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Les femmes et entrepreneuses orthodoxes US invitées à renoncer à leur smartphone

Dix ans après un rassemblement qui mettait en garde les hommes contre les dangers d'Internet, les femmes ont entendu un message similaire, mais plus lourd de conséquences

Captures d'écran de comptes Instagram gérés par des femmes orthodoxes ayant annoncé leur fermeture après un rassemblement contre les réseaux sociaux dans le New Jersey en juin 2022. (Montage 
 : Jackie Hajdenberg/ JTA)
Captures d'écran de comptes Instagram gérés par des femmes orthodoxes ayant annoncé leur fermeture après un rassemblement contre les réseaux sociaux dans le New Jersey en juin 2022. (Montage : Jackie Hajdenberg/ JTA)

JTA — Shaindy Braun et son commerce de perruques avaient près de 40 000 abonnés sur Instagram, et après neuf ans sur les réseaux sociaux, elle a brusquement annoncé son départ de la plateforme.

« J’ai choisi de quitter ce monde de likes, de followers et de filtres », a écrit Braun fin juin. « Je vais quitter Instagram pour vivre dans le monde réel. Je veux faire de ma vie une galerie d’art, filtrer mes pensées et mes propos et répandre de l’amour et des likes aux personnes qui sont me sont importantes. »

Elle a ensuite supprimé son profil, privant ainsi Sary Wigs, une société basée à Lakewood qui fournit des perruques en cheveux humains aux femmes juives orthodoxes du New Jersey et d’ailleurs, d’une ligne de communication essentielle avec ses clients et de potentiels acheteurs.

Et elle n’était pas la seule. Moonlight Layette, une marque de vêtements pour bébés, a annoncé qu’elle ne travaillerait plus sur Instagram et a redirigé sa clientèle vers un numéro WhatsApp. Et c’est aussi ce qu’a fait Rivka Dayan, une artiste qui fabrique des articles de Judaïca en résine. Et de nombreux autres comptes Instagram ont annoncé leur fermeture.

Ces décisions ont peut-être surpris les abonnées de la marque. Mais pas celles qui ont assisté aux deux énormes rassemblements organisés à Newark mi-juin, exhortant les femmes juifs orthodoxes à renoncer à leurs téléphones et à quitter les réseaux sociaux.

Dix ans après un rassemblement emblématique qui mettait en garde les hommes orthodoxes contre les dangers d’Internet, ces rassemblements visaient à encourager les femmes à passer moins de temps sur leurs téléphones, selon les organisateurs. Mais les détracteurs de la communauté orthodoxe hassidique, y compris des femmes qui ont assisté à l’événement ou qui l’ont écouté via une ligne téléphonique spéciale pour y assister à distance, ont déclaré que la pression pour y assister était intense – et que le message était loin d’être édifiant.

« Elles se forcent à rester assises là, à se voir expliquer à quel point elles sont mauvaises, à quel point elles sont décadentes aujourd’hui avec leurs obsessions pour des choses ridicules et à quel point elles sont spirituellement inférieures », a déclaré une femme hassidique à la Jewish Telegraphic Agency sous couvert d’anonymat parce qu’elle vit toujours dans une communauté hassidique de Borough Park. « Et elles s’assoient là et elles l’écoutent et elles acquiescent et elles acceptent tout cela et elles l’intériorisent ».

Appelés assifa ou kinouss (deux mots en hébreu qui signifient ‘rassemblement’), ces évènements ont rassemblé des dizaines de milliers de femmes hassidiques orthodoxes au Prudential Center de Newark. Nombre d’entre elles sont venues grâce à des bus affrétés depuis les communautés juives de Lakewood dans le New Jersey, et de Williamsburg à Brooklyn. Les femmes ayant des enfants dans le réseau d’écoles Bais Yaakov ont reçu des SMS et des lettres indiquant que les rabbins de l’école leur demandaient instamment d’y assister. Une mère a déclaré à JTA qu’on lui avait dit que ses enfants seraient expulsés si elle n’assistait pas au rassemblement, dont les billets coûtaient 54 dollars.

