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Les États-Unis tirent la sonnette d’alarme face à une loi du Likud sur les ONG

Le département d'État a fustigé une loi visant les groupes de défense des droits de l'Homme financés par les gouvernements étrangers et qui mettrait en danger leurs ressources

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Une bannière Breaking the Silence devant la base militaire de Kirya, à Tel Aviv, le 1er juillet 2017. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
Une bannière Breaking the Silence devant la base militaire de Kirya, à Tel Aviv, le 1er juillet 2017. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

WASHINGTON — L’administration américaine du président Joe Biden s’est insurgée mercredi contre un projet de loi de la coalition qui limiterait de manière significative les capacités des groupes issus de la société civile à accepter des dons de la part de gouvernements étrangers.

La législation, rédigée par Ariel Kallner, du Likud, devrait être présentée à l’importante Commission ministérielle des Lois à la Knesset dans la journée de dimanche.

Elle établit que les organisations à but non-lucratif s’engageant dans des activités en lien avec la défense des intérêts publics, deux ans avant ou après avoir reçu un don d’un gouvernement étranger, perdront leur statut d’institutions publiques et qu’elles ne seront plus éligibles à des exemptions d’impôts. De plus, ces groupes seront soumis à un impôt sur le revenu à hauteur de 65 %.

Ce projet de loi devrait considérablement affaiblir les capacités des organisations de défense des droits de l’Homme à travailler en Israël et en Cisjordanie dans la mesure où un grand nombre d’entre elles s’appuient sur des dons octroyés par les gouvernements étrangers.

Cela fait longtemps que les organisations de défense des droits de l’Homme israéliennes – des groupes comme BTselem, Breaking the Silence ou le New Israel Fund — sont prises pour cible par la droite israélienne, voire par le centre de l’échiquier politique, parce qu’elles exposent les violations présumées faites aux droits de l’Homme qui peuvent être commises contre les Palestiniens.

Mais la manière dont les députés de droite ont cherché à critiquer ces groupes, largement de gauche, a été de mettre en exergue leurs sources de financement, affirmant qu’il s’agissait d’une interférence dans les affaires intérieures israéliennes.

L’affiche de Breaking the Silence placée au-dessus de l’autoroute entre l’aéroport international Ben Gurion et Tel Aviv, visant à attirer l’attention des touristes arrivant pour l’Eurovision 2019. (Avec l’aimable autorisation de Breaking the Silence)

Les activistes de gauche, pour leur part, soulignent que les groupes de droite issus de la société civile obtiennent, eux aussi, des fonds auprès d’investisseurs étrangers. Des donateurs qui peuvent intervenir à titre privé, non au nom d’un pays, mais l’argent est souvent transféré avec une transparence beaucoup moins importante, disent les militants de gauche. Israël finance aussi des groupes de la société civile hors de ses frontières sur la base de motivations politiques variées.

Un tel projet de loi avait déjà été proposé dans le passé mais n’avait jamais été approuvé, suite à l’indignation qu’il avait suscité à l’international.

La législation semble avoir aujourd’hui plus de chances d’être adoptée au vu de la coalition rassemblée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui regroupe des partis pro-implantations de la ligne dure. Le Likud du chef du gouvernement avait promis de faire approuver ce texte de loi dans l’accord qu’il avait conclu avec le parti d’extrême-droite Otzma Yehudit lors de la formation de la majorité au pouvoir.

Alors qu’il était interrogé, mercredi, sur la législation pendant un point-presse, le porte-parole du département d’État américain Matthew Miller a déclaré que « je ne vais pas spéculer sur des choses qui ne sont pas encore définitives. Tout ce que je peux dire, c’est qu’en règle générale, les États-Unis apportent un vif soutien au rôle essentiel qui est tenu par les ONG qui font partie de la société civile ».

« Nous pensons qu’elles se montrent critiques de gouvernements transparents, démocratiques et réactifs et nous avons la conviction ferme que la société civile doit bénéficier des opportunités et de l’espace nécessaires pour mener ses activités et pour collecter des ressources dans le monde entier », a ajouté Miller.

Le texte de loi viendrait aussi compliquer de manière significative une législation bipartisane qui avait été approuvée en 2020 au Congrès, la Middle East Partnership for Peace Act. La MEPPA avait alloué 250 millions de dollars de financement aux organisations prônant la coexistence qui font la promotion du dialogue israélo-palestinien et du développement commercial palestinien.

Un soldat en congé avec une chemise enveloppant son visage et un masque ouvre le feu vers le village d’Urif depuis l’implantation de Yitzhar, le 14 mai 2021. (Crédit : B’Tselem)

L’administration Biden avait estimé que cette loi était déterminante de manière à créer les conditions nécessaires, sur le terrain, à un futur accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. Mais si le texte de Kallner est adopté, les organisations bénéficiant d’une subvention dans le cadre de la MEPPA devront transférer une grande partie de cet argent au gouvernement israélien.

L’ambassade française en Israël est elle aussi intervenue dans le débat, mercredi, notant qu’elle avait d’ores et déjà fait part de son inquiétude suite à une décision prise, en 2021, par le gouvernement israélien de classer dans la liste des organisations terroristes six groupes palestiniens de défense des droits de l’Homme. Elle a déclaré qu’elle considérait le projet de loi actuel comme un prolongement des efforts livrés pour prendre directement pour cible les sociétés civiles israéliennes et palestiniennes.

La législation écrite par Kallner « est profondément et tout aussi inquiétante. Nous réaffirmons notre attachement au rôle important qui est tenu par la société civile dans la vie de toutes les démocraties, en Israël et dans le monde entier », a indiqué l’ambassade. « Il est de la responsabilité des États de créer et de maintenir un espace, un environnement qui puissent leur permettre de faire leur travail, parce qu’une société civile vibrante est susceptible d’apporter la culture de la paix et de la diversité ».

Le New Israel Fund, organisation-cadre qui rassemble et finance des dizaines d’organisations progressistes issues de la société civile qui travaillent en Israël et en Cisjordanie, a condamné en des termes forts le projet de loi, le qualifiant « d’étape suivante » dans le projet de réforme du système de la justice israélien avancé par le gouvernement.

Daniel Sokatch, directeur-général du New Israel Fund à son bureau de Jérusalem, le 4 juin 2015. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

« Netanyahu et son gouvernement d’extrémistes veulent taxer la société civile et la mettre hors-jeu – en particulier les organisations qui œuvrent à défendre les droits des plus marginalisés en Israël et de ceux qui sont sous le contrôle d’Israël : les femmes, la communauté LGBT, les Palestiniens qui vivent sous occupation et les citoyens arabes d’Israël », a dit le directeur-général du NIF, Daniel Sokatch, mercredi.

« C’est précisément ainsi que les autocrates noient l’espace démocratique. Cette loi pourrait entraîner la fermeture de centaines d’organisations en Israël – et elle vise spécifiquement celles qui disent la vérité au pouvoir. Couper les financements à ceux qui réclament le changement, ce n’est pas quelque chose qui se fait dans une démocratie. Les démocraties fortes peuvent faire face aux critiques, même (et en particulier) lorsqu’elles sont dures, et elles peuvent travailler pour s’améliorer », a-t-il continué.

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