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L’Autriche vote, Israël inquiet d’une autre poussée de l’extrême-droite

Le FPÖ anti-migrant, fondé par des nazis mais dont les opinions sont aujourd’hui proches de celles du Likud de Netanyahu, devrait être incontournable dans la future coalition

Heinz-Christian Strache, dirigeant du Parti de la liberté autrichien (FPÖ), et son épouse Philippa Beck pendant le dernier meeting de la campagne législative, à Vienne, le 13 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)
Heinz-Christian Strache, dirigeant du Parti de la liberté autrichien (FPÖ), et son épouse Philippa Beck pendant le dernier meeting de la campagne législative, à Vienne, le 13 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

VIENNE, Autriche – Les Autrichiens ont commencé à voter dimanche pour les législatives, qui devraient voir Sebastian Kurz, 31 ans, devenir le plus jeune dirigeant de l’Union européenne, en formant une alliance avec l’extrême-droite.

Un virage à droite du riche pays de 8,75 millions d’habitants serait une nouvelle difficulté pour Bruxelles, qui se débat déjà avec la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne et la poussée des nationalistes en Allemagne, en Hongrie, en Pologne et ailleurs.

Tout indique cependant que les Autrichiens, lassés de l’afflux record des demandeurs d’asiles, veulent balayer les centristes au pouvoir en faveur d’un gouvernement plus radical, pour la première fois en dix ans.

Quelque 6,4 millions de personnes sont appelées aux urnes dimanche. Les bureaux de vote ont ouvert à 6h00 (7h00 en Israël) et fermeront à 17h00 (18h00 en Israël). Les premières estimations devraient arriver peu après.

Le Parti du Peuple (ÖVP), dont Kurz a changé l’image pour en faire son « mouvement » personnel, est donné vainqueur à plus de 30 % des suffrages, avec des promesses de sévérité envers les migrants et sur une baisse des impôts.

Sebastian Kurz, ministre autrichien des Affaires étrangères et président du Parti du Peuple (ÖVP),à Vienne, le 13 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)
Sebastian Kurz, ministre autrichien des Affaires étrangères et président du Parti du Peuple (ÖVP),à Vienne, le 13 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

Kurz devrait probablement former une coalition avec le Parti d’extrême-droite eurosceptique de la Liberté (FPÖ), qui, avec les sociaux-démocrates, se disputent la seconde place autour de 25 %.

Fondé par d’anciens nazis, le FPÖ a failli remporter la présidence l’année dernière, et caracolait dans les sondages avant que Kurz ne fasse la course en tête avec son remaniement radical de l’ÖVP au printemps dernier.

Heinz-Christian Strache, 48 ans, dirigeant du FPÖ, a vivement critiqué les demandeurs d’asiles. « Nous ne voulons pas d’islamisation de notre patrie […]. Nous ne voulons pas devenir une minorité dans notre propre pays », a-t-il encore martelé vendredi.

Pendant ce temps, le chancelier Christian Kern, 51 ans, et son parti social démocrate (SPÖ), autrefois puissant, pourraient être repoussés dans l’opposition après leur campagne chaotique, qui a tourné au grand déballage et aux échanges d’invectives entre sociaux-démocrates et conservateurs. Ce fut, aux yeux des commentateurs, la campagne électorale « la plus sale » vécue par l’Autriche.

Christian Kern, chancelier autrichien et président du parti social démocrate (SPÖ), pendant la campagne électorale, à Vienne, le 14 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)
Christian Kern, chancelier autrichien et président du parti social démocrate (SPÖ), pendant la campagne électorale, à Vienne, le 14 octobre 2017. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

En cause : des révélations sur le rôle joué par un ancien consultant du SPÖ, l’Israélien Tal Silberstein, ancien conseiller de Kern, dans l’organisation d’une campagne de calomnies contre Kurz, à base de fausses informations sur internet et de caricatures grossières pour le décrire comme antisémite, et l’utilisation d’images antisémites pour le discréditer à droite.

Le SPÖ a renvoyé Silberstein en août, après son arrestation en Israël en raison de son implication présumée dans une affaire de blanchiment d’argent liée à Beny Steinmetz, le magnat des diamants. Il a démenti toute malversation.

En discutant de cette affaire la semaine dernière, Kurz a affirmé que l’élection était un référendum pour savoir si « nous voulons des Silberstein en Autriche », un propos interprété par certains comme ayant des sous-entendus antisémites, ce que Kurz a vivement démenti.

Les hostilités ouvertes entre Kern et Kurz rendent improbable toute tentative de coalition.

Kern, chancelier depuis mai, a mis en garde samedi contre une alliance de droite, affirmant que « l’Autriche était au carrefour le plus important de son histoire depuis des décennies. »

« Ils trahiront à nouveau les plus modestes et leur feront payer une addition amère après l’élection », a lancé Kern aux militants venus l’écouter dans un quartier populaire de Vienne, mettant en garde contre le « retour de l’expérience ‘noirs-bleus’ », un accord de coalition entre conservateurs et extrême droite.

De meilleures relations avec Israël, mais à quel prix ?

L’ÖVP et le FPÖ ont déjà partagé le pouvoir entre 2000 et 2007. A l’époque, l’alliance avec l’extrême-droite, alors dirigée par Jörg Haider, admirateur des SS depuis décédé, avait déclenché des manifestations et ostracisé l’Autriche. Israël avait rappelé son ambassadeur pendant un an.

Cependant, son retour pourrait ne pas déclencher les mêmes réactions, à présent que les nationalistes gagnent du terrain dans toute l’Europe.

