Jack Lew: L’exigence d’Israël sur le corridor de Philadelphie a fait oublier que le Hamas est le principal obstacle
Concernant le front nord, l'envoyé américain a dit à Israël de ne pas focaliser sur des « détails » tout en maintenant le cessez-le-feu au Liban
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
L’insistance du Premier ministre Benjamin Netanyahu, cet été, au sujet de l’importance pour Israël de maintenir une présence au niveau du corridor de Philadelphie, le long de la frontière entre l’Égypte et Gaza, ont « détourné l’attention » sur le fait que le Hamas était le principal obstacle à un accord pour faire libérer les otages, a expliqué l’ambassadeur américain en Israël, Jack Lew.
« La plupart des gens pensent que c’est le corridor de Philadelphie qui a posé le plus gros problème parce que le gouvernement d’ici en a beaucoup parlé », a déclaré Lew lors d’une interview à la chaîne publique Kan.
« Mais en fait, la négociation sur le corridor de Philadelphie, qui aurait pu aboutir à un accord de phase 1, a été constructive mais le Hamas s’est montré très rigide sur la question des otages, exigeant d’avoir son mot à dire sur le choix des otages à libérer, ce qui les a fait durcir leur position », a poursuivi l’envoyé sortant de Biden.
« Mais l’opinion publique ne le sait pas forcément, parce que ce sont les cartes du corridor de Philadelphie qu’elle a vues. Les résistances ont en grande partie été celles du Hamas, mais certaines actions du gouvernement israélien ont inutilement détourné les yeux de ce que faisait le Hamas », a ajouté Lew.
Début juillet, Netanyahu avait posé de nouvelles conditions au projet d’accord de libération des otages préalablement approuvé, de façon à ce qu’Israël conserve une présence militaire dans le corridor de Philadelphie pour prévenir le réarmement du Hamas, ont déclaré des négociateurs arabes et israéliens au Times of Israel.
Netanyahu avait évoqué la question à l’occasion d’apparitions publiques et même tenu une conférence de presse, début septembre, avec une carte grand modèle du corridor destinée à expliquer son importance stratégique.
Le point de vue des services de l’ordre israéliens fut tout autre : Tsahal affirmait en effet être en mesure de revenir dans le corridor en cas de besoin, consciente que le retrait était nécessaire à la libération des otages.
Selon Netanyahu, la communauté internationale empêcherait Israël de revenir dans le corridor s’il le quittait – position contraire à celle défendue par le Premier ministre pour justifier sa décision de se retirer du Liban dans le cadre du cessez-le-feu conclu avec le Hezbollah la semaine dernière.
L’ambassadeur américain Lew a par ailleurs dit à Israël de prendre garde à ne pas exagérer les problèmes pour préserver le cessez-le-feu avec le Hezbollah.
« Israël a clairement dit son attachement à se défendre, mais il doit aussi faire en sorte de ne pas donner d’importance à des détails », a déclaré Lew.
Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, la semaine dernière, Israël a mené quelques frappes sur le sud-Liban contre ce qu’il a qualifié de cibles du Hezbollah ayant enfreint les termes de l’accord, ce qui lui a valu de se faire accuser par la France et le Liban de violation du cessez-le-feu.
Lew a ajouté à sa critique subtile d’Israël : « Le gouvernement libanais doit prendre le contrôle de ce qui provoque ces ripostes [israéliennes] ».
« Cela prendra du temps, et nous aurons des hauts et des bas, mais [le cessez-le-feu] tient », a poursuivi l’ambassadeur, ajoutant que les États-Unis faisaient en sorte de garantir le respect de l’accord et le traitement adapté aux violations présumées, en temps réel.
Interrogé sur les propos du cabinet du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, selon lesquels les États-Unis avaient instauré un embargo sur les armes destinées à Israël, Lew a de nouveau répété le démenti de l’administration Biden, expliquant avoir différé, certes sans s’en cacher, une unique cargaison de bombes d’une tonne, de crainte de leur utilisation dans des zones densément peuplées.