Israël en guerre - Jour 494

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Opinion

La peur n’évite pas le danger … nous y voilà

Et si Netanyahu décidait de changer de cap afin de réparer les sept mois de dégâts qui ont atteint leur paroxysme lundi par l’adoption de la loi du "caractère raisonnable"...

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Des manifestants brandissant un grand drapeau israélien lors d'une manifestation contre le gouvernement devant la Knesset, à Jérusalem, le 24 juillet 2023. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg).
Des manifestants brandissant un grand drapeau israélien lors d'une manifestation contre le gouvernement devant la Knesset, à Jérusalem, le 24 juillet 2023. (Crédit : AP Photo/Ohad Zwigenberg).

Tout au long des sept mois d’existence du 37e gouvernement israélien, j’ai écrit de manière obsessionnelle sur les dangers qu’il représente pour la cohésion de ce pays et, en fin de compte, pour l’existence même de cette nation, avec ses projets visant à neutraliser le système judiciaire et à concentrer presque tous les pouvoirs entre ses seules mains.

De nombreuses personnes, y compris celles qui aiment Israël passionnément et avec la plus grande sincérité, ont rejeté ces préoccupations, les considérant comme étant exagérées ou biaisées, ou comme étant le produit d’un parti pris politique et d’un refus d’accepter les résultats légitimes des élections législatives de novembre dernier. Certains m’ont écrit avec civilité pour répliquer et argumenter ; d’autres, qui devraient avoir honte d’eux-mêmes, envoient de vicieux et injurieux courriels que leurs proches seraient horrifiés de lire. Il n’est guère réconfortant de constater que les plus vils de ces correspondants abusifs semblent incapables de formuler une phrase cohérente.

Jusqu’à lundi, malgré l’insistance répétée du ministre de la Justice, Yariv Levin, pour que son projet de « réformes » judiciaires soit mis en œuvre intégralement et sans délai, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait fait relativement preuve de retenue. Il avait notamment suspendu en mars, à la dernière minute, un projet de loi permettant à la coalition de nommer unilatéralement la quasi-totalité des juges israéliens. Il a été largement présumé que lundi, lorsque Netanyahu s’est rendu de l’hôpital à la Knesset, il avait l’intention de s’éloigner à nouveau du bord du gouffre.

Mais, alors que le ministre de la Défense Yoav Gallant plaidait ouvertement avec lui et Levin dans l’hémicycle, tentant une nouvelle fois de souligner qu’un processus unilatéral visant à modifier la manière dont Israël est gouverné provoque une crise de foi de plus en plus profonde dans les rangs de l’armée de notre peuple, Netanyahu a, cette fois-ci, autorisé la poursuite du vote.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, s’entretenant avec le ministre de la Défense Yoav Gallant lors d’un vote sur le projet de loi du « caractère raisonnable » à la Knesset, le 24 juillet 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Figure politique israélienne dominante de notre époque, il aura 74 ans cet automne et n’est plus en excellente forme. Il est apparu qu’il souffre depuis des années d’un problème cardiaque, qui ne met pas sa vie en danger, mais qui est chronique. Il y a deux week-ends, il s’est senti mal chez lui, aurait peut-être perdu connaissance et a été transporté d’urgence à l’hôpital, où on lui a mis un moniteur cardiaque. Le week-end dernier, il a de nouveau dû être hospitalisé d’urgence, après avoir été victime d’un « bloc cardiaque transitoire » qui, selon les médecins, aurait pu mettre sa vie en danger. Un pacemaker lui a été implanté dans la nuit de samedi à dimanche. Il se pourrait bien que nous n’ayons pas été totalement informés de son état de santé.

Quelques heures après sa sortie de l’hôpital, Netanyahu est apparu, sans surprise, épuisé alors que la Knesset débattait et se préparait à voter la loi du « caractère raisonnable ». Il a parfois fait les cent pas dans la salle et s’est absenté par intermittence pour se rendre à des consultations privées. À un moment donné, il s’est tenu à l’intérieur de la salle, tenant une liasse de documents, et semblait ne pas savoir ce qu’il allait faire. Au plus fort des plaidoiries de Gallant, lorsque les lecteurs labiaux ont estimé que le ministre de la Défense implorait le ministre de la Justice de lui « donner quelque chose », Netanyahu s’est assis entre les deux et n’a rien fait.

Mais c’est lui le Premier ministre – l’infatigable militant qui a insisté, campagne électorale après campagne électorale après campagne électorale, sur le fait que lui et lui seul était apte et qualifié pour diriger ce précieux pays qui est le nôtre, et que ses successeurs potentiels, qui ont réussi à l’évincer pendant une brève période de 18 mois avant qu’il ne déchire leur hétéroclite coalition, étaient de dangereux gauchistes incompétents auxquels on ne pouvait confier la sécurité d’Israël.

