L’avancement du projet de loi sur l’immunité des forces de sécurité suspendu
La Procureure générale a mis en garde contre d'éventuelles poursuites à l'étranger ; malgré les critiques du ministre de le Sécurité nationale, le Likud a suspendu la législation
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Une proposition radicale visant à accorder aux forces de sécurité israéliennes l’immunité contre les poursuites judiciaires pour leurs actions au cours des opérations a été suspendue dimanche, après que la Procureure générale a averti que le projet de loi exposerait les troupes à des poursuites judiciaires à l’étranger et poserait de graves dangers pour la relation entre le public israélien et les autorités chargées de l’application de la loi.
Le projet de loi – soutenu par le député d’extrême-droite et ancien général de Tsahal, Zvika Fogel (Otzma Yehudit) – devait être soumis à un panel gouvernemental plus tard dans la journée de dimanche afin de déterminer le soutien de la coalition à la mesure. Après que Baharav-Miara a rendu son avis, le projet de loi a été mis de côté.
« Cette proposition entrave considérablement l’obligation d’enquêter sur les soupçons d’utilisation illégale ou inappropriée de la force, une obligation qui fait partie de la protection de l’État de droit et des droits de l’Homme dans l’État d’Israël », a-t-elle averti.
Les critiques ont averti que la législation pourrait exposer le personnel de sécurité à des poursuites à l’étranger, y compris devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, si la communauté internationale ne considère plus qu’Israël dispose d’un système de justice interne raisonnable pour traiter les accusations.
Le débat sur le projet de loi de Fogel intervient alors que la coalition s’efforce, de manière controversée, de supprimer les contrôles judiciaires sur le pouvoir politique, une mesure distincte qui, selon les critiques, pourrait rendre le personnel de sécurité et les hommes politiques vulnérables à des poursuites internationales, si l’État de droit israélien est perçu comme étant mis à mal.
La Procureure générale s’est fait l’écho de ces arguments dans une lettre adressée dimanche à la commission ministérielle des Lois.
« L’application de l’immunité peut entraîner un risque important pour le public et l’État d’Israël, et peut avoir des implications profondes sur la façon dont le régime fonctionne en Israël, dans la relation entre l’individu et les représentants distincts du gouvernement », a-t-elle écrit.
« La proposition crée également un risque pour les membres des forces de sécurité eux-mêmes, qui seront exposés à des enquêtes et à des poursuites pénales à l’étranger, ainsi qu’à un risque plus important pour leur vie et l’intégrité de leur corps dans le cadre de leurs activités opérationnelles », a ajouté la Procureure générale.
Baharav-Miara a rappelé qu’Israël avait développé des mécanismes pour « équilibrer les défis qui caractérisent l’activité opérationnelle et l’importance du devoir d’enquêter sur les cas d’utilisation illégale ou inappropriée de la force par les forces de sécurité ».
« L’immunité, telle qu’elle est proposée, modifie fondamentalement le point d’équilibre et entraîne ainsi une violation des droits de l’Homme et d’autres intérêts essentiels », a-t-elle écrit, ajoutant qu’il ne s’agit pas de « l’outil approprié pour sauvegarder ces intérêts majeurs ».
Le projet de loi garantirait aux soldats, aux policiers, aux employés de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, aux gardes de la Knesset, aux volontaires de la garde nationale et à diverses autres forces de sécurité une immunité pénale générale pour les « actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, au cours d’activités opérationnelles ou contre des actes de terrorisme ».
Cette immunité ne serait pas rétroactive, mais s’appliquerait aux poursuites pénales et protégerait les forces de sécurité même en cas d’interrogatoire.
Toutefois, le projet de loi crée un mécanisme permettant de lever l’immunité pour les actes jugés « malveillants ou de mauvaise foi ».
Faisant allusion à cette disposition, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui supervise la police et dirige le parti de Fogel, a déclaré que ce projet de loi « ne protège pas les crimes de guerre et les infractions commises intentionnellement ».
Baharav-Miara a toutefois estimé que la commission proposée dans le projet de loi, qui serait habilitée à lever l’immunité, ne disposerait pas de l’expertise juridique nécessaire pour examiner les dossiers et déterminer si un crime a été commis. « Par conséquent, la proposition ne permettra pas d’atteindre un équilibre entre la nécessité de soutenir les forces de sécurité et l’exploitation de l’immunité dans le but de commettre des actes illégaux », a-t-elle déclaré.
Ben Gvir a accusé la procureure générale de s’opposer « automatiquement » à ce qu’il a appelé « une initiative en faveur des soldats de Tsahal et contre notre ennemi ». Il s’est également engagé à continuer à faire avancer le projet de loi.
Bien qu’une source proche de Fogel ait déclaré que l’opinion de la procureure générale était si forte qu’il ne s’attendait pas à ce que le projet de loi soit ressuscité sous son mandat, Otzma Yehudit a nié qu’il y ait eu une décision finale de le suspendre complètement.
Le Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu « a demandé le report du projet de loi afin d’y apporter plusieurs modifications, et des négociations sont actuellement en cours entre les partis », a déclaré un porte-parole du parti Otzma Yehudit, démentant les informations selon lesquelles le projet de loi a été retiré de l’ordre du jour de la commission des Lois pour le mois à venir, après quoi la Knesset entamera son mois de congé.
Le projet de loi a été inclus dans les accords de coalition pour mettre en place le gouvernement.
Les notes explicatives du projet de loi, proposé en janvier, indiquent que son objectif est de « permettre aux forces de sécurité de mener à bien leurs missions sans crainte » de poursuites judiciaires. Le projet de loi affirme que « les soldats de Tsahal sont paralysés dans l’accomplissement de leurs missions en raison de la crainte » d’être jugés.
Les opposants de la réforme du système judiciaire du gouvernement avertissent également que les efforts visant à restreindre le pouvoir de la Haute Cour de justice priveront le pays de sa légitimité sur la scène internationale.
Baharav-Miara s’est prononcée contre le projet de refonte judiciaire, s’est opposée à Netanyahu sur la question de savoir s’il pouvait ou non s’impliquer dans la législation requise en raison d’un conflit d’intérêts présumé dans le cadre de son procès pour corruption en cours, s’est opposée à la législation visant à faciliter les dons aux fonctionnaires et a averti qu’un projet de loi limitant les circonstances dans lesquelles un Premier ministre peut être démis de ses fonctions créerait un « trou noir juridique« .
Le mois dernier, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a semblé menacer de renvoyer Baharav-Miara, le gouvernement continuant à se trouver en désaccord avec son plus haut représentant juridique.
Le mois dernier, des dizaines de pilotes de l’armée de l’Air israélienne ont également déclaré qu’ils ne se présenteraient plus au service ou à l’entraînement en signe de protestation contre les propositions législatives visant à affaiblir radicalement le système judiciaire. Selon la Douzième chaîne, les pilotes, des réservistes qui continuent à faire du service actif, ont fait part au chef de l’armée de l’Air israélienne, Tomer Bar, de leur crainte que la ligne radicale du gouvernement ne les expose à des poursuites de la part d’organismes internationaux tels que la CPI.
Au fil des ans, des tentatives d’adoption de projets de loi similaires sur l’immunité ont eu lieu, mais aucune n’a été, à ce jour, approuvée par la Knesset.
Le gouvernement propose par ailleurs d’autres projets de lois controversés liés à la sécurité, tels que la condamnation à mort des terroristes qui tuent des Israéliens.