« L’agent immobilier » de l’Israélien Etgar Keret, ce jeudi soir sur Arte
Absurde et délirante, la série d'Etgar Kerret et Shira Geffen narre l'histoire d'un agent immobilier dépassé, interprété par Mathieu Amalric, et de son père, joué par Eddy Mitchell
Olivier Tronier, agent immobilier interprété par le génial Mathieu Amalric, hérite au décès de sa mère d’un immeuble insalubre et squatté du nord de Paris. Le bâtiment représente vite un véritable fardeau, notamment en raison d’une occupante, madame Petresco. Noyé sous les soucis, l’antihéros emménage dans un appartement de l’immeuble et entame, par le truchement d’un poisson rouge aux pouvoirs extraordinaires, une vie parallèle. Son père, joué par le talentueux Eddy Mitchell, vivant en maison de retraite et dépensant le peu d’argent qu’il a dans les parties de poker, n’aidera pas à la situation.
Telle est l’intrigue de la mini-série « L’Agent Immobilier » (4 épisodes) dont la diffusion démarre à partir de ce jeudi soir (21h) sur Arte (la série est également disponible sur le site Arte.tv jusqu’au 5 juin).
L’œuvre est réalisée par Etgar Kerret et Shira Geffen, déjà auteurs du film « Les Méduses », récompensé par la Caméra d’or au Festival de Cannes en 2007.
Très populaire en Israël, on doit à l’écrivain Etgar Keret de nombreuses nouvelles et une série de livres qui se démarquent par leur génie, leur absurdité et leur authenticité. Parmi ces œuvres, le récent recueil Incident au fond de la galaxie, dans lequel on retrouve notamment un « employé chargé de nettoyer les cages des animaux qui accepte d’être envoyé dans le ciel comme un boulet de canon », ou encore un jeune « clone d’Adolf Hitler créé pour venger les victimes de la Shoah ». L’œuvre a reçu le prix Sapir, le plus prestigieux prix littéraire en Israël.

Au sujet de sa nouvelle série, Keret expliquait la semaine dernière au journal Les Échos que « cette histoire d’immeuble abandonné [lui] trottait dans la tête depuis longtemps, mais ce n’était pas assez ‘prime time’, trop étrange et avant-gardiste, pour la télé israélienne ».
« Quand je vois un vieil immeuble décati, je me demande souvent comment il était au temps de sa splendeur. Et c’est pareil d’ailleurs avec les gens », dit-il.
Fils de survivants de la Shoah, Etgar Kerret s’est inspiré de sa propre histoire, quand son père a légué à sa mère « un tiers d’un vieil immeuble en indivision à Tel Aviv dans lequel habitait encore un locataire, un ami à lui survivant de la Shoah, et le propriétaire des deux autres tiers était particulièrement difficile ».

« Mon père […] avait coutume de dire que [l’immeuble] était pour lui comme un hémorroïde… J’ai voulu écrire une histoire d’un vieil immeuble et de ses habitants sous un jour plus heureux, avant d’être abîmés par la vie et le temps », dit le réalisateur, qui se voit dans le personnage de l’agent immobilier interprété par Mathieu Amalric.
« Cette fiction est essentielle pour moi », explique-t-il. « Elle m’a permis de refermer un pan de ma vie en parlant notamment de mon père, qui n’était pas alcoolique comme le personnage dans la série mais qui avait cette cette forme d’inconséquence et cette absence de peur qu’un rockeur comme Eddy Mitchell incarne de façon naturelle. C’est aussi un hommage à ma mère décédée récemment. »

Pour le magazine Marianne, l’acteur Mathieu Amalric est lui revenu sur la série et sur sa carrière – et notamment sur son rôle de « JJA » dans la série « Le Bureau des légendes », qui vient de prendre fin sur Canal+.
« [Etgar Keret] est un immense écrivain. Ses nouvelles sont magnifiques, délirantes… On y passe de situations quotidiennes à des fantasmagories, des poissons qui parlent, des temps qui s’enchevêtrent… Le scénario est très lié à la vie de ses parents, il l’a écrit en pensant à moi. C’est génial qu’un écrivain qu’on admire vous propose de devenir un personnage de son monde. »