La police dit ne pas avoir pu gérer les funérailles d’un rabbin
Les responsables ont affirmé que, si la police avait dû disperser la foule, cela aurait conduit à un bain de sang ; les commerçants déplorent une répression sélective
L’enterrement d’un éminent rabbin à Jérusalem, qui a conduit des milliers de personnes à se réunir, a été vivement critiqué par le public, les politiciens et les commerçants dimanche, alors que la police a fait savoir qu’elle n’était pas en mesure de gérer cette violation massive du confinement.
Près de 10 000 personnes ont pris part au cortège funéraire du rabbin Meshulam David Soloveitchik, qui a succombé à la COVID-19, contractée il y a plusieurs mois. Les restrictions sanitaires limitent à 10 l’effectif pour des rassemblements en extérieur. Le rabbin Soloveitchik, à la tête de la prestigieuse yeshiva de Brisk et descendant de la dynastie rabbinique Soloveitchik, est décédé dimanche matin à l’âge de 99 ans.
Un deuxième enterrement d’un rabbin ultra-orthodoxe a eu lieu plus tard, dans la nuit de dimanche à lundi, des milliers de personnes se rassemblent à nouveau, malgré les règles de confinement. Le rabbin Yitzhok Scheiner, 98 ans, chef de la yeshiva Kamenitz de Jérusalem, est décédé dimanche des suites du coronavirus.
L’application du confinement dans les communautés ultra-orthodoxes a régulièrement fait les gros titres alors que l’on constate des violations flagrantes, peu de répression et des manifestations violentes contre la police chargée de faire respecter le confinement.
Des sources policières ont indiqué aux médias israéliens dimanche qu’il n’était pas possible de disperser les funérailles de masse parce que toute tentative d’intervention se terminerait par un bain de sang.
« Il ne fait aucun doute que c’était une violation de masse, et qu’il aurait fallu des milliers de policiers pour l’arrêter », a déclaré la source. « Entre le moment de l’annonce des funérailles et le début, il n’y avait aucun moyen de prendre des mesures. »
Une autre source policière a indiqué à la Treizième chaîne que de jeunes enfants avaient assisté à l’enterrement, ce qui ne permettait pas à la police d’utiliser des chevaux et des canons à eau pour disperser la foule.
Un haut-responsable de la police a expliqué à Walla : « Qu’attendiez-vous ? Que nous fassions usage de la force et qu’il y ait des victimes ? »
Ofer Shumer, un responsable de la police de Jérusalem, a déclaré à la Douzième chaîne que la police avait empêché 60 bus de rejoindre le cortège et émis une centaine d’amendes.
« Oui, l’enterrement était important, mais gardez à l’esprit que les gens ont leur part de responsabilité. Les dirigeants ont leur part de responsabilité », a déclaré Shumer.
« En fin de compte, la police ne peut pas gérer chaque personne qui enfreint les restrictions. »
« J’ai personnellement vu un milliers d’enfants entre 10 et 14 ans. Les ultra-orthodoxes ne sont pas nos ennemis. Ils sont des citoyens d’Israël », a affirmé Shumer. « Je ne verserai pas de sang pour faire respecter le confinement. Nous ne verserons pas de sang. La police ne le fera pas. »
La police a eu recours aux canons à eau pour disperser les manifestants anti-corruption réunis devant la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahu samedi soir et une personne a dû être hospitalisée. Interrogé sur cette apparente incohérence, Shumer a expliqué que « chaque secteur de la population à ses propres caractéristiques… Ce n’est pas un travail simple. »
Un cadre de la police, non identifié, a expliqué à la Douzième chaîne dimanche après le premier enterrement que l’on « peut tout disperser… La question, c’est à quel prix ».
« Si la police avait dispersé la foule de force, notamment en utilisant du gaz lacrymogène, des canons à eaux et des matraques, des centaines de personnes, manifestants comme policiers, auraient été blessés », a-t-il ajouté. « Nous menons cette lutte seuls. N’attendez pas de nous, et seulement de nous, de faire le sale boulot, au prix d’un bain de sang. »
Avant les funérailles, la police avait appelé le public à ne pas rejoindre le cortège ni l’enterrement et avaient dit être « en négociations » avec les chefs de communautés pour empêcher les rassemblements de masse.
