Le chef du Shin Bet récuse les accusations de chantage et se distancie de son prédécesseur
Selon Ronen Bar, le Shin Bet et son chef "n'utilisent pas le pouvoir de l’agence inutilement", rejetant ainsi les dénonciations et les menaces de Nadav Argaman contre Benjamin Netanyahu

Vendredi, le chef du Shin Bet, Ronen Bar, a pris ses distances par rapport aux déclarations de son prédécesseur contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, tout en rejetant les affirmations de ce dernier selon lesquelles lui et l’agence de sécurité intérieure agissent contre le Premier ministre.
« Un organisme d’État et son dirigeant n’utilisent pas le pouvoir de l’organisation inutilement. Cela n’a pas été et ne sera pas notre façon de faire », a écrit Bar dans une missive adressée aux employés retraités de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet.
« Pas en paroles, et certainement pas en actes. Je désapprouve les discours qui ne sont pas dignes d’un homme d’État », a écrit Bar.
Faisant référence aux « événements [de jeudi soir] et aux différentes informations », Bar a déclaré que le Shin Bet « est une agence d’État qui accomplit ses missions conformément à la loi ».
« La force et la résilience de l’agence résident dans ses valeurs. J’ai l’intention de maintenir le Shin Bet dans un état d’esprit d’homme d’État et concentré sur ses missions pour la sécurité du pays », a-t-il écrit.
Dans une longue interview accordée à la chaîne N12 diffusée jeudi soir, l’ancien chef du Shin Bet, Nadav Argaman, a détaillé certains des désaccords qu’il a eus avec Netanyahu pendant son mandat de 2016 à 2021, notamment sur la question de l’aide qatarie autorisée dans la bande de Gaza.

Argaman a affirmé détenir des informations compromettantes sur le Premier ministre et a menacé de les rendre publiques si Netanyahu venait à enfreindre la loi.
« Il est clair que j’ai beaucoup d’informations que je pourrais divulguer […] Mais pour l’instant, je garderai pour moi tout ce qui s’est passé entre le Premier ministre et moi-même » hors de la sphère publique, a déclaré Argaman.
Cependant, « si l’État d’Israël ou si moi-même concluons que le Premier ministre a décidé d’agir au mépris de la loi, alors je n’aurai pas d’autre choix que de révéler tout ce que je sais et que je me suis abstenu de dire jusqu’à aujourd’hui », a-t-il indiqué.
Netanyahu a rapidement répondu à Argaman, l’accusant de chantage dans une déclaration publiée sur le réseau social X.
« Ce soir, une nouvelle ligne rouge dangereuse a été franchie pour la démocratie israélienne », a déclaré le Premier ministre jeudi soir.
« Jamais, dans toute l’histoire d’Israël et de la démocratie, un ancien chef des services de sécurité n’avait fait chanter un Premier ministre en exercice en direct à la télévision. »
Netanyahu a ensuite porté la même accusation de « chantage » contre Bar. Il a fourni peu de détails pour étayer ses dires, mais il a affirmé que le chef du Shin Bet avait tenu une série de briefings non officiels avec certains journalistes, ces derniers jours, dans le but de ternir l’image du Premier ministre.
Le Shin Bet a, à son tour, répondu à Netanyahu, publiant une rare déclaration affirmant que l’accusation portée contre Bar était une « allégation grave contre le chef de l’organisation étatique ».

Et d’ajouter que le chef du Shin Bet « consacre tout son temps aux questions de sécurité, aux efforts pour rapatrier les otages et à la défense de la démocratie. Toute déclaration contraire est dénuée de toute véracité ».
Netanyahu a porté plainte vendredi contre Argaman, l’accusant d’avoir « menacé et d’avoir tenté de faire chanter un Premier ministre en exercice » lors d’une interview télévisée.
Le chef de la police, Daniel Levi, a demandé aux enquêteurs « d’enquêter sur les allégations » d’Argaman, a indiqué la police dans un communiqué.
Netanyahu s’efforcerait depuis des mois de tenter de pousser Bar vers la sortie. Il cherchait à rejeter la responsabilité des échecs qui ont permis au Hamas de perpétrer son pogrom le 7 octobre 2023 sur le seul échelon sécuritaire, et non sur les dirigeants politiques.
L’actuel chef du Shin Bet résisterait, craignant que son départ ne permette à Netanyahu de nommer un loyaliste à sa place.
Bar a refusé de démissionner malgré les conclusions de l’enquête menée par son agence le 7 octobre, qui a révélé des défaillances de la part de son agence, alors que lui et Netanyahu se livrent à des joutes de plus en plus publiques.
Bar aurait déclaré qu’il n’avait pas l’intention de démissionner de son poste tant que tous les otages n’auraient pas été libérés et qu’une commission d’enquête nationale n’aurait pas été mise en place pour enquêter sur les erreurs entourant le 7 octobre.
Le Premier ministre, chef de l’État israélien depuis 2009, à l’exception d’une période d’un an et demi mois en 2021-2022, a rejeté les appels à la création d’une commission d’enquête nationale sur les échecs de l’échelon politique qui ont conduit au 7 octobre 2023, date à laquelle des milliers de terroristes dirigés par le groupe terroriste palestinien du Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël, ont tué plus de 1 200 personnes et enlevé 251 otages, déclenchant la guerre à Gaza.

Les efforts visant à limoger Bar ont été compliqués ces dernières semaines, en raison du lancement d’une enquête conjointe du Shin Bet et de la police sur les liens présumés entre plusieurs des collaborateurs de Netanyahu et le gouvernement qatari.
Le licenciement du chef du Shin Bet par le Premier ministre alors que l’enquête est encore en cours serait probablement perçu comme un conflit d’intérêts.