Des SMS envoyés aux mères d’élèves d’écoles hassidiques les encourageant à plusieurs reprises à participer aux rassemblements anti-technologie du 20 juin 2022 dans le New Jersey ou à Brooklyn. (Montage : Jackie Hajdenberg/ JTA)

L’un des rassemblements était en anglais, le second était en yiddish, la langue parlée par de nombreux membres des communautés hassidiques de New York. Les évènements, appelés ‘rassemblements nekadesh‘, en reprenant le mot hébreu pour ‘sanctification’, faisait appel à l’instinct maternel des femmes – une idée gagnante dans une communauté où la fertilité est valorisée et où les femmes ont généralement de nombreux enfants et sont responsables de leur éducation.

« Je me languis des moments que nous avions avant que tu n’aies le téléphone que ton patron t’a donné », dit un petit garçon durant un discours au rassemblement en yiddish, selon un enregistrement de l’évènement. « Je me languis de ton sourire. Te souviens tu de nos conversations ? Lorsque nous riions de nos propres blagues, et pas parce que tu écoutais des blagues stupides sur cette petite boite noire ? »

Au rassemblement anglophone, la moitié des orateurs étaient des femmes et les hommes présents ont quitté l’enceinte du stade pour que les femmes puissent chanter. Les intervenants ont présenté la question des réseaux sociaux comme un sujet sur lequel les femmes orthodoxes peuvent choisir des manières plus ou moins pieuses de naviguer sur Internet. Parmi les intervenants figurait Rina Tarshish, rebbetzin et directrice d’un séminaire pour femmes en Israël, très respectée dans le monde hassidique.

Le rassemblement a été intense par moments, les participants s’entendant dire à un moment donné que la technologie est une manifestation des efforts de Satan pour répandre la pourriture dans le monde, selon un thread Twitter d’une personne qui a transcrit une grande partie de l’événement. Mais le rassemblement en langue yiddish a eu un ton plus strident et s’est attaqué à la participation des femmes à la vie civile hors ligne également, selon des personnes présentes. Un rabbin qui a pris la parole a même demandé aux femmes de ne pas parler dans la rue, sauf en cas d’urgence.

Des juifs ultra-orthodoxes au Citi Field à New York, le 20 mai 2012, pour un rassemblement sur l’utilisation d’Internet. (Crédit : AP/VosIzNeias.com)

Cet évènement survient 10 ans après que 40 000 hommes orthodoxes ont été exhortés à renoncer à leurs smartphones lors d’une assifa anti-Internet au Citi Field de New York City. A l’époque, le message consistait à prôner le cloisonnement de la communauté contre les influences extérieures.

« Les hommes ont refusé de renoncer à leurs smartphones. Alors le leadership a décidé de s’en prendre aux femmes et à leurs responsabilités d’éduquer des enfants, de gérer la maison et de véritablement protéger la prochaine génération. »

Ayala Fader, professeur d’anthropologie à l’université de Fordham qui étudie les communautés hassidiques, a déclaré que ce qui s’est passé ensuite aide à expliquer les derniers rassemblements.

« Les hommes ont refusé de renoncer à leurs smartphones », a-t-elle dit. « Alors le leadership a décidé de s’en prendre aux femmes et à leurs responsabilités d’éduquer des enfants, de gérer la maison et de véritablement protéger la prochaine génération. »

De nombreuses femmes orthodoxes ont trouvé leur place sur les réseaux sociaux et ont établi des liens au sein de leur propre communauté élargie. Instagram, en particulier, a été à la fois un outil pour créer des entreprises dans une communauté où le travail en dehors du foyer est parfois découragé et pose souvent des problèmes d’ordre logistique. Les femmes orthodoxes ont également utilisé les réseaux sociaux à des fins militantes, notamment pour partager leurs expériences en matière d’infertilité, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Certaines, cherchant à se conformer aux exigences de pudeur, ont même ouvert des comptes réservés aux femmes.

