Le nouveau satellite iranien, un défi de taille pour Israël, les USA et leurs alliés
Présenté comme destiné à l'agriculture et à la gestion de l'eau, Khayyam peut surveiller des sites en Israël et au Moyen-Orient ; loin encore des capacités d’espionnage américaines
Un nouveau satellite iranien disposant de capacités de surveillance constitue un sérieux problème pour Israël en raison de sa capacité à surveiller les sites sensibles du pays et à prendre des photos haute résolution d’objets au sol, ont averti des experts.
Le satellite Khayyam, construit et lancé par la Russie pour le compte de l’Iran, a été mis en orbite mardi depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, contrôlé par la Russie.
Quelques heures plus tard, les médias iraniens ont rapporté la réception de la première télémétrie du vaisseau spatial.
L’Agence spatiale iranienne a déclaré que le satellite serait utilisé pour l’agriculture et la gestion des ressources en eau, et l’ambassade de Russie à Téhéran a indiqué que le vaisseau spatial avait été conçu à des fins non militaires, indiquait le New York Times mardi.
Mais pour les experts occidentaux, il ne fait aucun doute que le satellite a été conçu à des fins d’espionnage.
« C’est une véritable révolution pour l’Iran : pour la première fois, un Iranien possède et exploite un satellite d’imagerie à haute résolution, bien meilleure que celle dont il disposait jusqu’à présent », a déclaré Tal Inbar, chercheur principal à la Missile Defense Advocacy Alliance, une organisation américaine non partisane, au New York Times.
Selon Inbar, les capacités d’imagerie du satellite représenteront un défi important pour Israël, qui utilise lui-même cette technologie depuis longtemps.
« Désormais, l’Iran sera en mesure de recueillir des renseignement beaucoup plus précis pour les opérations militaires de ses forces ainsi que pour les organisations qu’il soutient », a déclaré Inbar, précisant que cela inclut les opérations en temps réel menées par l’Iran ou l’une des milices qu’il soutient.
« Il s’agit d’une réduction significative de l’écart technologique entre l’Iran, Israël et les États-Unis », a ajouté M. Inbar.
Khayyam was name of the renowned Iranian polymath and poet #Iran
Now this 600 kg satellite is named after him. It was launched to space today morning with the help of Russia pic.twitter.com/5o6upUK2Gp
— Soureh 2 ???????????????? (@Soureh_design2) August 9, 2022
Bien que l’agence spatiale iranienne affirme que Khayyam est conçu pour être utilisé à des fins internes et pacifiques, le Times rapporte que des analystes liés au Corps des gardiens de la révolution islamique se sont vantés sur les réseaux sociaux de pouvoir surveiller les bases militaires américaines et Israël.
Bien que l’Iran ait réussi par le passé à lancer de petits satellites de moins de 50 kilogrammes, Khayyam pèse près d’une demi-tonne.
Une surveillance continue
La semaine dernière, deux responsables occidentaux de la sécurité ont déclaré au Washington Post que le satellite avait une résolution de 1,2 mètre, ce qui signifie qu’il peut photographier des objets d’au moins cette taille.
C’est une amélioration significative par rapport aux capacités existantes de l’Iran, mais cela reste loin des capacités des satellites d’espionnage américains ou des fournisseurs commerciaux d’imagerie satellitaire haut de gamme, ont-ils ajouté.
Mais le plus grand avantage pour l’Iran est sans doute la possibilité d’utiliser le satellite pour contrôler certains sites en continu, notamment des sites militaires en Israël ou d’autres infrastructures clés dans les États du Golfe, ont déclaré les responsables sous couvert d’anonymat, car ils n’étaient pas autorisés à parler de ce sujet.
Selon les experts, l’Iran pourra également partager les informations recueillies avec les groupes terroristes qu’il soutient, comme le Hezbollah au Liban.
Richard Goldberg, ancien analyste de l’Iran au sein du Conseil national de sécurité de l’administration Trump et qui est désormais conseiller principal pour le think tank basé à Washington, la Foundation for Defense of Democracies, a déclaré au Washington Post que le satellite constituait un danger « clair et immédiat » pour les États-Unis et leurs alliés.
