Le film antisémite, relayé par Kyrie Irving, est en tête des ventes: Amazon prié de le retirer
L’ADL et l'AJC ont adressé cette demande à Amazon suite à sa promotion sur les réseaux sociaux par un joueur de la NBA, qui l’a propulsé au 1er rang des ventes
JTA – Alors que le livre et le documentaire antisémites promus sur les réseaux sociaux par la star de la NBA, Kyrie Irving, caracolent en tête des ventes sur Amazon, le géant du commerce électronique a été approché par des organisations juives, qui le pressent de retirer ces titres de son catalogue.
La société envisagerait d’ajouter une clause de non-responsabilité au documentaire, indique le New York Times.
L’Anti-Defamation League (ADL) a adressé un courrier, vendredi dernier, à Amazon, en son nom et au nom de l’équipe de basket dont fait partie Irving, les Brooklyn Nets, lui demandant de supprimer le « virulent ouvrage antisémite et la vidéo correspondante » ou, à tout le moins, de les accompagner d’un message sur le caractère choquant de leur contenu.
« Le livre et le film sont faits pour attiser la haine et, maintenant que M. Irving en a fait la publicité, ils portent clairement préjudice aux Juifs », indique le courrier, selon le Washington Post.
« Les points de vue [qu’ils développent] ne sont pas des points de vue différents sur l’histoire, c’est de l’antisémitisme pur et simple. Ils renforcent encore les tropes antisémites bien connus, et fort anciens, sur le pouvoir des Juifs, leur prétendue cupidité et le contrôle qu’ils auraient des médias. »
Lundi, une autre grande organisation juive, l’American Jewish Committee (AJC), a demandé à Amazon de régler le problème en retirant le livre et le film de son catalogue.
« Pour lutter efficacement contre l’antisémitisme, les dirigeants d’entreprise doivent reconnaître ce qu’est l’antisémitisme et prendre des mesures fermes pour y faire face », a déclaré le chef de l’AJC, Ted Deutch, dans un communiqué.
« Dans cette affaire de promotion par Kyrie Irving d’un documentaire truffé de tropes antisémites et de négationnisme, il est essentiel qu’Amazon agisse rapidement et supprime cet élément manifestement haineux de son offre. »
Il y a un peu plus d’une semaine, Irving avait en effet publié le lien vers une page Amazon présentant « Hebrews to Negroes: Wake Up Black America [ Des Hébreux aux Nègres (sic) : Debout, l’Amérique noire », documentaire inspiré d’un ouvrage éponyme.
Le documentaire ne s’est jamais aussi bien vendu et figure même en tête des ventes des documentaires sur Amazon Video.
Sur IMDb, la base de données cinématographiques appartenant à Amazon, il bénéficie de 370 critiques. Une capture d’écran de la page correspondant au documentaire, en février, montre qu’il n’en avait que huit à ce moment-là.
En outre, l’ouvrage dont est tiré le documentaire figurait, lundi, à la 78e place des ventes sur Amazon, et même à la 2e place dans la catégorie “éducation chrétienne”.
« Hebrews to Negroes » postule que les véritables descendants des Israélites sont les Afro-Américains d’aujourd’hui et que les Juifs revendiquent cette origine à tort. On y trouve tout un tas de propos antisémites, la négation de la Shoah et l’affirmation fausse selon laquelle les Juifs auraient organisé la traite des esclaves.
Irving a rejeté en bloc toutes les critiques, après sa publication, et a continué à faire de la provocation, même après sa suspension des Nets pour avoir refusé de dire qu’il n’était pas antisémite.
Il a toutefois fini par présenter ses excuses pour avoir fait connaître le documentaire, assurant être « conscient de l’impact négatif de sa publication sur la communauté juive et en assumer la responsabilité ».
Les Nets ont demandé à Irving de prendre certaines mesures avant de l’autoriser à revenir dans l’équipe. Cela passe notamment par un entretien avec des responsables juifs et l’ADL.
Tant que le film reste disponible sur Amazon, la plateforme continue d’engranger la moitié de son prix de vente, le reste allant au réalisateur.
Certains suggèrent qu’Amazon fasse don des recettes du livre et du film à des organisations investies dans la lutte contre la propagation de la haine et du racisme.
« Il est irresponsable de faire de l’argent avec un ouvrage aussi ignoble et dangereux », a déclaré au Washington Post Alvin H. Rosenfeld, directeur du Centre pour l’étude de l’antisémitisme contemporain et professeur à l’Université de l’Indiana.
Les règles d’Amazon pour la distribution de films stipulent que « tous les titres sont examinés. manuellement et de manière automatisée », afin de mettre en évidence de possibles violations des droits d’auteur, les contenus sexuellement explicites ou « les propos désobligeants, discours de haine ou menaces envers certains groupes ou individus ».
La politique de la société en matière de vente de livres lui permet de supprimer les contenus « choquants ». Mais elle s’engage aussi à assurer la diffusion des points de vue les plus divers.
« En tant que libraire, nous pensons qu’il est important de donner accès aux contenus écrits, même à ceux susceptibles d’être considérés comme répréhensibles », peut-on encore lire dans la politique de vente d’Amazon.