La Bibliothèque nationale achète des textes écrits par des soldats juifs du Yishouv
Des revues, et autres journaux, produits par les unités juives de Palestine mandataire dans l'armée britannique, révèlent la richesse de la vie des soldats combattant en Europe
Alors que les nouvelles concernant la multiplication des pogroms contre les Juifs en Europe parvenaient en Palestine sous mandat britannique en 1939, David Ben Gurion, chef de la communauté juive et futur Premier ministre d’Israël, a appelé la jeunesse juive à « aider les Britanniques dans la guerre comme s’il n’y avait pas de Livre blanc [politique du mandat britannique limitant l’immigration juive] et… à résister au Livre blanc comme s’il n’y avait pas de guerre ».
Son appel a été entendu par de nombreux jeunes. Pour contribuer à la lutte contre les puissances de l’Axe et sauver les Juifs d’Europe des nazis, 40 000 jeunes Juifs du pré-État d’Israël ont servi dans l’armée britannique. Ce chiffre correspondait à près de 10 % de la population du Yishouv de l’époque.
La Bibliothèque Nationale d’Israël a récemment acheté aux enchères une collection de 40 revues, journaux et brochures en hébreu produits par des unités de Juifs de la Palestine mandataire dans l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale.
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« Ce n’est pas une exagération que de dire qu’une génération entière a quitté le pays pour s’engager. C’était un énorme phénomène. C’était aussi la première fois que les femmes pouvaient participer à l’effort de guerre », a déclaré le Dr. Hezi Amiur, conservateur de la collection à la Bibliothèque Nationale.
Tous les jeunes se sont enrôlés dans l’armée britannique, à l’exception de ceux qui choisissaient de rejoindre le Palmach, l’armée clandestine du Yishouv qui combattait les Britanniques et les Arabes en Palestine mandataire.
Chaque unité juive publiait son propre journal – les jeunes, à cette époque, étaient habitués à communiquer par écrit. Ayant grandi dans le système éducatif du Yishouv, les soldats avaient un excellent niveau d’hébreu.
« Pour certaines revues, aucune copie n’a survécu. Pour d’autres, des exemplaires uniques nous sont parvenus petit à petit, grâce à des dons et par le biais de ventes aux enchères. Pouvoir acheter un lot unique contenant un si grand nombre de ces publications était vraiment une opportunité inhabituelle et importante », a déclaré Amiur dans une interview accordée au Times of Israel depuis son bureau de la bibliothèque du campus de l’université hébraïque de Jérusalem.
Selon Amiur, ces publications sont inestimables pour nous aider à comprendre ce que les soldats ont vu, vécu, pensé et ressenti pendant leur service en Afrique du Nord et dans le sud de l’Europe.
Les membres du Yishouv ont commencé à s’enrôler dès que la guerre a éclaté à l’automne 1939, et leur nombre a considérablement augmenté dans les années 1940, à mesure que les rapports sur les atrocités commises contre les Juifs d’Europe parvenaient à la communauté juive de ma Palestine mandataire.
En 1942, l’Agence juive pour Israël – l’organe directeur du Yishouv – a commencé à recruter activement des volontaires pour l’effort de guerre.
Les soldats juifs ont servi dans des unités combattantes et des unités de soutien au combat. Parmi elles, le Royal East Kent Infantry Regiment, le Royal Pioneer Corps, corps de combattants chargés des tâches d’ingénierie légères, et diverses unités de transport.
La Brigade juive, ou groupe de la Brigade d’infanterie juive, a été formée à la fin de l’année 1944. Plus qu’un simple groupe de soldats du Yishouv au sein d’une unité plus importante de l’armée britannique, il s’agissait d’une brigade entière composée uniquement de Juifs de Palestine mandataire commandée par des officiers juifs anglais. De nombreux soldats de la Brigade juive sont restés en Europe après la guerre pour s’occuper des réfugiés, faire passer des armes au Yishouv et organiser l’immigration illégale des survivants de la Shoah vers la Palestine mandataire.
« Ces soldats n’étaient pas sans uniforme. Ils étaient toujours considérés comme des soldats britanniques lorsqu’ils se livraient à ces activités. Des dizaines de milliers d’entre eux sont finalement rentrés chez eux et sont devenus le noyau de ce qui allait plus tard devenir Tsahal avec la création de l’État d’Israël en 1948 », a déclaré Amiur.
