Après 11 jours de combats acharnés entre le Hamas et Israël, avec plus de 230 Palestiniens et 12 Israéliens morts, des centaines de blessés, et des milliers de Gazaouis ayant perdu leurs maisons, le Hamas et le gouvernement israélien se retrouvent presque exactement au même point qu’avant le début de cette nouvelle manche du conflit.
À partir de vendredi, Israël autorisera les marchandises à entrer dans la bande de Gaza, tandis que le Hamas imposera apparemment le cessez-le-feu, pour l’instant, à tous les groupes terroristes.
Le statu quo dans lequel nous nous trouvons depuis 10 ans est maintenu : le gouvernement israélien autorise le transfert de fonds et autres concessions d’une valeur évaluée à plusieurs milliards pour soulager le règne du Hamas, et le Hamas en retour maintient le calme entre les manches du conflit.
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La seule incertitude, c’est la durée de ce cessez-le-feu. Et étant donné les résultats de cette mini-guerre, il semble peu probable qu’il dure cinq mois, et encore moins cinq ans, – ce que certains généraux israéliens considéreraient comme une victoire.
Photo prise le 20 mai 2021, depuis la ville de Metula dans le nord d’Israël, près de la frontière avec le Liban où flotte le drapeau israélien, avec en arrière-plan des gens à la périphérie du village de Kfarkila dans le sud du Liban, brandissant des drapeaux palestiniens, libanais et du Hezbollah, organisation soutenue par l’Iran. (Jalaa Marey / AFP)
Alors que les deux parties peuvent revendiquer certaines réalisations et certains échecs, les grands gagnants sont à moyen terme le Hamas, et à court terme le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Netanyahu, pour la simple raison que cette manche du conflit le maintient confortablement installé dans la résidence du Premier ministre rue Balfour.
Et le Hamas, parce qu’il est perçu dans le monde arabe et dans le paysage palestinien, bien que dans une moindre mesure dans la bande de Gaza elle-même, comme le vainqueur régional.
Des officiers de police du Hamas devant les décombres d’un bâtiment résidentiel détruit par des frappes aériennes israéliennes, à Beit Lahiya, dans la bande de Gaza, le 20 mai 2021. (Crédit : AP Photo/Adel Hana)
Et les grands perdants ? Ce sont, bien entendu, les citoyens de Gaza et d’Israël – depuis le sud d’Israël jusqu’à Tel Aviv et au-delà.
L’armée israélienne peut se targuer d’avoir obtenu d’importants succès tactiques – notamment d’avoir gravement endommagé le réseau de tunnels du « métro » du Hamas et les usines de production de roquettes du groupe terroriste de Gaza. Mais Tsahal n’est pas parvenu à réduire de manière significative le nombre de tirs de roquettes, ni à frapper les plus hauts dirigeants du Hamas, restés indemnes. Le nombre d’agents du Hamas tués au cours de ce conflit est aussi relativement faible. La plupart ont survécu aux bombardements aériens infligés par l’armée de l’air.
L’intérieur détruit d’une maison touchée par une roquette tirée depuis la bande de Gaza dans la ville d’Ashkelon, le 20 mai 2021. (Crédit : JACK GUEZ / AFP)
Sur le plan tactique, le Hamas n’a pas obtenu de succès significatifs. La plupart de ses roquettes, mais pas toutes, ont été interceptées ou ont raté leur cible, et ses efforts pour mener d’autres attaques, encore plus dévastatrices, ont échoué. Pourtant, le Hamas, qui a déclenché cette mini-guerre par son barrage de roquettes du 10 mai sur Jérusalem, a néanmoins obtenu des succès stratégiques qui dépassent ses propres espérances.
Il a provoqué l’ouverture de nouveaux fronts dans le conflit – des tirs de roquettes depuis le Liban, des émeutes en Cisjordanie et même quelques missiles de Syrie. De plus, le Hamas a réussi à créer l’illusion dans le monde entier qu’Israël était l’agresseur qui avait déclenché les combats. En réalité, le Hamas avait un objectif clair : décrédibiliser sérieusement le Fatah et l’Autorité palestinienne ; cette fois-ci, les Israéliens n’étaient qu’une cible secondaire.
