La communauté juive américaine choquée après la fusillade de Pittsburgh
L'attaque de la congrégation vieille de 150 ans est la tuerie antisémite la plus meurtrière de l'histoire américaine récente
La fusillade meurtrière à la synagogue « Tree of Life » de Pittsburgh samedi a suscité un chagrin immense et secoué la communauté juive américaine, la plus importante dans le monde derrière celle d’Israël.
La pire attaque antisémite de l’histoire des Etats-Unis, survenue au moment où les fidèles étaient rassemblées pour chabbat, le jour de repos et de célébration juif, a fait onze morts et six blessés.
La tuerie intervient quelques jours après l’envoi d’un colis piégé au philanthrope juif américain George Soros, d’origine hongroise, cible de ce que beaucoup dénoncent être des théories conspirationnistes antisémite.
Ce type de théories conspirationnistes, accusant les juifs de dominer le gouvernement et le monde de la finance, sont monnaie courante au sein du mouvement de l’alt-right, l’extrême droite américaine. Soutien du président Donald Trump, cette mouvance a gagné en influence ces dernières années.

Trois femmes et huit hommes, âgés de 54 à 97 ans, ont succombé sous les balles de Robert Bowers, arrêté à l’issue de sa virée meurtrière.
Parmi les victimes se trouvaient deux frères, ainsi qu’un couple de fidèles octogénaires, ont précisé les autorités, qui espèrent pouvoir rendre certains corps à leur famille dès dimanche. Six personnes ont également été blessées dans la fusillade dont quatre membres des forces de l’ordre.
La plus âgée s’appelle Rose Mallinger, elle avait 97 ans. Parmi les victimes figurent également un couple, Sylvan et Bernice Simon, 86 et 84 ans. Melvin Wax, 88 ans, et Joyce Fienberg, 75 ans, ont également perdu la vie. Ces cinq victimes étaient nés pendant la Seconde guerre mondiale quand six millions de juifs ont été exterminés en Europe.
Les plus jeunes victimes de cette fusillade sont des frères, David et Cecil Rosenthal, âgés de 54 et 59 ans. Richard Gottfried, 65 ans, Jerry Rabinowitz, 66 ans, Irving Younger, 69 ans et Daniel Stein, 71 ans, ont également été abattus par le tueur.

Robert Bowers, armé de trois pistolets Glock et d’un fusil d’assaut semi-automatique AR-15, a semé la mort dans trois endroits distincts de la synagogue « Tree of Life », qui abritait plusieurs offices religieux en ce jour de Shabbat, le repos hebdomadaire juif.
Lors de son attaque, cet homme de 46 ans, auteur de nombreux messages antisémites sur les réseaux sociaux, a « fait des déclarations au sujet du génocide et de son désir de tuer des juifs », a déclaré le procureur Scott Brady. Selon plusieurs médias, il a crié : « tous les juifs doivent mourir ».
Plusieurs de ses messages ciblaient aussi l’organisation HIAS, une ONG juive de soutien aux réfugiés.
« HIAS aime amener des envahisseurs pour tuer les nôtres. Je ne peux pas rester assis et voir les miens se faire massacrer, j’y vais », a-t-il écrit le jour de l’attaque.
Preuve de l’ampleur du drame : il faudra une semaine pour examiner et nettoyer la scène du crime.
Au lendemain de l’attaque, le quartier de Squirrel Hill, coeur de la communauté juive de Pittsburgh, était totalement abasourdi.
Comme chaque dimanche, Alyia Paulding, 37 ans, est venue vendre ses savons sur un petit marché. Mais cette fois, elle confie avec émotion avoir « le coeur brisé ». « Aujourd’hui, le marché est bien silencieux, tout le quartier semble éteint… »
Le maire, Bill Peduto a toutefois affirmé sa confiance en l’avenir. « Nous savons que la haine ne l’emportera jamais, que ceux qui essaient de nous diviser à cause de la façon dont nous prions ou de l’origine de nos familles dans le monde vont perdre. » « Nous allons vaincre la haine par l’amour. Nous serons une ville de compassion qui vous accueille tous, quelle que soit votre religion, d’où que vienne votre famille », a promis le maire. « Il nous faut mettre fin à l’antisémitisme et à la haine en ligne et les repousser hors des discussions publiques dans cette ville, dans cet Etat et dans ce pays », a-t-il dit.
L’élu démocrate a également relancé l’épineux débat sur les armes à feu, alors que les fusillades endeuillent régulièrement les Etats-Unis.
« J’ai entendu le président dire qu’il faudrait armer des gardes dans nos synagogues », a-t-il déclaré. « Notre approche devrait plutôt être : comment retirer les armes à feu – qui sont le dénominateur commun de toutes les fusillades en Amérique – des mains de ceux qui veulent exprimer leur haine raciste avec des meurtres ? »
Le musée de l’Holocauste aux Etats-Unis : « Le Musée rappelle à tous les Américains les dangers de la haine effrénée et de l’antisémitisme qui doit être combattu où qu’il soit et leur demande de travailler activement à promouvoir la solidarité sociale et le respect de la dignité de tous les individus ».
L’Anti-Defamation League (ADL), grande organisation américaine de lutte contre l’antisémitisme : « C’est franchement inadmissible que des juifs soient attaqués pendant leur prière au matin de chabbat et impensable que cela puisse arriver aux Etats-Unis d’Amérique en ce jour et à cette époque ». « Nous sommes à un moment où l’antisémitisme est presque normalisé », a déploré sur la chaîne NBC son directeur Jonathan Greenblatt, en rappelant avoir enregistré une hausse de 57% des actes antisémites (menaces, violences, insultes…) en 2017 dans le pays.
Pour lui, certaines personnalités politiques ont contribué à banaliser le discours antisémite, à commencer par le président Trump « qui a utilisé la rhétorique des suprématistes blancs ».
Shayndi Raice, reporter au Wall Street Journal : « ‘J’ai des difficultés à respirer,’, m’a écrit à l’instant par SMS ma mère. Son père a échappé de peu aux Nazis ».
Le Rabbin Shai Held : « Quand j’ai raconté à mon fils de huit ans ce soir ce qui est arrivé aujourd’hui, il m’a regardé, totalement désorienté et dit : ‘Mais ça ne fait aucun sens’. Et puis il m’a demandé, avec une innocence qui m’a ébranlé, si les juifs avaient déjà un jour été tués pendant la prière ».
Alan Zarembo, Los Angeles Times : « Tree of Life à Pittsburgh était notre synagogue en grandissant. C’est là que j’ai fait ma Bar Mitzvah ».
Sam Stein, The Daily Beast : « Les parents (…) marquaient la naissance de leur enfant huit jours avant – un moment profond et émouvant de leurs vies – et un cinglé a tiré sur tout le monde ».