Les femmes « enchaînées » non israéliennes peuvent désormais divorcer en Israël
La Knesset a adopté une loi donnant aux tribunaux rabbiniques une compétence internationale et de sanction contre les juifs refusant le divorce, sous certaines conditions
Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël
Certaines femmes juives non israéliennes seront désormais autorisées à demander le divorce devant les tribunaux rabbiniques israéliens, après que la Knesset a adopté lundi une loi étendant la compétence des organes juridiques religieux gérés par l’État au-delà des frontières de l’État juif.
La nouvelle loi parrainée par le gouvernement, qui a été adoptée en deuxième et troisième lecture par la Knesset, (42-24 et deux abstentions), est destinée à aider les femmes « enchaînées » qui se sont vues refuser un acte de divorce religieux et ne peuvent se remarier en vertu de la loi juive.
La loi ne sera en vigueur que pour trois ans. Elle a été soumise à un vote final après qu’un passage controversé qui aurait permis d’appliquer la loi aux unions civiles aussi bien qu’aux cérémonies de mariage religieuses juives en a été retiré. Le projet de loi gouvernemental amendé limite par ailleurs la compétence des tribunaux religieux israéliens dans les affaires internationales, limitant leur domaine d’application au divorce lui-même, plutôt qu’à d’autres questions liées au divorce, comme les accords financiers et la garde des enfants.
La proposition originale permettait également aux hommes et aux femmes juifs dont les conjoints refusaient d’accorder ou d’accepter le divorce d’avoir recours à l’intervention juridique rabbinique israélienne, mais la version finale du gouvernement a opté pour le maintien du droit uniquement pour les femmes. Le projet de loi a l’origine était une proposition personnelle de la députée de l’opposition Aliza Lavie (Yesh Atid), qui a déclaré qu’il visait à aider les femmes juives de l’ex-Union soviétique à obtenir le divorce, avant que le gouvernement n’adopte sa propre proposition.
En vertu de la loi juive, un mariage ne peut être dissous que si l’homme consent à donner un « guet ». Les tribunaux rabbiniques ne peuvent pas forcer un homme à donner un guet à sa femme, mais, en Israël, ils peuvent imposer des sanctions sévères, parmi lesquelles une peine de prison exceptionnelle et une humiliation publique contre une personne dont les juges estiment qu’elle refuse injustement un guet et transforme les femmes en ce que l’on appelle une « agouna ».
Avec peu ou pas de pouvoir légal de sanction dans les tribunaux rabbiniques de leur pays d’origine, les partisans de la loi considèrent cette loi du gouvernement israélien comme un moyen pour les femmes juives privées de leurs droits dans les pays du monde entier, sans recours légaux, de demander un divorce religieux en Israël.
Mais certains ont exprimé leur inquiétude quant à sa portée et, selon eux, l’extension très problématique de l’autorité juridique orthodoxe sur – potentiellement – les juifs du monde entier, qui sont impliqués dans des procédures de divorce religieux.
Ces craintes ont été soulevées lundi par les députés de l’opposition, qui ont protesté contre l’habilitation des autorités religieuses de l’État en tant que tribunal international sur le divorce juif.
La députée du Meretz, Michal Rozin, a fait valoir que la loi ne ferait que reproduire les problèmes rencontrés par les femmes israéliennes dans le système judiciaire rabbinique de l’État, notant qu’Israël est loin d’avoir résolu le problème des agounot chez lui. « Soudain, les tribunaux rabbiniques sont le grand sauveur ?! » demanda-t-elle incrédule au plenum.
« Cela n’aidera personne, reconnaissons-le », a ajouté Yael Cohen Paran, députée de l’Union sioniste, mais vise plutôt à « étendre, étendre et étendre les pouvoirs des tribunaux rabbiniques ».
Selon les termes de la loi, une femme peut intenter une action en divorce en Israël même si elle n’est pas citoyenne israélienne, si l’une des conditions suivantes s’applique : il n’y a pas de tribunal rabbinique à proximité de sa ville natale ou de celle du mari ; la femme a présenté une demande de divorce devant un tribunal rabbinique de diaspora, mais l’homme a refusé de se présenter à la convocation pendant au moins quatre mois ; ou le tribunal rabbinique étranger a ordonné au mari de donner le guet, ou divorce religieux, mais il manque de moyens pour faire appliquer la décision qui reste sans effet pour une période d’au moins six mois.
La loi israélienne stipule en outre que l’homme doit être assigné dans le pays et permet aux tribunaux rabbiniques d’imposer des sanctions, incluant des peines de prison et des ordonnances lui interdisant de quitter Israël. Il stipule que les couples qui ont été mariés en vertu d’une union civile dans leur pays d’origine doivent d’abord dissoudre le mariage civil avant de demander le divorce religieux.
La loi limite aussi expressément l’autorité des tribunaux rabbiniques à l’obtention du document de divorce, déclarant que les organismes religieux ne seront pas autorisés à débattre d’autres questions liées au divorce ou d’autres questions qui sont actuellement traitées à la fois par les tribunaux civils et les tribunaux religieux à l’étranger.
Suite aux amendements au projet de loi, certains militants, dont l’organisation Mavoi Satum, ont cessé la semaine dernière de s’opposer au projet de loi.
La nouvelle loi fait suite à plusieurs affaires très médiatisées relatives aux agounot, dont la délivrance d’un guet par Yaron Atias qui refusait le divorce et deux annulations très inhabituelles, l’une par un tribunal rabbinique privé non reconnu par le système étatique et l’autre par un tribunal rabbinique de l’État.
En avril, un touriste juif argentin en Israël a été arrêté à l’aéroport international Ben Gurion et empêché de retourner à Buenos Aires, à la suite d’une requête de son ex-femme au tribunal rabbinique d’Israël pour un divorce religieux.
JTA a contribué à cet article.