Le Hezbollah a tué son fils : Aujourd’hui, il poursuit l’Iran – pour lui et 46 autres victimes américaines
Ce mois-ci, la famille Balva et l'avocat américain Jonathan Missner ont porté plainte contre la république islamique qui a financé le groupe terroriste responsable de la mort du sergent Omer Balva, un citoyen américain
Eyal Balva se rend dans la zone dédiée aux soldats morts au combat du cimetière de Herzliya au moins une fois par semaine. Il s’assied sur la tombe de son fils, Omer, et il lui parle.
Le sergent de première classe Omer Balva avait perdu la vie le 20 octobre 2023 – il avait été tué par un missile antichar. Ce réserviste était stationné à Netua, un moshav du nord d’Israël situé à un peu plus de trois kilomètres de la frontière libanaise. Il venait tout juste de rejoindre son unité quand il est mort. Il n’avait que 22 ans.
« Nous étions très proches. Nous n’étions pas seulement père et fils, nous étions des amis. Je lui ai toujours fait la promesse que je continuerai à me battre pour lui, que je lui donnerai des raisons d’être fier », explique Balva au cours d’un entretien en visioconférence accordé au Times of Israel depuis son appartement du Maryland – la famille partage son temps entre les États-Unis et Israël, où elle possède une habitation. Derrière lui, un portrait d’Omer, dont le visage est heureux.
Balva et Sigalit, son épouse, figurent parmi les dizaines de personnes qui poursuivent actuellement l’Iran devant la justice au nom de leurs proches, civils ou militaires, qui ont été blessés ou tués pendant le pogrom commis, le 7 octobre 2023, par le Hamas dans le sud d’Israël. Ils avaient tous en commun d’être des ressortissants américains.
En ce Shabbat noir, plus de 1 200 hommes, femmes et enfants avaient été massacrés et 251 personnes avaient été kidnappées, prises en otage dans la bande de Gaza. Dans les conflits qui ont suivi sur plusieurs fronts – notamment contre le Hamas à Gaza et contre le Hezbollah, dans le nord – 46 civils et 458 militaires israéliens, soldats et réservistes, ont perdu la vie.
La plainte, qui a été déposée le 17 novembre devant la Cour du district de Columbia, entre dans le détail du financement du Hamas par Téhéran et elle explore les liens entretenus par l’Iran avec d’autres organisations terroristes, qu’il s’agisse du Hezbollah, du Jihad islamique palestinien ou du Front populaire de libération de la Palestine. La plainte s’appuie en grande partie sur des documents qui ont été saisis à Gaza, des fichiers que le Times of Israel a été en mesure de consulter.
Mais derrière le langage bureaucratique et compliqué de la plainte, derrière les pièces jointes, il y a les 47 plaignants – des mères et des pères, des sœurs et des frères, des fils et des filles – qui, chacun, ont pris la peine de signer le document tout en étant parfaitement conscient des nombreux obstacles qui restent à franchir pour que justice soit rendue. Pour Balva, savoir que c’est son ami proche Jonathan Missner — avocat au sein du cabinet Stein Mitchell Beato & Missner — qui le représentera rend ce parcours du combattant un petit peu plus facile.
« Je ne sais pas si j’aurais pu faire ça sans Jon. Il était comme un père pour Omer. Je sais que ça va être très dur – mais je dois le faire en mémoire d’Omer. Le terrorisme doit rendre des comptes », s’exclame Balva.
Le fils de Missner, Ethan, et Omer étaient inséparables depuis leur première rencontre à l’âge de cinq ans, explique l’avocat.
« Omer Balva était un jeune homme remarquable dont le cœur n’était qu’amour et qui avait beaucoup d’humour. Mon fils pense qu’il était un ange qui avait été envoyé sur terre pour y accomplir une mission. Il s’était porté volontaire avec dévouement pour des missions dangereuses qui visaient à défendre Israël et le peuple juif et il a été assassiné par le Hezbollah. Aucun dossier ne m’a jamais paru plus intime et plus important que celui-ci parmi tous ceux sur lesquels j’ai travaillé », indique Missner.
