Le projet de la loi Deri passe sa première lecture
Le bloc de Netanyahu a fait passer des lois cruciales pour ses accords de coalition ; Gideon Saar a tenté de gagner du temps en faisant un discours de 3 heures

Un projet de loi très controversé posé comme condition politique préalable à la finalisation du gouvernement mené par le leader du Likud, Benjamin Netanyahu, a passé sa première lecture.
Exigée par les partenaires d’extrême-droite et ultra-orthodoxes du Likud, la législation ouvrira la voie à un chef de parti condamné à une peine avec sursis – Aryeh Deri du Shas – pour diriger trois ministères, et permettra à un membre du parti HaTzionout HaDatit, probable chef de parti Bezalel Smotrich, de devenir un ministre indépendant au sein du ministère de la Défense, en charge des constructions en Cisjordanie.
Le projet de loi a été adopté peu après minuit dans la nuit de jeudi à vendredi par un vote de 63 voix pour et 52 contre. Il retournera en commission avant d’être approuvé pour ses deuxième et troisième lectures, souvent menées de front. Après avoir passé leur troisième lecture, les projets de loi deviennent des lois.
Les deux projets de loi destinés à Smotrich et Deri ont été fusionnés mercredi. Il faut le soutien de 61 législateurs sur les 120 membres de la Knesset puisqu’il s’agit d’une modification de la Loi fondamentale quasi-constitutionnelle d’Israël : le gouvernement.
Deux autres projets de loi demandés par les législateurs de la coalition entrante seront votés dans les prochains jours. L’un élargira l’autorité du ministre de la Sécurité nationale, qui sera le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, sur les forces de police, et l’autre vise à empêcher la rébellion des députés qui décident de rompre avec leur faction parlementaire en imposant des sanctions.
La nouvelle coalition a élu Yariv Levin au poste de président de la Knesset mardi, ce qui constitue une première étape cruciale pour permettre à la nouvelle coalition de contrôler l’ordre du jour des votes, et a obtenu des votes préliminaires sur les projets de loi le même jour.
La probable coalition entrante souhaite que les projets de loi soient adoptés avant que le gouvernement ne prête serment, Netanyahu ayant jusqu’au 21 décembre pour former son gouvernement.
Le ministre sortant de la Justice, Gideon Saar, a retardé le vote jeudi soir en prenant la parole à la tribune de la Knesset pendant plus de trois heures.
« Jusqu’où irons-nous après cela ? Quelles seront les prochaines étapes ? Allons-nous présenter une loi qui dit que toute personne qui n’a pas été condamné à la prison à vie peut être ministre ? », a demandé Saar.

Il a critiqué la coalition entrante pour avoir donné la priorité à ces projets de loi avant toute autre chose.
« C’est une législation honteuse. Vous auriez pu présenter quelque chose en rapport avec le coût de la vie, en rapport avec la sécurité individuelle. Mais au lieu de cela, vous avez choisi de gaspiller l’importante confiance du public, que vous avez obtenue lors des élections, sur cette législation honteuse. »
Outre le Likud, les trois partis d’extrême-droite et les deux partis ultra-orthodoxes, qui sont sur le point de former le gouvernement le plus conservateur d’Israël à ce jour, se sont alignés pour soutenir les projets de loi. Les ministres de l’opposition ont prévenu que ces projets de loi mettent en danger la démocratie et la sécurité, tout en subvertissant le système juridique.
La nomination d’un ministre indépendant chargé de la politique de construction en Cisjordanie au sein du ministère de la Défense nécessite de modifier l’une des lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël, qui, malgré leur statut élevé, peuvent être facilement modifiées par l’adoption d’un projet de loi avec le soutien d’une majorité absolue de députés.
Smotrich, qui devrait occuper le poste nouvellement créé au sein du ministère de la Défense, est un fervent partisan des implantations et de l’annexion des terres de Cisjordanie. Ce projet de loi créera pour la première fois un mécanisme permanent de deux ministres au sein d’un seul ministère.

Le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a déclaré jeudi que si elle était adoptée, la législation exigée par Smotrich « briserait » les chaînes de commandement de l’armée et entraînerait une « baisse de sécurité ».
S’adressant à la commission spéciale formée pour préparer le projet de loi, Gantz a déclaré que le changement du système de commandement actuel par la création d’un second ministre au sein du ministère de la Défense, chargé des questions liées à la défense, créerait des « ruptures ».
« Ce système de commandement sait comment faire face à un besoin opérationnel concret et un système de balance est nécessaire. Lorsque vous violez le système de stabilité, vous risquez de bouleverser l’équilibre ce qui portera atteinte à la stabilité dont il a besoin », a déclaré le ministre sortant de la Défense à la commission.
Outre les préoccupations soulevées par Gantz et les futurs législateurs de l’opposition – qui sont d’anciens responsables de la sécurité – le projet de loi a également fait l’objet de critiques de la part de conseillers juridiques qui ont déclaré qu’il ne délimite pas clairement les responsabilités qui incomberont au ministre indépendant au sein du ministère de la Défense.
Les critiques ont également affirmé que le fait de confier à un ministre ultra-nationaliste la construction d’implantations juives en Cisjordanie pourrait créer une situation proche de l’annexion. S’adressant à Smotrich, Gantz a déclaré que l’annexion de facto serait pire que l’annexion formelle, et a mis au défi le nouveau ministre de forcer Israël à sortir de ses limbes en Cisjordanie.

Dans le cadre d’une autre modification potentielle de la Loi fondamentale, le plénum a voté pour faire avancer la législation afin de permettre au leader du Shas, Aryeh Deri, d’occuper ses postes prévus de ministre de l’Intérieur et de la Santé, et plus tard au cours du mandat de la Knesset, de ministre des Finances, malgré sa récente condamnation avec sursis pour fraude fiscale.
La loi actuelle interdit à une personne d’occuper un poste de ministre si elle a été condamnée à une peine de prison au cours des sept dernières années. Il n’est pas précisé si cela s’applique uniquement aux peines de prison ferme ou également aux peines avec sursis, et la Procureure générale a recommandé que le chef de la commission centrale électorale se prononce sur la question.
En vertu de la loi actuelle, Deri devrait faire appel à la commission centrale électorale pour décider si ses délits fiscaux comportent une turpitude morale, ce qui déterminerait s’il peut aussi rapidement reprendre des fonctions ministérielles. Le nouveau projet de loi vise à priver la commission centrale électorale du pouvoir de bloquer Deri.