Israël en guerre - Jour 346

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L’élimination de Soleimani prouve que Trump reste imprévisible et versatile

De nombreux analystes pensaient que le président américain n'oserait pas risquer une nouvelle guerre au Moyen-Orient avant une année électorale et en pleine démarche de destitution

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le commandant des Gardiens de la Révolution islamique, le général Qassem Soleimani, (au centre), lors d'une réunion avec le Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei, et les commandants des Gardiens de la révolution à Téhéran, en septembre 2016. (Crédit : Office of the Iranian Supreme Leader via AP)
Le commandant des Gardiens de la Révolution islamique, le général Qassem Soleimani, (au centre), lors d'une réunion avec le Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei, et les commandants des Gardiens de la révolution à Téhéran, en septembre 2016. (Crédit : Office of the Iranian Supreme Leader via AP)

Il y a quelques mois à peine, il semblait que les États-Unis et le Moyen-Orient se séparaient.

Le 7 octobre, le président américain Donald Trump annonçait qu’il était temps « pour nous de nous extirper de ces guerres ridicules sans fin, la plupart tribales, et de ramener nos soldats à la maison. NOUS NOUS BATTRONS LÀ OÙ C’EST DANS NOTRE INTÉRÊT ET UNIQUEMENT POUR GAGNER », avait-il tweeté.

Les acteurs clés dans la région, à savoir la Syrie, l’Iran, l’Irak, la Russie, les Européens et les Kurdes, devaient désormais « résoudre la situation » seuls, avait-il ajouté, justifiant son retrait controversé de pratiquement toutes les troupes américaines du nord de la Syrie.

Israël et ses soutiens aux États-Unis étaient préoccupés par cette décision, craignant que laisser tout le champ d’action à Moscou et à Téhéran renforceraient davantage les ennemis de l’État juif.

« Je suis inquiet. Nous comptons depuis 45 ans sur une Pax Americana qui n’existe plus », avait confié Michael Oren, un ancien ambassadeur israélien aux États-Unis, au Times of Israël mi-octobre. « Je ne dis pas que les États-Unis ne nous viendront “plus en aide [en cas de guerre], mais nous ne pouvons plus en être certains », avait-il déploré. « Nous devons bien prendre en compte que nous sommes dans cette situation. »

D’autres experts sécuritaires à Jérusalem et Washington ont convenu que le retrait de Syrie ordonné par Trump soulignait sa politique étrangère isolationniste. Les États-Unis ne réagissaient pas vigoureusement à la belligérance croissante de l’Iran. Aucune fortes représailles n’avaient suivi l’attaque iranienne sur une exploitation pétrolière saoudienne. De même, les États-Unis n’avaient rien fait après la destruction d’un drone américain ou l’interception de navires par le régime iranien.

Assurément, Trump ne ferait rien qui pourrait déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient — certainement pas lorsqu’il fait face à une procédure de destitution et entame une année électorale, pensaient de nombreux analystes.

Ils avaient tort.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, Trump a autorisé l’élimination du Général Qassem Soleimani, le puissant chef de la Force Al-Qods des gardiens de la Révolution islamique.

Un véhicule en flammes à l’aéroport international de Bagdad à la suite d’une frappe aérienne, en début de journée, vendredi 3 janvier 2020. (Crédit : service de presse du ministère des Affaires étrangères irakien via AP)

Plus que toute autre action entreprise par le locataire de la Maison-Blanche depuis sa prise de fonction il y a trois ans, la frappe aérienne sur l’aéroport international de Bagdad qui a tué Soleimani et d’autres hauts responsables iraniens est la preuve que Donald Trump est prêt à user de la force au Moyen-Orient, même si cela signifie provoquer une nouvelle guerre régionale.

« La justice est rendue, et la dissuasion américaine au Moyen-Orient est restaurée », a salué Michael Oren vendredi matin.

Cette frappe a de nouveau démontré que l’imprévisibilité considérable du président américain. On pourrait considérer la plupart des initiatives de Trump comme erratiques voire dignes d’un caprice, mais le fait est que personne au Moyen-Orient — les Iraniens y compris — n’avait vu cela venir.

Cette mesure hostile est la dernière manifestation de l’attitude versatile du dirigeant dans la région.

En avril 2017, Trump a sourcillé lorsqu’il a ordonné une frappe aérienne sur le régime syrien soutenu par Téhéran. De nombreux Israéliens s’en étaient félicité, célébrant le fait que là où le précédent président, Barack Obama, n’avait pas tracé de ligne rouge et s’était abstenu de cibler la Syrie, son successeur était prêt à faire usage de la force pour souligner le sérieux de ses menaces.

Mais, à la grande déception de tous, les 59 missiles Tomahawk tirés sur l’aérodrome de Shayrat, au nord de Damas, n’a pas bouleversé le cours de l’histoire. La guerre civile syrienne, comprenant le gazage de civils, se poursuit avec plus ou moins toujours autant d’intensité.

Un an plus tard, début avril 2018, les États-Unis frappaient de nouveau la Syrie. Une coalition de pilotes américains, britanniques et français avaient largué 105 missiles sur des cibles liées au programme d’armes chimiques du régime. Ce raid, là aussi, avait été peu efficace pour mettre un terme à la tragédie syrienne ou pour dissuader Téhéran de s’y ancrer.

Un soldat américain assis sur un véhicule blindé à un nouveau poste de Manbij, au nord de la Syrie, le 4 avril 2018. (Crédit : Hussein Malla/AP)

Tuer Soleimani, en revanche, est susceptible de modifier drastiquement le statu quo dans la région, notamment en provoquant un immense incendie impliquant l’Iran, les États-Unis, la Syrie, le Hezbollah, la Russie, les États du Golfe — et bien sûr, Israël.

Le guide suprême iranien Ali Khameini a promis une « vengeance effroyable » pour l’élimination de Soleimani. Il a appelé à trois jours de deuil national, à la suite de quoi Israël devrait s’attendre à des représailles. Le régime chiite pourrait tenter de s’en prendre directement à Israël à l’aide de drones ou de missiles stationnés dans la Syrie voisine. Son représentant au Liban, le Hezbollah, pourrait procéder à des attaques transfrontalières ou à des attentats sur des cibles israéliennes et/ou juives à l’étranger.

Téhéran est également susceptible d’accroître ses violations de l’accord nucléaire de 2015. Une tentative iranienne de développer des armes nucléaires pose un tout autre — mais pas moins complexe — éventail de défis à Israël.

Nombreux sont ceux à Jérusalem qui se sont réjouis de l’élimination de Soleimani. Cerveau des efforts iraniens d’exportation de la Révolution islamique, il était responsable d’innombrables attentats contre des Israéliens et des Juifs dans le monde. Cela étant, les ministres ont reçu l’ordre de ne pas commenter l’affaire publiquement, probablement pour éviter de mettre de l’huile sur le feu.

Et pourtant, il ne fait aucun doute depuis vendredi matin que l’establishment sécuritaire israélien travaille d’arrache-pied pour être certain d’être prêt à toutes les éventualités. L’ordre donné par Trump de tuer Soleimani était hautement inattendu — la réponse violente de l’Iran ne sera une surprise pour personne.

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