle a affirmé soutenir « par principe » la création d’outils supplémentaires pour combattre la menace en ligne mais qu’un équilibre doit être trouvé avec la liberté d’expression et la préservation de la confidentialité.
Shai Nitzan, procureur de l’Etat, a qualifié internet de « nouvelle place au coeur de la ville » mais avec cette différence cruciale que ceux qui s’expriment sur internet peuvent conserver l’anonymat et atteindre des milliers, voire des millions de personnes à travers le monde.
Depuis le début de l’année 2016, Israël a inculpé 250 personnes environ pour incitations – notamment 25 uniquement cette année, a-t-il dit.
Un contrôle augmenté de la part des gouvernements
Et même ainsi, Tehila Shwartz Altshuler, spécialiste de la réforme des médias en charge des projets gouvernementaux ouverts à l’Institut israélien de la démocratie, a tout de même mis en garde contre les réactions excessives et la réduction des libertés civiles.
Des entreprises comme Google, Facebook et Twitter ne sont pas seulement des entreprises high-tech mais aussi des entreprises médiatiques qui doivent être régulées en tant que telles. La coopération reste le meilleur moyen d’obtenir des résultats, a-t-elle affirmé, sans enfreindre les droits liés à la confidentialité et à la liberté de parole.
Le principal problème est toutefois que dans le monde comme en Israël, « les gouvernements tentent d’utiliser la technologie pour renforcer leur contrôle des citoyens », a-t-elle mis en garde, faisant notamment référence à la loi proposée concernant Facebook, à la base de données biométriques en cours d’élaboration et à l’utilisation largement répandue de méthodes de surveillance des activités en ligne.
Noa Elefant-Loffler, manager en charge de la politique publique chez Google Israël, a expliqué que Google et YouTube se sont engagés à faire partie de la solution et qu’ils travaillent à réduire les incitations et les discours de haine depuis un certain nombre d’années.
Le problème principal, a-t-elle toutefois noté, est le contexte. « Le contexte est roi », a-t-elle dit, « aucune machine ne peut encore comprendre le contexte ». Et c’est pourquoi Google emploie des équipes chargées de prendre les contextes en compte en ce qui concerne les publications considérées comme offensantes ou dangereuses.
Google promet de se montrer encore plus agressif dans ses politiques contre les incitations, a-t-elle continué, et a récemment annoncé une série d’initiatives allant dans cette direction. Elles comprennent plus de ressources allouées aux capacités d’apprentissage des machines qui sélectionneront les publications à examiner, l’augmentation du nombre d’employés qui se consacreront à cette tâche et la restriction de la portée de contenus considérés comme ‘borderline’, dans lesquels il n’y a pas de violation claire du code communautaire de Google – ce type de contenus sera exempt de publicités et de commentaires et ne pourra ni être recommandé, ni partagé par les autres.
« Cela aidera à limiter l’accès à ces posts », a-t-elle déclaré. Mais « il n’y a pas de solution magique ».