Les Éthiopiens israéliens fêtent Sigd dans l’ombre de la guerre
La cérémonie traditionnelle a été limitée à Jérusalem, de nombreux membres de la communauté préférant marquer le festival dans un centre d'intégration des immigrants, dans le nord du pays
JTA — Depuis des années, la 50e journée après Yom Kippour est l’occasion d’un pèlerinage effectué par des centaines de Juifs éthiopiens vêtus de blanc et arborant des ombrelles colorées jusqu’à Jérusalem, pour célébrer le festival de Sigd.
C’était lundi, cette année. Mais alors qu’Israël est en guerre, l’importante célébration publique de cette fête juive éthiopienne, qui commémore l’acceptation de la Torah et l’aspiration à la Terre d’Israël, qui est habituellement organisée sur une promenade surplombant la ville sainte a voulu être plus discrète, et elle s’est déroulée seulement en présence de quelques dizaines de responsables de la communauté.
Une autre cérémonie a eu lieu dans un centre d’intégration des immigrants à Nir Etzion, dans le nord du pays, où de nombreux Juifs éthiopiens vivant à Sderot ont été relogés, la localité ayant été évacuée à cause de la guerre.
Un grand nombre des 160 000 Israéliens d’origine éthiopienne ont été, eux aussi, profondément choqués lors du massacre du 7 octobre, lorsque la communauté éthiopienne de la ville a figuré parmi les cibles des hommes armés du groupe terroriste du Hamas.
« Le festival de Sigd est une expression de l’unité, de l’aspiration à Jérusalem », a commenté le ministre de l’Alyah et de l’intégration, Ophir Sofer, lors de la cérémonie qui était organisée à Nir Etzion, selon des informations parues dans les médias. « Et en ces journées particulièrement, malgré le deuil et malgré le chagrin, le peuple d’Israël se révèle dans toute son unité. Je le constate sur le terrain, cette unité ne fait que se renforcer parmi nous. »
Cette cérémonie a commencé par un hommage rendu à Ofir Libstein, chef du Conseil de sécurité de Shaar Neguev qui a perdu la vie en affrontant les terroristes du Hamas, le 7 octobre.
Lors du massacre commis par le Hamas dans les communautés du sud d’Israël, le mois dernier, 3 000 terroristes avaient franchi la frontière séparant l’État juif et la bande de Gaza. Ils avaient assassiné 1 200 personnes, en majorité des civils, et enlevé 240 personnes de tous les âges qui sont depuis retenus en captivité au sein de l’enclave côtière.
Le festival de Sigd était devenu une fête populaire, qui attirait beaucoup de monde, dans les années 1980 grâce à l’arrivée d’une vague de Juifs éthiopiens qui étaient venus en Israël partiellement à pied, traversant le Soudan et d’innombrables difficultés.
La communauté juive éthiopienne a finalement réussi à convaincre Israël d’inscrire le festival sur le calendrier des fêtes nationales. Mais la tradition était encore restée largement rare dans les autres pays – et elle est restée peu connue de nombreux Israéliens – jusqu’à ces dernières années, reconnue grâce à la promotion croissantes de la diversité juive, considérée comme un atout.
Elle est dorénavant célébrée dans les communautés juives de toute la Diaspora et en particulier aux États-Unis. De nouveaux livres ont été écrits sur ces festivités.
Récemment, la population juive éthiopienne, en Israël, s’est accrue pour la première fois depuis des années. Des centaines de Falash mura – les descendants des Juifs éthiopiens qui avaient dû se convertir au christianisme il y a environ 200 ans, qui sont des parents des Juifs qui avaient été exfiltrés par voie aérienne en Israël, en 1991 – ont eu l’autorisation de venir enfin dans le pays l’été dernier et au début de l’année, mettant un terme à une douloureuse et longue saga migratoire.
Sofer a néanmoins indiqué que l’arrivée d’autres émigrants d’Éthiopie n’était pas envisagée à ce jour – même si Israël a fait sortir du pays par voie aérienne certains de ses citoyens en raison d’une guerre civile qui ne cesse de se détériorer. Des centaines d’Éthiopiens restent sur une liste où figurent les noms de ceux dont l’immigration en Israël a été approuvée.
Comme c’est le cas également d’immigrants plus récents, les familles accueillies à Nir Etzion ont connu la guerre dans leur pays natal avant de venir en Israël. Un grand nombre d’entre elles ignoraient qu’elles devraient affronter de nouveaux risques une fois arrivés – au terme d’un processus d’immigration qui, pour beaucoup, aura duré des décennies.
« Personne ne nous avait parlé de problèmes de sécurité, » avait confié Anagu Walle, arrivé au sein de l’État juif au début de l’année, au Times of Israel, le mois dernier.
Parmi les victimes de la guerre, un parachutiste d’origine éthiopienne âgé de 21 ans, Yehonatan Semo, qui est mort des suites de ses blessures sur le front, à Gaza. Il a été inhumé dimanche, selon un post écrit sur Facebook par une femme qui a assisté à ses funérailles.
« La famille Semo est membre de la communauté éthiopienne ; elle avait immigré à pied et traversé le désert du Soudan, pour retrouver son foyer, Israël », a écrit Noa Choritz, dimanche, dans une publication qui a été largement partagé. « Chaque année, la communauté éthiopienne se rassemble au point le plus haut de Jérusalem pour voir la Vieille Ville et pour commémorer le long voyage effectué pour venir ici, et pour commémorer tous ceux qu’elle a perdu sur le chemin. Ce festival est appelé Sigd et il doit être célébré demain. Les festivités ont été annulées cette année mais au moment où sa famille Semos est en deuil, a-t-elle besoin de commémorer ce qu’elle a perdu pour en arriver jusque-là, de toute manière ? »
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.