Illustration : Des garçons ultra-orthodoxes et une famille passent devant une affiche sur laquelle on peut lire qu’Internet apporte le cancer, à Jérusalem, le 2 juillet 2009. (Crédit : Rishwanth Jayapaul/Flash90)

Entendre dire qu’elles devaient mettre tout cela de côté a choqué certaines femmes qui ont été invitées au rassemblement. Leur frustration a été aggravée par le fait qu’il était interdit aux participants d’apporter des téléphones portables, de prendre des photos et de partager l’événement sur les réseaux sociaux, et que les médias orthodoxes ont couvert les rassemblements sans publier de photos des femmes présentes.

« Les femmes ont enfin trouvé un débouché où elles peuvent se réseauter et cela leur permet de créer des entreprises prospères via Internet », a déclaré une femme hassidique qui travaille dans le marketing numérique et est le seul soutien financier de sa famille. « Et maintenant, les hommes se rendent compte que c’est terrible ! Les femmes ont accès à d’autres femmes qui sont des femmes d’affaires talentueuses, prospères et puissantes. Alors condensons-les encore plus, faisons d’elles de simples ombres’. »

Les rassemblements étaient organisés par le Technology Awareness Group, ou TAG, un organisme à but non lucratif fondé en 2011, peu avant le rassemblement des hommes, qui s’est donné pour mission d’aider les internautes juifs à éviter la pornographie et d’autres influences néfastes en ligne. Shmuli Rosenberg, un responsable marketing qui a promu l’événement ainsi que de nombreux autres ciblant les juifs orthodoxes, a déclaré que l’objectif n’était pas de demander aux femmes de renoncer à Internet ou à avoir un profil public.

« Il n’est pas question de couper les gens du monde », a-t-il déclaré. « Il s’agit d’aider les gens à trouver, dans leur propre vie, ce qui leur permettra d’être plus connectés à leur famille, à leurs enfants et à eux-mêmes et de se sentir élevés et heureux. »

Sur cette photo prise le lundi 25 janvier 2010, un homme ultra-orthodoxe marche devant un cybercafé dans le centre de Jérusalem. (Crédit : AP Photo/Maya Hasson)

Rosenberg a expliqué que les rassemblements étaient destinés à un public féminin uniquement parce que les organisateurs voulaient offrir certains programmes, notamment des chants de femmes, qui n’auraient pas été possibles selon les normes communautaires dans un cadre mixte.

« Cela ne visait pas spécifiquement les femmes par rapport aux hommes », a-t-il déclaré. « Cela visait tout le monde. Et dans nos communautés, il serait totalement inacceptable de dire que les hommes peuvent accéder à Internet ou à l’information plus que les femmes. »

Certaines femmes présentes, comme Braun, la perruquière, ont trouvé ces rassemblements inspirants.

« Je sais, c’est un peu contradictoire d’en parler ici, en ligne », a écrit une femme sur un forum de femmes orthodoxes, ImaMother. « Mais ceux qui étaient là, dans un esprit positif, ont compris qu’il ne s’agissait pas de tout ou rien ».

Mais d’autres ont dit qu’ils voyaient dans ces événements une tendance dangereuse dans les communautés orthodoxes à établir des règles allant bien au-delà de ce qui est requis par la loi juive. À la sortie des rassemblements, les femmes ont reçu des cartes qu’elles pouvaient donner à leur chauffeur de taxi et à leur femme de ménage pour leur expliquer pourquoi elles ne peuvent pas toucher leur smartphone pour y saisir leur adresse et pour demander que les smartphones ne soient pas utilisés dans leurs maisons.