Même si Israël boycotte traditionnellement le FPÖ, les analystes indiquent que la hausse du parti pourrait améliorer les relations entre Vienne et Jérusalem.

Le parti d’extrême-droite, comme ses homologues européens – l’AfD allemande, l’UKIP britannique, le FN français et ‘autres – veut faire cause commune avec le gouvernement de droite d’Israël, même si leurs membres sont accusés d’antisémitisme et parfois d’être d’anciens nazis.

Le candidat à la présidentielle du Parti Liberté autrichien (FPO) d'extrême-droite, Norbert Hofer, le 20 mai 2016. (Crédit : Joe Klamar/AFP)
Le candidat à la présidentielle du Parti Liberté autrichien (FPO) d’extrême-droite, Norbert Hofer, le 20 mai 2016. (Crédit : Joe Klamar/AFP)

Si Norbert Hofer, cadre du FPÖ, devenait ministre des Affaires étrangères, Jérusalem devrait choisir entre mettre fin à sa politique historique de ne pas entretenir de relations avec les partis nationalistes et le boycott du premier diplomate d’un pays ami.

« La première fois que le FPÖ est entré au gouvernement, les 14 autres pays de l’Union européenne ont boycotté ses ministres, ainsi qu’Israël », a expliqué Cas Mudde, politologue néerlandais spécialisé sur l’extrémisme et le populisme politique en Europe. « Mais nous vivons maintenant dans un autre monde. Si Israël accepte Donald Trump aux Etats-Unis, et défend Viktor Orban en Hongrie, ce serait hypocrite de boycotter Strache en Autriche. »

Strache s’est rendu plusieurs fois en Israël, mais n’a pas rencontré de responsables. Ses opinions sur le conflit israélo-palestinien sont cependant plus proches de celles du Likud et de HaBayit HaYehudi que de l’Union sioniste. Il soutient par exemple le droit d’Israël à construire dans les implantations de Cisjordanie, et défend le déplacement de l’ambassade autrichienne de Ramat Gan à Jérusalem.

Même si plusieurs figures du Likud ont appelé le parti à abandonner son boycott du FPÖ, beaucoup affirment encore que le passé nazi du parti autrichien reste une ligne rouge.

« Il est certain que le FPÖ tente autant que possible, en particulier ces dernières années, de s’éloigner d’un parti néo-nazi. Mais il ne faut pas oublier : c’est exactement ce qu’ils ont été », a expliqué Adi Lantor, chercheur spécialiste des relations Europe-Israël à l’Institut de recherche en sécurité nationale (INSS) de Tel Aviv. « Il y avait des antisémites et d’anciens nazis dans ce parti depuis son début, dans les années 1950. »

Le ministère israélien des Affaires étrangères a refusé de s’exprimer sur l’élection autrichienne. En privé, des responsables indiquent cependant qu’ils se préparent à tous les scénarios possibles, mais Jérusalem ne devrait pas faire de déclaration publique avant que les négociations de coalition ne se terminent à Vienne.

Que la droite et la gauche n’excluent pas de s’allier avec l’extrême droite désole David Albrich, l’un des organisateurs d’une marche anti-fasciste qui a rassemblé près d’une centaine de personnes vendredi à Vienne.

« Le FPÖ plonge ses racines dans le passé nazi de l’Autriche, il n’y a pas d’autres pays où la continuité avec la Seconde Guerre mondiale est si profonde. En Allemagne, les gens manifestent contre l’AfD, mais en Autriche personne… »

« Saisir l’esprit des gens »

L’élection législative anticipée a été déclenchée quand Kurz a pris la tête de l’ÖVP en mai, et mis fin à la « grande coalition » avec le parti social démocrate.

Pour son mouvement turquoise, il a attiré de jeunes candidats étrangers à la politique, et a juré de faire passer « d’abord les Autrichiens ».

« Je suis optimiste », a dit un bénévole de l’ÖVP à l’AFP à Vienne. « La manière dont Kurz parle des choses, c’est ce qui a saisi l’esprit des gens. »

Le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, à gauche, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem, le 23 avril 2014. (Crédit : Kobi Gideon/GPO/Flash90)
Le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, à gauche, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem, le 23 avril 2014. (Crédit : Kobi Gideon/GPO/Flash90)

Kurz, qui était le ministre des Affaires étrangères, revendique la fermeture de la route dite des Balkans aux migrants en 2016, ce qui a fait son succès en Autriche.

Habile tribun qui polit l’image de son parti, sans rien céder de son hostilité à l’immigration et à l’islam, le politicien ambitieux veut supprimer les aides sociales à tous les étrangers, et fermer les crèches musulmanes.

Kurz et Strache sont également d’accords pour baisser les impôts, couper dans la bureaucratie autrichienne et empêcher l’Union européenne de se mêler des affaires nationales.

Les experts estiment que leur union pourrait transformer l’Autriche en partenaire délicat pour l’Europe.

Vienne prendra la présidence tournante de l’Union au deuxième semestre 2018, quand Bruxelles voudra finir les négociations du Brexit, qui doivent s’achever en mars 2019.

Strache pense que le Royaume-Uni « ira probablement mieux après le Brexit », et veut des relations plus étroites avec les pays de l’Europe centrale et de l’Est.

« Le Parti de la Liberté en partenaire gouvernemental ne fera pas bonne impression en Europe, [et] Kurz le sait, a indiqué samedi Der Standard, mais la question est de savoir s’il sera possible de passer outre Strache après cette élection. »

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