Une manifestation pro-palestinienne dans le centre de Manhattan, dans le contexte de la flambée de violence entre Israël et Gaza, le 18 mai 2021. (Crédit : Angela Weiss / AFP)
Mais lorsque des Palestiniens ou des Musulmans attaquent des Juifs à New York et à Los Angeles, et que des villes mixtes juives-arabes en Israël s’enflamment, les chefs du Hamas ont sans aucun doute de quoi se réjouir. Quant aux maisons détruites, aux tas de gravats au centre de la ville de Gaza, ils savent que l’argent qatari et de l’ONU aidera à financer la reconstruction, et que le gouvernement de Netanyahu permettra à cet argent de continuer à circuler.
Cela nous amène à l’échec que cette manche du conflit a illustré – un échec perpétuel dont les conséquences ne cessent de croître.
La stratégie malavisée du gouvernement Netanyahu, dominante depuis une décennie, a transformé un groupe terroriste en un monstre militaire qui aspire dorénavant à rivaliser avec le Hezbollah et parvient systématiquement à embarrasser Israël. Cette politique contre-productive et irrationnelle participe à affaiblir le Fatah et l’Autorité palestinienne et à maintenir le Hamas intact, pour des raisons politiques – conserver la possibilité de prétendre qu’il n’y a pas de partenaire de négociations fiable.
Israël a empêché le transfert de fonds à l’Autorité palestinienne pour la forcer à interrompre le versement d’allocations aux familles de terroristes et de salaires aux terroristes en prisons en Israël, et ce, à juste titre. Mais en parallèle, Israël continue d’autoriser le transfert mensuel à Gaza de 30 millions de dollars en espèces provenant du Qatar, tout en sachant qu’il y a une forte probabilité qu’une partie de cet argent parvienne à la branche armée du Hamas. Il en va de même pour les biens à double emploi. Le ciment qu’Israël autorise à pénétrer à Gaza est ouvertement utilisé, entre autres, pour construire les tunnels du Hamas.
Des manifestants participent à une manifestation pro-israélienne au Koekamp, aux Pays-Bas, le 20 mai 2021, en partenariat avec Christians for Israel, pour exprimer leur solidarité avec Israël engagé dans un conflit avec les Palestiniens. (Crédit : Sem van der Wal / ANP / AFP)
D’un point de vue politique, en déclenchant ce cycle de conflit, le membre du Hamas Mohammad Deif et la branche armée du Hamas ont protégé Netanyahu de l’éviction par le gouvernement dit du « bloc du changement » qui prenait forme.
Et qu’est-ce que l’avenir nous réserve ? Il est difficile de l’anticiper, mais selon une source de haut rang du Hamas interrogée par le journal du Hezbollah Al-Akhbar, « l’organisation surveille de près les mouvements de l’ennemi à Jérusalem et dans le quartier de Sheikh Jarrah [où plusieurs familles palestiniennes risquent d’être expulsées]… et a conçu une stratégie qui impliquera le bombardement de l’entité israélienne en cas d’expulsion des habitants du quartier. »
Des habitants défilent lors des funérailles de Mohammad Kiwan, 17 ans, qui a succombé à ses blessures le 20 mai 2021, après avoir été abattu lors d’affrontements avec l’Armée israélienne la semaine dernière, dans la ville à majorité arabe d’Umm al-Fahm dans le nord d’Israël. (Ahmad Gharabli / AFP)
Ce genre de déclaration semble suggérer que l’appétit du Hamas n’a pas été rassasié. Et il se pourrait bien qu’au prétexte de telle ou telle action d’Israël à Jérusalem, l’envie prenne soudain le Hamas de tirer à nouveau des roquettes, ou de permettre à l’une des autres organisations terroristes de Gaza de le faire. C’est l’ancienne nouvelle réalité en pleine détérioration où nous nous trouvons désormais, alors qu’un nouveau cessez-le-feu entre en vigueur.