Le cabinet de Missner représente vingt plaignants dans le cadre de ces poursuites – il y a notamment la famille Balva et Yechiel Leiter, qui vient tout juste d’être nommé ambassadeur israélien aux États-Unis. Le fils de Leiter, Moshe Leiter, un père de six enfants âgé de 39 ans, a trouvé la mort dans le nord de la bande de Gaza dans l’exercice de son devoir de réserve. La firme a mis en commun ses ressources et ses clients avec le co-conseil des cabinets Jenner & Block LLP et Osen LLC.
Des dommages et intérêts « standard » pour les attentats terroristes
S’il est très difficile de gagner dans des dossiers tels que celui-là, une victoire reste possible, selon Missner.
En 2021, une cour fédérale de Washington avait statué que l’Iran et la Syrie devaient être tenus pour responsables des atteintes faites aux quatre enfants d’Eitam et Naama Henkin, un couple israélo-américain qui avait été abattu par des terroristes du Hamas qui avaient ouvert le feu à bout portant devant la fratrie en Cisjordanie, en 2015.
Missner, qui avait représenté devant les juges les enfants Henkin, dit penser que cette affaire pourra servir de modèle pour la nouvelle plainte.
Dans les affaires ordinaires de terrorisme, les victimes directes – tuées ou blessés – subissent des atteintes dans un lieu précis, que ce soit, par exemple, à bord d’un avion ou à l’intérieur d’un restaurant, fait remarquer Missner. Leurs proches – époux, parents, frères et sœurs ou enfants – se trouvent pour leur part ailleurs.
Et dans cette mesure, les tribunaux accordent généralement des dommages et intérêts aux membres de la famille proche, de l’argent qui vient indemniser la souffrance entraînée par la disparition d’un être cher, ou le chagrin de vivre avec quelqu’un qui a été blessé et atteint dans sa chair. Au fil du temps, les cours de justice américaines ont établi des « normes » s’agissant de ces dommages et intérêts – avec des sommes de huit millions de dollars qui sont versées aux époux, de cinq millions de dollars pour les parents et pour les enfants des victimes et de 2,5 millions de dollars pour les frères et sœurs, note Missner.
Dans l’affaire Henkin, les juges ont versé dix millions de dollars aux enfants. Un montant qui reflète à la fois la douleur de vivre en l’absence de leurs parents et également le fait qu’ils ont assisté à leur assassinat, dit Missner.
« Un certain nombre de victimes du 7 octobre – dans notre cas et dans d’autres – étaient là quand leurs êtres chers ont été exécutés, blessés ou kidnappés. Les dommages et intérêts doivent tenir compte non seulement du chagrin, de la culpabilité qui résultent du fait de continuer à vivre après le massacre, mais aussi du fait que les personnes concernées ont vécu, en temps réel, les horreurs de l’attaque », continue Missner, qui est également membre du conseil d’administration de l’Israel Economic Forum.
Plusieurs semaines avant sa mort, Omer Balva avait passé des vacances aux États-Unis – en Californie, tout d’abord, en compagnie de ses parents, de ses frères et sœurs et de sa petite amie. Ensuite, il était allé dans le Maryland – il était né là-bas et il y avait vécu jusqu’à la fin de ses études à la Charles E. Smith Jewish Day School.
Omer séjournait dans la famille Missner, dans le Maryland, quand il avait appris que les terroristes du Hamas avaient franchi la frontière israélienne par voie terrestre, par voie maritime et par voie aérienne. Après avoir appris que quatre de ses soldats avaient perdu la vie dans le pogrom, Omer était déterminé à rentrer en Israël.
« Il m’appelait toutes les deux heures pour que je lui trouve une place dans l’avion », se souvient son père. Lui et le reste de la famille étaient d’ores et déjà revenus au sein de l’État juif.
