La ligne à grande vitesse de Tel Aviv, un avant-goût de la révolution des transports à Jérusalem
A 80 mètres sous terre, ce train qui circulera à la vitesse de 160 km/h sera inauguré dans quelques mois dans le cadre d'un remaniement radical de l'entrée au sein de la capitale d'Israël
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Sous nos pieds, à l’entrée de Jérusalem, deux projets de développement hautement complexes dont l’objectif est de révolutionner l’accès à la capitale avancent rapidement. Le week-end dernier, les gestionnaires du projet ont ouvert certaines parties des deux sites au public pour offrir un avant-goût captivant.
Le projet qui s’achèvera officiellement en premier est la ligne à grande vitesse qui reliera Jérusalem à Tel Aviv, et qui devrait être opérationnel – à 80 mètres sous terre, plus précisément – dès le mois d’avril.
Le contrôleur de l’Etat a averti la semaine dernière que ce projet d’un montant de 7 milliards de shekels ne devrait pas respecter les délais et ne serait prêt qu’à la fin du mois de décembre 2019. Mais Gadi Ramon, ingénieur sur cette construction historique qui a pris la tête de notre petit groupe d’Israéliens intéressés par une visite de la station Yitzhak Navon à Jérusalem, a toutefois insisté : « Il y a des chances que la ligne ouvre à la date prévue ».
Le parcours depuis la nouvelle gare ferroviaire – située entre la gare routière centrale de Jérusalem et le centre de conférence international Binyenei Hauma – jusqu’à Tel Aviv en une demi-heure ou moins, comme cela avait été promis, s’est avéré être un défi excessivement compliqué à relever. Une vidéo de la compagnie ferroviaire israélienne a qualifié cette initiative de « l’un des projets les plus complexes au monde ».
Comme Ramon l’a expliqué, les lignes à grande vitesse ont besoin d’un minimum de pente et des voies les plus droites possibles pour aller… eh bien, le plus vite possible. Mais Jérusalem est une ville vallonnée et se rendre en voiture à Tel Aviv – nous le savons tous – implique de nombreux virages pour parvenir à contourner les collines à la descente.
Pour dépasser le problème posé par la pente et pour conserver les rails aussi droits que possible, les développeurs ont donc dû plonger la gare à 80 mètres sous le sol à l’entrée de la ville – ce qui en fait l’une des gares les plus profondément enfouies dans le sol du monde – et construire une série de cinq tunnels et plusieurs kilomètres de pont sur l’itinéraire entre Jérusalem et la région de Latrun.
Dans la gare
Pour un oeil non-expert, la gare de Jérusalem paraît ultra-moderne et très impressionnante… Et à beaucoup plus de six mois de son achèvement.
Il faut emprunter de courts escaliers, un escalator ou un ascenseur pour arriver dans une entrée d’un large périmètre ouverte sur le ciel, puis on pénètre dans la station en tant que telle pour commencer la descente vers la zone de vente des billets.
A partir de là, des escaliers roulants vous font descendre les 200 derniers mètres pour atteindre le niveau de la plate-forme en 20 secondes.
De manière remarquable, pas de hauts-le-coeur pendant la descente. Il est également possible d’utiliser des ascenseurs et – si vous prenez soin de votre ligne – il y a même des escaliers à votre disposition. Ramon indique l’avoir « pris une fois » avec cet air qui, sans aucun doute, signifie bien qu’il ne renouvellera jamais l’expérience.
A l’écart de l’ascenseur, il y a une autre petite descente vers les plate-formes – un niveau final où nous ne sommes pas autorisés à entrer et où, toutes les dix minutes en période de pointe, des trains alimentés à l’énergie électrique devront nous amener à Tel Aviv à des vitesses allant jusqu’à 160 kilomètres par heure.
Ils seront aménagés en wagons sur deux niveaux. Et nos téléphones fonctionneront.
Nous n’avons vu aucun train. Au niveau de la salle de vente des billets, aucun guichet. Mais les escaliers, les escaliers roulants et les ascenseurs sont installés et ils sont opérationnels. Les unités de ventilation à température contrôlée sont prêts et notre guide regorge de confiance.
« Ce sont des personnes compétentes qui travaillent ici », a dit Ramon avec fermeté. « Et nous ne prenons aucune liberté, je peux le promettre ».
Un film court qui nous a été montré au niveau de la billetterie a exalté les prouesses de la compagnie ferroviaire israélienne : 52 millions de voyage par an (en 2015), 200 000 passagers par jour, 432 trains, 56 gares, une ponctualité assurée à 95 %.
Expliquant pourquoi ce projet dure si longtemps, un autre responsable – croisé un peu plus tard pendant la visite –
a suggéré que le processus d’électrification s’est révélé plus compliqué et plus lent que cela n’avait été prévu : Il s’agit de la première ligne électrique dans le pays. Pour sa part, Ramon a souligné ce qu’il a qualifié de « dépôt de plainte massif » de la part de l’une des entreprises ayant échoué à remporter un appel d’offres comme étant au centre des retards passés.
Lorsqu’elle sera en opération, la ligne à grande vitesse fonctionnera 24 heures sur 24 et six jours sur six (je présume que cela ne sera pas le cas le jour du Shabbat) avec un arrêt à l’aéroport Ben-Gourion (à 21 minutes de Jérusalem dans les deux sens). Elle se reliera à la ligne existante entre Nahariya et Modiin pour arriver à la gare ferroviaire Hahagana de Tel Aviv. (Le vieux service de 80 minutes environ via Beit Shemesh ne s’arrêtera pas, a noté Ramon, ajoutant doucement que si l’itinéraire offre de beaux panoramas, « il n’a pas été construit pour la vitesse »).