Et aujourd’hui, en tant que Premier ministre – qui a réuni la coalition la plus radicale que nous ayons jamais vue ici, des idéologues radicaux dominant et soutenus par leurs collègues plus modérés mais pusillanimes – il manque à ses devoirs envers Israël. Que ce soit parce qu’il a perdu la capacité de juger ce qui est le mieux pour ce pays, parce qu’il ne peut plus faire la distinction entre ses propres besoins de survie politique et les impératifs existentiels d’Israël, parce qu’il n’a tout simplement plus l’énergie nécessaire pour affronter l’implacable Bezalel Smotrich et le rusé Itamar Ben Gvir, ou plus probablement tout cela à la fois.

Comme on le craignait, nos alliés, déconcertés par le désastre en cours, lancent des avertissements sur notre direction chancelante et nos conflits internes de plus en plus profonds ; nos ennemis jubilent ; les inquiétudes économiques se multiplient. De dangereux clivages qui s’étaient atténués au fil des décennies – entre Ashkénazes et Séfarades, entre ultra-orthodoxes et laïcs – refont surface. Alors que Netanyahu prétend renforcer la démocratie et assure qu’Israël ne deviendra jamais un État halakhique, certains de ceux qui manifestent pour le soutenir appellent à la théocratie. Et cette crise de foi au sein de l’armée s’intensifie pour devenir la menace tangible pour la sécurité d’Israël que Gallant avait anticipée il y a quatre mois.

Cérémonie de remise des diplômes des cadets qui ont terminé l’entraînement de pilote de l’armée de l’air israélienne, à la base aérienne de Hatzerim, dans le désert du Neguev, le 23 juin 2022. (Crédit : Flash90)

L’armée israélienne est une armée populaire au sens précis du terme : elle dépend de ses réservistes, de civils, d’Israéliens ordinaires, dont beaucoup, dans les rôles les plus délicats, se présentent volontairement des dizaines d’années après la fin de leur service obligatoire. Et nombre de ces civils, qui ont risqué et risqueront encore leur vie pour défendre le pays, ne font aujourd’hui pas confiance à ce gouvernement, qui a adopté cette loi visant à briser l’indépendance de la Haute Cour (qui, soit dit en passant, les a protégés contre les allégations de crimes de guerre internationaux et d’autres formes de guerre juridique). Ils ne font pas confiance aux politiciens d’extrême-droite qui ont un passé de haine anti-arabe et des programmes théocratiques et qui ont des pouvoirs ministériels qui s’étendent à la sphère de la sécurité. Et leurs inquiétudes sont amplifiées chaque fois que tel ou tel ministre les dénonce comme des réfractaires ou se moque éperdument du fait que Tsahal se portera mieux sans eux.

Prétendre que Tsahal continuera à dominer et à dissuader nos ennemis alors qu’elle est déchirée de l’intérieur ne servira à rien. Prétendre que les avis économiques internationaux sont mal informés ne servira à rien. Prétendre que le paquet de réformes est véritablement une « refonte » en invoquant des comparaisons mal informées avec les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, etc., alors qu’Israël n’a pas de constitution, pas de déclaration des droits, pas de législature capable de résister à la coalition et pas de protecteur garanti des droits et libertés fondamentaux autre qu’une Haute Cour bientôt muselée, ne servira à rien. Enfin, abuser des patriotes sionistes qui tirent la sonnette d’alarme ne servira à rien.

Mais Netanyahu pourrait le faire. Netanyahu le peut. Chacun de ces 64 membres de la coalition a voté en faveur de la loi du « caractère raisonnable » lundi. Mais plus d’une poignée d’entre eux étaient conscients des dangers qu’ils exacerbaient. Ils pensaient qu’ils plaçaient leur propre bien-être politique au-dessus du bien-être du pays, ce qui est déjà assez grave en soi. Mais ils se trompent. Ils n’ont pas d’avenir politique, car le bien-être de ce pays est en train de s’effondrer, à moins qu’ils ne changent de cap. Et ils changeraient de cap si Netanyahu s’affirmait, se rappelait sa promesse et son obligation de servir en tant que Premier ministre de tous les Israéliens, et commençait à réparer les sept mois de dégâts qui ont atteint un paroxysme lundi.

Pour l’instant, il fait tout le contraire : il dénigre le vaste mouvement de protestation qui ne cesse de croître et qui se bat pour sauver un Israël démocratique et juif tolérant, tout en invitant l’opposition à des pourparlers sur les prochaines phases de la législation, avec une échéance en novembre et l’implication qu’il procédera avec ou sans eux après cela.

Une personne se tenant devant un canon à eau de la police utilisé pour disperser des manifestants bloquant une route lors d’un rassemblement contre les plans du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu visant à réformer le système judiciaire, à Jérusalem, le 24 juillet 2023. (Crédit : Ariel Schalit/AP)

Nous comprenons qu’il soit épuisé. Nous comprenons qu’il pense qu’une cabale d’élitistes de gauche a conspiré pour le faire passer en jugement. Nous comprenons qu’il pense vraiment qu’Israël serait perdu sans lui.

Mais Israël – un Israël résilient, créatif, bienveillant, tolérant, indomptable – est en train de se perdre, sous son mandat. Son sens vital et unifié de l’objectif national est en train de se dissiper.

Il s’est battu comme personne pour obtenir le droit et le privilège de le diriger. Il doit trouver l’intégrité nécessaire pour reconnaître le mal qu’il fait et la force de commencer à réparer les dégâts.

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