La nuit qui avait précédé son départ des États-Unis, lui et Ethan avaient rempli un sac de sport de matériel en direction de son unité – genouillères, coudières, protège-oreilles, tout ce à quoi ils avaient pu penser. Le jeune homme avait enfin fait son retour en Israël le 15 octobre. Le 17, lui et son père étaient montés vers le nord du pays en voiture – un trajet de trois heures. Balva avait tenté de trouver du réconfort dans l’idée qu’Omer serait stationné dans le nord du pays à un moment où les combats se concentraient largement à Gaza et aux abords directs de l’enclave côtière. Le jeune sergent avait été tué trois jours plus tard.
« Quand j’ai entendu sonner à la porte, j’ai dit à mon épouse : ‘Ils sont là pour nous parler d’Omer’. Et quand j’ai ouvert la porte, j’ai dit : ‘Dites-moi qu’il n’est que blessé’. Je savais très bien que l’armée ne vient pas à votre domicile pour vous annoncer que quelqu’un a été simplement blessé – et pourtant, je voulais tellement qu’ils me le disent », raconte Balva.
L’Iran, la tête de l’hydre
Ce n’est pas la première fois que des citoyens américains poursuivent l’Iran pour avoir orchestré des attentats terroristes. Et même si la république islamique n’est jamais venue se défendre devant les tribunaux, les plaignants l’emportent souvent, avec des magistrats qui prononcent des jugements par défaut.
L’action en justice actuelle vise à obtenir des dommages et intérêts compensatoires en vertu de la loi sur les immunités des États étrangers (FSIA) et de la loi antiterroriste, ainsi que des dommages et intérêts punitifs en vertu de la FSIA et de la loi sur la sécurité sociale et l’assistance aux victimes.
Les paiements seront effectués à partir des avoirs saisis ou gelés qui ont été déposés auprès du Fonds américain d’aide aux victimes du terrorisme d’État. Un « maître » particulier est chargé d’administrer ce fonds, déterminant également l’éligibilité à une indemnisation et le montant de cette dernière.
Dans ce dossier, une partie de la stratégie sera de trouver l’empreinte financière de l’Iran dans les fonds dont le Hamas a bénéficié, et de déterminer les relations entretenues entre la république islamique et les dirigeants de l’organisation terroriste, explique Missner.
« Les institutions financières qui aident et qui encouragent le terrorisme ne se distinguent pas des criminels qui planifient et qui commettent d’éventuels attentats. En fait, nous avons déjà vécu quelque chose de similaire dans le cadre de nombreuses affaires – comme dans notre enquête sur les banques suisses qui avaient apporté un soutien financier aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et qui avaient même conservé une partie de cet argent nazi jusqu’à il y a quelques années », fait remarquer Missner.
Dans le dossier actuel, plusieurs pièces jointes qui accompagnent la plainte de 103 pages font état, dans le détail, de versements à hauteur d’un million, de deux millions et de trois millions de dollars de la part de l’Iran à des dirigeants du Hamas – figurent parmi eux Yahya Sinwar, Ismail Haniyeh, et Marwan Issa – entre 2014 et 2020. La plainte évoque également « le grand projet » – la formule qui était utilisée par le Hamas pour faire référence au pogrom du 7 octobre.
« Le Hamas préparait le ‘grand projet’ de Sinwar – une attaque sur plusieurs fronts, coordonnée avec le Hezbollah avec et le CGRI-FQ, pour anéantir l’État d’Israël », établit la plainte. À cette fin, le Hamas avait organisé une conférence à Gaza le 30 septembre 2021 qui était intitulée « Assurer la fin des temps – la Palestine après la libération, » ajoute-t-elle.
Même s’il faudra du temps pour que la justice se prononce dans ce dossier, Balva déclare être convaincu qu’Omer insisterait pour que son père défie l’Iran devant les tribunaux.
« Nous devons le faire pour améliorer le monde et en souvenir de lui », dit-il.
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