Plus tard, a-t-il précisé, la ligne devrait s’étendre à Herzliya. Il a été question d’un parcours reliant Jérusalem et Modiin. Il aurait pu y avoir un arrêt à Mevasseret, a noté Ramon, mais des objections environnementales ont eu raison de ce dernier.
Du côté de Jérusalem, il y a des discussions – et uniquement des discussions à ce stade – sur l’expansion des lignes ferroviaires souterraines le long de la route de Jaffa et dans la Vieille Ville. Dans quelle mesure cela semblerait non-plausible ?
Ces trains ultra-modernes auront des conducteurs, a affirmé Ramon. En fait, il faut un kilomètre entier pour s’arrêter lorsqu’un train est lancé à 160 kilomètres/heure. La conductrice ou le conducteur ne serait pas en mesure de répondre à temps à un danger qu’il, ou elle, serait amené à remarquer et un système de signalisation « très avancé » avertira des éventuels problèmes.
Ramon a expliqué qu’il faudra environ sept minutes depuis l’entrée à la station pour atteindre la plate-forme – contrôles de sécurité compris – et il faudra environ le même temps pour sortir (à moins qu’une fois encore, vous préféreriez les escaliers. Auquel cas, sachez-le : Ils représentent l’équivalent de 24 niveaux).
Si vous vous trouvez à l’intérieur au moment d’une attaque commise avec une arme non-conventionnelle, vous serez heureux d’apprendre que certaines zones du niveau de la billetterie peuvent être entièrement scellées, avec suffisamment d’espace pour 2 500 personnes et des réserves d’eau et de nourriture pour plusieurs jours.
A la porte de Jérusalem
Pendant ce temps, à peu de distance de la gare, sur le boulevard Shazar où, pendant des décennies, le ministère des Affaires étrangères a exploité plusieurs structures en préfabriqué, d’autres travaux souterrains sont encore effectués avec rapidité.
Là-bas, contrastant avec les travaux à 80 mètres sous le sol qui ont été réalisés à proximité, les ouvriers travaillent à 3 ou 6 mètres sous le niveau de la rue, coupant une route qui mènera les automobilistes du « pont des Cordes » de Jérusalem à l’entrée de la ville jusqu’à la rue Agrippas. Le complexe comprendra un parking de 1 500 places et n’est qu’un élément du développement massif de « la porte de Jérusalem » qui vise à refaire l’entrée entière de la ville.
Aujourd’hui, beaucoup de choses ont déjà été faites, ont fait savoir plusieurs responsables du projet. Le plus important pôle de transport du pays se trouvera dans la zone – avec deux lignes de tramway, la ligne à grande vitesse et la gare routière. Elle hébergera également le plus grand centre de conférence du Moyen-Orient – un centre qui a été considérablement élargi, qui comprendra son propre hôtel – apportant sa contribution aux 2 000 chambres d’hôtel qui devraient s’ajouter dans le nouveau quartier. En tout, il y aura deux douzaines de nouveaux immeubles, dont cinq gratte-ciels qui auront jusqu’à quarante étages.
Les responsables de cette planification promettent « une entrée moderne dans le Jérusalem historique » – un quartier commercial et de loisirs dans le meilleur secteur possible avec beaucoup de verdure. Interrogé sur une ressemblance éventuelle entre les gratte-ciels prévus et l’horreur de Holyland, à Jérusalem-ouest, l’un des ingénieurs a insisté sur le fait que ces tours étaient appropriées au niveau topographique. Il a expliqué que si les nouvelles constructions seraient achevées dans 15 ans, la première d’entre elles serait prête dans quatre ans.
La partie du projet pour laquelle nous avons dû porter un casque de sécurité – le travail de creusage dans le tunnel pour la route et le parking – est en cours depuis deux ans, sans que le public n’en soit conscient. « Nous ne pouvons pas fermer l’entrée à Jérusalem pendant quatre ou cinq ans », a dit l’un des ingénieurs.
Ainsi, le creusage a continué, mètre par mètre, juste au-dessous du niveau de la terre, renforcé par des arcs en acier tous les 3 mètres. « Il faut que ce soit très stable », a expliqué l’ingénieur, utilisant une incontestable litote. « Nous ne voulons pas retrouver un bus au milieu de notre projet ».
Des perturbations réduites pour le public signifient des coûts plus élevés et des progrès plus lents. Les tunnels devraient s’ouvrir dans environ cinq ans. Il y aura sûrement des dérangements dans la circulation dans la période intermédiaire, toutefois, avec une fermeture probable pendant trois ans de la route du boulevard Shazar dans la ville, et le détournement des voitures individuelles vers un boulevard Herzl élargi.
La réorganisation entière de la circulation représente une priorité donnée aux transports publics, ont dit les ingénieurs – en se connectant au réseau élargi de Tramway, aux services de bus et, joyau de la couronne, à la ligne à grande vitesse de Tel Aviv.
« Nous avons essayé de penser à tout », a dit l’ingénieur Gadi Ramon alors que nous étions revenus dans la gare souterraine. Puis il a ajouté, de manière à la fois désarmante mais également pour le moins troublante : « Je suis sûr que cela n’a pas été le cas ».