« À mesure que l’Iran perfectionne son arsenal de missiles – des missiles à courte, moyenne et longue portée, parallèlement à sa capacité croissante de drones dans tout le Moyen-Orient – le fait de pouvoir synchroniser ces capacités avec celle des satellites et de la surveillance ne fera que renforcer le caractère létal de la menace iranienne », a déclaré M. Goldberg.
Cependant, le premier travail de Khayyam ne sera peut-être pas d’espionner Israël, mais l’Ukraine.
Les responsables occidentaux de la sécurité ont déclaré au Post que la Russie avait l’intention d’utiliser le satellite iranien Khayyam pour faciliter la poursuite de son invasion du territoire de son voisin, lancée en février et qui s’est heurtée à une farouche résistance ukrainienne.
Moscou compte utiliser le satellite pendant plusieurs mois afin de surveiller des cibles militaires, ont précisé les deux responsables.
L’ambassade de Russie à Washington a refusé de commenter leurs affirmations, précise le Post. Les responsables de l’administration américaine n’ont pas non plus voulu commenter l’utilisation éventuelle du satellite par la Russie contre l’Ukraine.
Premiers signaux reçus
L’agence de presse iranienne Fars a annoncé mardi que les premières données ont été reçues du satellite.
Selon Fars, le satellite est en orbite à 500 kilomètres au-dessus de la Terre et enverra des images quatre fois par jour.
Le ministre iranien des Communications et des Technologies de l’information, Issa Zarepour, qui était au Kazakhstan pour assister au lancement, a déclaré que le lancement du satellite par une fusée russe « marque le début de la coopération stratégique entre l’Iran et la Russie dans le domaine spatial ».
Zarepour a ajouté que son pays continuera également à travailler au développement de ses propres capacités de lancement.
En juin, l’Agence spatiale iranienne a déclaré que sept autres satellites étaient prévus, selon Fars.
Bien que ce lancement soit perçu comme un exemple de coopération accrue entre l’Iran et la Russie, alors même que Moscou se trouve isolé sur la scène internationale en raison de son invasion de l’Ukraine, l’accord relatif au projet de satellite a été négocié il y a quatre ans.
L’isolement international de Moscou s’accroît sous le poids des sanctions occidentales imposées aux suites de son invasion de l’Ukraine, le Kremlin cherche à présent à faire pivoter la Russie vers le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique afin d’y trouver de nouveaux clients pour le programme spatial en difficulté du pays.
Le président russe Vladimir Poutine a rencontré son homologue iranien Ebrahim Raissi et le guide suprême Ayatollah Ali Khamenei à Téhéran le mois dernier – l’un de ses rares voyages à l’étranger depuis le début de l’invasion.
Selon les États-Unis, l’Iran aurait proposé de vendre des drones à la Russie en vue de leur utilisation en Ukraine.
Un responsable américain anonyme a déclaré mardi à CNN que Washington soupçonne les forces russes d’avoir commencé une formation en Iran pour apprendre à utiliser les drones de combat fabriqués par la République islamique.
Khayyam, qui doit son nom au polymathe perse du XIe siècle Omar Khayyam, n’est pas le premier satellite iranien que la Russie envoie dans l’espace. En 2005, le satellite iranien Sina-1 avait été envoyé dans l’espace depuis le cosmodrome russe de Plesetsk.
Le premier lancement réussi d’un satellite par l’Iran remonte à 2009, mais ces dernières décennies, environ 67 % des lancements sur orbite ont échoué. D’autres agences spatiales dans le monde ont un taux d’échec de 5 %, selon le New York Times.
Les gouvernements occidentaux s’inquiètent du fait que les systèmes de lancement de satellites intègrent des technologies interchangeables avec celles utilisées pour les missiles balistiques capables de transporter une ogive nucléaire, ce que l’Iran a toujours nié vouloir construire.
En avril 2020, l’Iran avait réussi à mettre en orbite son premier satellite militaire, ce qui lui avait valu une vive réprimande de la part des États-Unis.