Commerçants et auto-entrepreneurs ont également fulminé après ces funérailles. Ce troisième confinement, qui s’est traduit par une fermeture de la quasi-totalité des commerces, a porté un coup à l’activité économique du pays, et les entrepreneurs en ont payé le prix fort.
Le groupe de manifestations « Ani Shulman » qui représente les commerçants indépendants, a fustigé les autorités pour avoir laissé se dérouler ces funérailles de masse dans la capitale.
« La répression est sélective », a déclaré Avi Haimov, restaurateur et membre du groupe. « Il n’y a ni gouvernance ni gérance. Le confinement n’est pas un confinement, et quand ce n’est pas un confinement, chacun interprète cela comme il veut. »
« La logique est partie, elle a fait faillite, et ceci en est l’image. Le public a perdu la foi », a-t-il dit à la Douzième chaine.
Roy Cohen, à la tête de Lahav, la Chambre des organisations et entreprises indépendantes, a déclaré qu’une « fois de plus, le gouvernement prouve qu’il fait appliquer le confinement de manière sélective et le public, les travailleurs indépendants et les petits commerçants, en payent le prix fort ».
Shai Berman, directeur de l’Association israélienne des restaurants, a déclaré que « ce confinement, comme toute la gestion de cette crise du coronavirus, est un échec retentissant pour le gouvernement israélien. Qui paye le prix de cette répression sélective ? Le secteur du commerce en général et l’industrie de la restauration en particulier. »
Eliran Bardogo, qui dirige un groupe militant pour l’ouverture des évènements culturels, a déclaré que « les images de Jérusalem d’aujourd’hui dépassent l’entendement. Depuis un an, le monde de la culture et des évènements est à l’arrêt, et même après avoir rencontré le Premier ministre, il n’y a pas l’espoir d’une réouverture ».
Des résidents de Tel Aviv ont également fustigé la police, qui pénalise des infractions mineures dans la ville laïque de Tel Aviv, notamment en contrôlant les automobilistes à des check-points, et empêche les gens de rester quelques instants sur la place Dizengoff, dans le centre-ville.
« Quand j’ai vu les rassemblements à Jérusalem, j’ai eu l’impression qu’ils me riaient au nez », a déclaré un habitant de Tel Aviv à Ynet. « Cela fait déjà quelques semaines que la police ne laisse pas les résidents s’asseoir sur une place totalement vide, et d’un autre côté, des milliers de personnes se réunissent à Jérusalem sans aucune répression. »
Les dirigeants de groupes ultra-orthodoxes extrémistes du quartier de Mea Shéarim, à Jérusalem, ont demandé à leurs fidèles de quitter travail et étude pour assister aux funérailles et des bus de transport ont été organisés, à rapporté Ynet.
Durant l’évènement, un organisateur a demandé aux participants, de manière absurde, « d’adhérer aux règles du ministère de la Santé ».
Certains participants ont déclaré à Ynet que « nous avons déjà eu le coronavirus. Le virus n’est plus que chez vous [les laïcs]. »
Nathan Rozenblum, qui a assisté à l’enterrement, a déclaré à la Douzième chaîne que « tristement, j’ai dû assister à de nombreux enterrements, à cause du coronavirus, et nous avons appris la leçon ».
Mais ce rabbin était « directeur d’une yeshiva pendant 75 ans et a enseigné à des dizaines de milliers » de personnes, a-t-il dit.
Rozenblum a déclaré que le fait que seulement 4 000 personnes aient pris part aux funérailles était une preuve de retenue de la part de la communauté. Mais les médias ont fait état de 10 000 participants.
Walla a également rapporté que des écoles avaient rouvert dimanche matin dans certains quartiers de Jérusalem, malgré le confinement.