C’est également en 1944 que le quotidien pour les soldats hébréophones servant en Europe, Lahayal (« Pour le soldat »), a commencé à être publié, d’abord à Rome puis à Bruxelles. La Bibliothèque Nationale a rassemblé tous les numéros de Lahayal, qui était également lu en Israël, en temps réel. Tous les numéros du journal de 1944 à 1946 ont été numérisés et peuvent être désormais consultés en ligne. Certaines des autres publications, mais pas toutes, ont également été numérisées.
Alors que Lahayal était mené d’une façon plus professionnelle, les publications produites indépendamment par les différentes unités étaient plus basiques et n’étaient publiées que lorsque cela était possible. Elles étaient dactylographiées et souvent copiées sur des machines à stencils si les installations d’impression n’étaient pas disponibles. Certaines contenaient des illustrations. Lorsque l’approvisionnement en papier était insuffisant, le verso de lettres ou de télégrammes officiels locaux confisqués était utilisé.
Ce fut également le cas pour les haggadot de Pessah que chacune des unités produisait pour leur propre usage sur les bases militaires ou sur le terrain.
Aviram Paz, du kibboutz Mishmar HaEmek, collecte des documents de cette période depuis 30 ans. Parmi les milliers d’objets de sa collection privée figurent des centaines d’exemples de haggadot des unités juives. Il a publié un livre en anglais, Exodus from Egypt in Days of Yore, in Recent Times, qui comprend une sélection de ces rares haggadot datant des années 1940. La Bibliothèque Nationale a exposé certaines pièces de sa collection.
L’un des meilleurs exemples est la Haggadah de Benghazi produite pour un seder de Pessah réunissant 600 participants à Benghazi, en Libye, en 1943. Réalisée par des soldats de la 403e unité de transport et de la 53e unité de logistique, la haggadah a été imprimée au dos de documents du gouvernement fasciste libyen.
« Les soldats ont construit leur propre histoire à partir de celle de l’Exode. Ils ont vu que ce qu’ils vivaient, faisait écho à l’exode d’Égypte », a déclaré Paz.
La couverture de la Haggadah de Benghazi montre des soldats juifs sortant d’Égypte vers l’ouest – et non vers l’est. Contrairement aux esclaves hébreux libérés qui se dirigeaient vers la Terre promise, ils se dirigeaient vers l’ouest, vers la Libye, puis vers l’Italie pour combattre l’Axe.
Selon Amiur, les soldats du Yishouv sont entrés en contact avec des survivants de la Shoah, pour la première fois, en Libye.
Les survivants les considéraient comme des sauveurs
« Les survivants les considéraient comme des sauveurs », a déclaré Amiur.
Les rencontres directes des soldats avec les survivants – et avec la Shoah – ont fait grande impression sur eux. Ils étaient devenus des témoins directs et rapportaient ce qu’ils voyaient et entendaient.
Ils ont écrit sur « la machine à tuer dirigée par les nazis » dans des articles d’actualité, ainsi qu’en prose et en poésie. Un soldat nommé Yehezkel a écrit un poème intitulé Via al Italia dans lequel il parle de marcher fièrement en tant que Juif libre sous l’Arc de Titus, alors que son poing se transforme en acier et qu’il se met à penser à la vengeance.
Les publications comprennent également des articles sur l’évolution de la guerre, ainsi que des nouvelles de ce qui se passe en Palestine mandataire. Dans les articles d’opinion, les soldats discutent de la politique dans le Yishouv.
Il y avait également des sections avec des rapports sur les préparatifs des fêtes, des blagues légères, des dessins politiques et des messages à l’intention des membres de leurs familles restés au pays.
« C’était un microcosme d’Eretz Yisrael (la terre d’Israël) en Europe », dit Amiur.
Paz a expliqué comment les gens se sont moqués de lui lorsqu’il a commencé à collectionner ces publications, et autre matériel connexe. Mais ces mêmes personnes apprécient de plus en plus la valeur de ce que révèlent ces journaux – et revues uniques – d’une période spécifique et limitée de l’Histoire.
« Il y a tout un monde dans ces journaux », a déclaré Paz.
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