La Haute cour ordonne l’élargissement de la GPA aux couples homosexuels
Le ministre de la Santé Nitzan Horowitz, un politicien israélien ouvertement homosexuel, a promis que son ministère ferait respecter le jugement des magistrats
Les couples homosexuels en Israël doivent pouvoir recourir à des mères porteuses pour avoir des enfants, a statué dimanche le plus haut tribunal du pays, une mesure saluée par les défenseurs de l’égalité mais vue par les conservateurs comme érodant les valeurs familiales.
En février 2020, la Cour suprême israélienne avait rendu une première décision, partielle, ordonnant aux législateurs de mettre fin à la discrimination concernant la gestion pour autrui (GPA) dans les 12 mois, affirmant que l’exclusion des couples homosexuels et des hommes célibataires était inconstitutionnelle.
Mais le gouvernement d’alors, mené par Benjamin Netanyahu et qui incluait des partis ultra-orthodoxes opposés à la GPA, n’avait pas légiféré sur cette question sensible.
Dans une nouvelle décision dimanche, la Cour a décrété que l’exclusion des couples homosexuels et des hommes célibataires du droit à la gestation pour autrui (GPA) était « contraire aux droits humains ».
« Nous ne pouvons pas accepter le préjudice persistant et contraire aux droits humains que constitue le dispositif existant sur la GPA », a écrit la présidente Esther Hayut, accordant six mois au nouveau gouvernement pour se plier à cette décision finale du plus haut tribunal sur cette question.
Celle-ci est l’aboutissement d’un combat de plus de 10 ans pour ses défenseurs, face aux législateurs conservateurs qui y voient une érosion des valeurs familiales.
« L’égalité enfin! »
Israël fait figure de meilleur élève au Moyen-Orient au regard des droits LGBTQ (lesbienne, gay, bi, trans, queer). L’Etat hébreu compte plusieurs hommes ouvertement homosexuels au Parlement, mais jusqu’ici, la gestation pour autrui restait inaccessible aux couples de même sexe et aux hommes célibataires.
Le recours à des mères porteuses a été légalisé en Israël en 1996, mais uniquement pour les couples hétérosexuels, puis pour les femmes célibataires. Certains couples homosexuels israéliens recourent ainsi à la GPA dans des pays tels que l’Inde, le Népal, la Thaïlande et les Etats-Unis.
En 2010, le couple homosexuel Etai et Yoav Arad-Pinkas avait été le premier à saisir les tribunaux sur la question. Après un premier échec, ils avaient lancé en 2015 une pétition avec des groupes de défense des droits des personnes LGBTQ.
Oz Parvin, chef de l’Association des pères homosexuels israéliens, a qualifié la décision de la Cour d' »incroyable ». Avec son partenaire, il avait lui-même recouru à la GPA en Inde il y a neuf ans.
Cette décision tombe près d’un mois après l’arrivée d’une nouvelle coalition au pouvoir dirigée par Naftali Bennett et son allié Yaïr Lapid, favorable à la GPA, et qui inclut la formation de gauche Meretz, dont le chef Nitzan Horowitz est ouvertement gay.
« L’égalité, enfin! », a tweeté dimanche M. Horowitz, ministre de la Santé, assurant que son ministère se préparerait à recevoir des demandes de GPA d’hommes.
Toutefois, le garde de la Knesset a ordonné au bureau d’Horowitz de retirer les drapeaux LGBT qui avaient été placés – apparemment sans approbation – dans une salle où son parti Meretz avait l’intention de tenir une réunion de faction dimanche pour célébrer le jugement.
Le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, s’est également félicité de cette décision, en déclarant sur Twitter : « Être parent est un droit humain fondamental et cette décision est moralement et socialement appropriée. »
Le ministre de la Défense Benny Gantz a également déclaré que le jugement « énonce l’évidence : que chaque personne – homme ou femme, hétéro ou LGBT – est égale et mérite des droits égaux. »
Mais la question de la GPA pourrait diviser aussi ce nouveau gouvernement car son maintien au pouvoir dépend du soutien du petit parti islamiste conservateur Raam, qui a qualifié les homosexuels de « déviants ».
Le député d’extrême droite Bezalel Smotrich, du Parti sioniste religieux, qui siège dans l’opposition, a déclaré que cette décision « légitime la traite des femmes dans le but de recourir à une mère porteuse » et était un signe de « l’effondrement de la judéité de l’Etat d’Israël. Le ministre de la Santé a demandé à la Haute Cour d’intervenir dans les lois de la Knesset après avoir réalisé qu’il n’avait pas la majorité dans la démocratie israélienne, et comme prévu, la Cour a volontiers coopéré et a fait tomber une autre brique du mur qui protège la famille juive. »
Aryeh Deri, chef du parti ultra-orthodoxe Shas, a dénoncé « un coup grave porté à l’identité juive de l’État » et l’ancien ministre de la Santé Yaakov Litzman, du parti Yahadout HaTorah a déclaré qu’elle « compromettait l’avenir du peuple juif » et que les juges de la Haute Cour « s’avèrent être une autre faction de la coalition réformée Bennett-Liberman-Kariv-Lapid, tout en mettant en danger l’avenir du peuple juif et en détruisant le caractère de l’État et la tradition juive ».
Il faisait référence au Premier ministre Naftali Bennett, au ministre laïque des Finances Avigdor Liberman, au député travailliste et rabbin réformé Gilad Kariv, et à Lapid.
Une loi de juillet 2018 qui a étendu la GPA aux femmes non mariées a suscité des protestations à l’échelle nationale car elle excluait les hommes homosexuels.