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Les 80 ans du débarquement en Provence : un tournant mal connu de la guerre

Si le débarquement en Provence reste dans l'ombre de la mémoire du D-Day en Normandie, il a été indispensable à l'effort de guerre des Alliés et à la libération de la France

Cette photographie prise à Saint-Tropez, dans le sud-est de la France, en août 1944, montre les troupes alliées débarquant sur la côte provençale lors de l'opération « Dragoon », surprenant l'occupant allemand et le forçant à battre en retraite. (Photo AFP)
Cette photographie prise à Saint-Tropez, dans le sud-est de la France, en août 1944, montre les troupes alliées débarquant sur la côte provençale lors de l'opération « Dragoon », surprenant l'occupant allemand et le forçant à battre en retraite. (Photo AFP)

Malgré son importance militaire et politique pour la Libération de la France lors de la Seconde Guerre mondiale, le débarquement allié en Provence, dont le 80ème anniversaire sera célébré jeudi, reste marginal dans l’imaginaire collectif et quasiment absent des manuels d’histoire.

Moins épique, il est resté dans l’ombre du D-Day normand, expliquent à l’AFP Jean-Marie Guillon, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, et Rémi Commin, médiateur culturel au Mémorial du débarquement et de la libération de Provence à Toulon.

Moins symbolique

D’abord prévu en même temps que le Débarquement en Normandie, celui de Provence a finalement été décalé pour des raisons logistiques : les Alliés n’avaient pas assez de navires et les troupes prévues pour la Provence bataillaient encore en Italie début juin 1944.

Décalé dans le temps, le débarquement de Provence a perdu en importance stratégique, en puissance symbolique et même en partie en héroïsme.

En août 1944, le moral des troupes allemandes était affecté. Celles positionnées en Provence manquaient de blindés ou de couverture aérienne et étaient souvent composées d’anciens soldats soviétiques faits prisonniers par le régime nazi et ré-enrôlés, moins bien armés et peu motivés. Dans le massif des Maures (dans le sud-est de la France), les Alliés ont ainsi affronté des régiments arméniens.

Cette photo prise à Toulon, dans le sud-est de la France, le 5 août 2024, montre un visiteur regardant un écran vidéo projetant des documents historiques expliquant le débarquement de Provence au mémorial du Mont-Faron. Le mémorial du Mont-Faron, dédié au Débarquement et à la libération de la Provence, accueillera les commémorations du 80ème anniversaire du débarquement le 15 août 2024. (Photo de CLEMENT MAHOUDEAU/AFP)

Moins traumatisant

Le 15 août, les Alliés ont perdu un millier d’hommes (tués, disparus ou blessés) en Provence, pour la plupart à cause d’accidents. C’est dix fois moins que le 6 juin en Normandie.

Marqués par les combats intenses dans le bocage normand, les Alliés s’étaient donné deux mois pour reconquérir la Provence.

Mais grâce à un gros travail de renseignement en amont, à un rapport de forces plus en leur faveur et à l’appui de la Résistance, ils ont mis deux semaines, sans bataille épique à commémorer, même si certains combats ont été très violents.

De plus, la plupart des soldats débarqués en Normandie y ont connu un baptême du feu, alors que la Provence n’a été qu’une bataille parmi d’autres pour des troupes qui avaient déjà combattu en Afrique du Nord ou en Italie.

Moins hollywoodien

Du « Jour le plus long » en 1962 à « Il faut sauver le soldat Ryan » en 1998, les États-Unis ont mobilisé leurs plus grandes stars du cinéma pour magnifier la mémoire des soldats débarqués en Normandie. Et les quelques films sur la libération de Marseille sont restés loin du « Paris brûle-t-il ? » de René Clément en 1966.

Le premier film consacré au débarquement de Provence a été un documentaire en 2014. Et si « Indigènes » de Rachid Bouchareb a mis les troupes coloniales en lumière en 2006, leur passage en Provence y est fugace.

Les lieux de mémoire ne sont pas non plus à la même échelle : quand les plages de Normandie et le vaste mémorial de Caen accueillent chaque année des centaines de milliers de visiteurs, celui de Toulon, difficile d’accès dans les hauteurs, voit défiler 35 à 40 000 curieux par an.

La ville et le port militaire de Toulon sont vus depuis le mémorial du Mont-Faron, à Toulon, dans le sud-est de la France, le 5 août 2024. Le mémorial du Mont-Faron, dédié au Débarquement et à la libération de la Provence, accueillera les commémorations du 80ème anniversaire du Débarquement de Provence le 15 août 2024. (Photo de CLEMENT MAHOUDEAU/AFP)

Un 15 août à Saint-Tropez ?

La volonté des autorités françaises de célébrer le débarquement et la libération de la Provence a peu à peu été confrontée à la réalité d’un 15 août sur la Côte d’Azur. À partir des années 1970, les plages de ce débarquement n’ont pas résisté à l’assaut du tourisme de masse, peu propice aux commémorations.

Si les scolaires ont souvent participé de multiples manières à celles de juin en Normandie, il a toujours été difficile d’intéresser une France en vacances.

Et pourtant…

Sans le débarquement en Provence, Marseille, Toulon et les Alpes auraient probablement dû attendre le printemps 1945 pour se défaire du joug allemand, comme cela a été le cas pour le nord-est de l’Italie.

Comme les ports atlantiques étaient inexploitables, Marseille a joué un grand rôle dans la marche vers Berlin : fin 1944, plus de 42 % du matériel nécessaire aux armées alliées y a transité.

Et alors que les soldats français n’ont eu qu’un rôle symbolique en Normandie, leur présence massive (250 000 sur les 350 000 engagés) en Provence, associée à leur rôle antérieur en Italie ou ultérieur en Alsace, a permis à la France de s’imposer à la table des vainqueurs.

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