Les femmes qui ont participé aux rassemblements anti-internet du 20 juin dans le New Jersey et à Brooklyn ont reçu des cartes à remettre à leurs chauffeurs de taxi et à leurs femmes de ménage, expliquant pourquoi elles ne peuvent pas utiliser ou se trouver à proximité de smartphones. (Crédit : source anonyme/via JTA)

« Chère femme de ménage », disait l’une des cartes, « Conformément à notre religion, la plupart des membres de notre communauté s’abstiennent d’utiliser un smartphone. Je peux vous donner les détails par écrit. Veuillez garder votre smartphone hors de vue à l’intérieur de notre maison. »

Aucune disposition de halakha (loi juive) n’interdit à une femme de saisir son adresse sur un téléphone ni ne prévoit d’obligation pour les non-juifs. Mais Rayne Lunger, une femme qui a grandi en tant que hassidique et qui est maintenant active sur les réseaux sociaux, a déclaré qu’elle était familière avec cette tendance à vouloir aller au-delà de la stricte application de la loi.

Elle a comparé l’appel lancé aux femmes pour qu’elles n’utilisent pas de smartphones à ce qui s’est passé avec les attentes concernant la longueur des jupes. Dans le passé, les femmes étaient considérées comme pudiques si leur jupe couvrait leurs genoux, a-t-elle expliqué, mais au fil du temps, une longueur de 10 cm sous le genou est devenue la norme, et aujourd’hui les femmes peuvent être critiquées si leur jupe n’atteint pas au moins 15 cm sous le genou.

« Les gens veulent être bons et faire ce qu’il faut », a déclaré Lunger. « Et ils construisent parfois des contraintes par-dessus des contraintes par-dessus des contraintes qui n’ont aucun sens parce qu’ils n’ont aucun point de référence. »

Tous les juifs hassidiques ne sont pas confrontés à la question de l’utilisation d’Internet de la même manière. Le mouvement hassidique Habad-Loubavitch, par exemple, a adopté les nouvelles technologies et utilise les réseaux sociaux dans le cadre de ses activités de sensibilisation, et n’a été impliqué dans aucun de ces événements.

Mais pour les femmes qui choisissent de réduire leur utilisation d’Internet, des groupes tels que TAG sont prêts à installer des filtres « casher » sur leurs téléphones et ordinateurs.

« Les ultra-orthodoxes pensent essentiellement que le média est bon dès lors que vous l’utilisez de manière propre, ou casher », a déclaré Rivka Neriya-Ben Shahar, professeur au Sapir Academic College en Israël, qui étudie les approches orthodoxes haredi en matière de médias. « Ils se sentent très en sécurité dès lors qu’ils peuvent en contrôler le contenu ».

À l’instar du contrôle parental sur un iPad ou une télévision, les filtres casher bloquent généralement l’accès à des sites web ou à des contenus considérés comme inappropriés dans la communauté, tels que la pornographie, les sites de jeux d’argent ou tout ce qui est lié à la violence ou aux drogues. Ils peuvent également bloquer des contenus profanes et, indépendamment, peuvent parfois présenter des dysfonctionnements et bloquer des contenus qui ne sont pas réellement irrecevables dans le monde hassidique, notamment des informations sur la santé et la sécurité dont les femmes ont besoin.

Reste à savoir combien de femmes vont installer des filtres, renoncer à leur téléphone portable ou couper les communications avec leurs clients à la suite des récents rassemblements. Mais ce qui est clair, c’est que la pression exercée sur les femmes orthodoxes de la région de New York pour qu’elles reconsidèrent leur utilisation d’Internet se poursuit, même si les derniers événements de ce type semblent s’estomper avec le temps.

Les femmes continuent de fermer leurs comptes, selon les utilisateurs orthodoxes d’Instagram, et un autre événement a été programmé : une répétition de l’assifa a été donnée à l’école Tiferes Bais Yaakov de Lakewood. Le site Web de l’école indique que sa salle des fêtes peut accueillir 4 600 personnes et que les billets coûtent 20 dollars.

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