Israël en guerre - Jour 372

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Analyse

Le gouvernement intérimaire pourrait adopter l’accord frontalier avec le Liban

La coalition sortante n'a pas de majorité à la Knesset, mais elle ne semble pas avoir besoin de l'approbation du Parlement pour approuver l'accord négocié par les États-Unis

Plate-forme flottante de production et de stockage (FPSO) d'Energean sur le champ gazier de Karish, en mer Méditerranée. (Crédit : Energean)
Plate-forme flottante de production et de stockage (FPSO) d'Energean sur le champ gazier de Karish, en mer Méditerranée. (Crédit : Energean)

Israël et le Liban négocient depuis plus d’une décennie, avec l’aide d’une médiation internationale, pour trouver un accord sur plusieurs problématiques relatives à leur frontière maritime commune et à la répartition des droits et obligations entre les deux pays dans les zones de la mer Méditerranée adjacentes à leurs côtes.

Les deux parties ont annoncé ces derniers jours qu’elles acceptaient le compromis proposé par le médiateur américain, qui comprend un accord formel sur des parties de la frontière maritime situées entre leurs « eaux territoriales » respectives, et qui comprend aussi la délimitation des zones économiques appartenant aux deux États, au-delà de leurs eaux territoriales. Dans ces dernières zones, les États n’ont pas de titre souverain, mais ils disposent de droits souverains spécifiques pour exploiter les ressources naturelles qui s’y trouvent (ou pour attribuer des droits d’exploitation à un tiers).

Que dit l’accord sur la frontière maritime ?

Il apparaît que l’accord sur les eaux territoriales suit la position d’Israël en ce qui concerne les trois premiers milles nautiques à partir de la côte et qu’il se conforme à la position libanaise sur le reste de la zone (pour neuf milles nautiques supplémentaires). Dans le même temps, l’accord sur la délimitation des zones économiques suit la position du Liban, bien que, en échange d’un compromis sur ces frontières économiques, Israël recevra un certain pourcentage des revenus du Liban provenant de l’extraction de gaz naturel dans sa zone économique (un arrangement qui sera mis en œuvre par l’intermédiaire de la société française TotalEnergies à laquelle le Liban a accordé une licence pour produire du gaz naturel dans la zone concernée).

Le gouvernement intérimaire israélien a-t-il le pouvoir d’accepter un accord de ce type ?

Bien que le droit israélien ne fasse pas formellement la différence entre les gouvernements sortants (avant la tenue d’élections), les gouvernements de transition (après la tenue d’élections, mais avant la formation d’un nouveau gouvernement) et les gouvernements « permanents » qui jouissent de la majorité à la Knesset, la jurisprudence exige que les gouvernements qui n’ont pas la majorité à la Knesset agissent avec prudence et retenue, et s’abstiennent de prendre des mesures importantes qui lieraient les mains des futurs gouvernements – en particulier pendant les périodes électorales.

Il existe une exception notable à cette règle – lorsqu’il existe un besoin public essentiel et urgent de prendre de telles mesures. Dans le cas présent, on peut affirmer que la crainte du déclenchement d’un conflit militaire à la frontière nord d’Israël en raison du début de la production de gaz naturel du champ gazier offshore de Karish répond à la définition d’un « besoin public essentiel ». Il a également été affirmé que les circonstances politiques au Liban avaient créé une « fenêtre d’opportunité » unique pour conclure l’accord maintenant.

Le haut conseil de sécurité d’Israël réuni pour évoquer le projet d’accord sur la frontière maritime entre Israël et le Liban, le 12 octobre 2022. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

L’accord doit-il être approuvé par la Knesset ? 

Le droit israélien n’exige généralement pas l’approbation de la Knesset avant la signature et la ratification d’accords internationaux. Toutefois, le règlement intérieur de la Knesset et le règlement intérieur du gouvernement exigent que les accords internationaux soient soumis à la Knesset deux semaines avant leur approbation définitive par le gouvernement, bien que cette exigence puisse être écartée pour des raisons de confidentialité et/ou d’urgence. Il est d’usage que les accords importants en matière de politique étrangère – tels que les accords de paix ou les Accords d’Abraham – soient soumis à l’approbation de la Knesset avant ou après leur signature, mais il est difficile de dire si cela constitue une obligation légale, et si oui, dans quelle mesure elle s’applique.

Il semblerait, à première vue, qu’un accord sur la délimitation des frontières maritimes, dont la principale pertinence est d’ordre économique, soit substantiellement différent des accords importants de politique étrangère qui ont été soumis à l’approbation de la Knesset dans le passé (les précédents accords de délimitation maritime avec Chypre et la Jordanie n’ont pas été soumis à l’approbation de la Knesset).

L’accord doit-il être ratifié par un référendum ?

Le Kohelet Policy Forum a récemment demandé à la Cour suprême de statuer que l’accord sur la frontière maritime avec le Liban devra être soumis à un référendum. La requête est fondée sur l’argument selon lequel les eaux israéliennes ont le même statut juridique que les territoires terrestres, ce qui est conforme à la « Loi fondamentale : Référendum », qui exige qu’un référendum national soit organisé afin de ratifier tout arrangement dans lequel Israël cède un territoire souverain à un autre pays (ou qu’un tel arrangement soit approuvé par une majorité spéciale de 80 membres de la Knesset).

Dans la mesure où l’accord en question porte sur le contrôle économique d’eaux spécifiques, qui ne relèvent pas de la souveraineté d’Israël et auxquelles la loi, la juridiction et l’administration israéliennes ne s’appliquent donc pas, cette requête n’aurait aucun fondement réel. Cependant, bien que l’accord comprenne des modifications des frontières maritimes entre les États (c’est-à-dire qu’il modifie la zone des eaux territoriales sous souveraineté israélienne) – les arguments de la requête devront être évalués plus attentivement.

D’une part, on pourrait faire valoir que la cession des eaux souveraines d’Israël a la même valeur juridique que la cession de territoires souverains sur terre. D’autre part, on pourrait prétendre que le législateur n’avait pas l’intention d’inclure les modifications mineures de la zone maritime sous souveraineté israélienne dans les termes de cette Loi fondamentale. Cette dernière a été conçue à l’origine pour rendre plus difficile la cession de territoires tels que Jérusalem ou le plateau du Golan. En outre, l’accord en question vise à délimiter les frontières maritimes qui restent contestées, plutôt qu’à céder un territoire à un autre État souverain.

L’article ci-dessus provient de l’Institut israélien de la démocratie, que l’auteur Yuval Shany a rejoint en tant que chercheur principal en 2008 et dont il a été vice-président entre 2018 et 2022. Il est également professeur de droit à l’Université hébraïque de Jérusalem, où il est titulaire de la chaire Hersch Lauterpacht, en droit public international.

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