Les instances environnementales doivent être renforcées pendant la guerre – Rapport
Le Centre Taub avertit les décisionnaires de la nécessité de se préparer à des catastrophes potentielles - marées noires, dégâts essuyés par les réservoirs de carburant, émission de substances toxiques...
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Les instances publiques chargées de la protection de l’environnement doivent avoir de nouveaux pouvoirs, obtenir des personnels supplémentaires et bénéficier de budgets appropriés pour réduire le potentiel de dégâts environnementaux énormes qui pourraient être causés par la guerre qui oppose actuellement Israël au groupe terroriste palestinien du Hamas, a fait savoir un rapport qui a été publié dimanche.
Des lois doivent être adoptées pour renforcer ces instances quand c’est nécessaire, affirme cette étude intitulée « l’Environnement en temps de guerre » et qui a été produite par le Centre Taub d’études en politique sociale d’Israël, un think-tank dont le siège se situe à Jérusalem.
Dans leur rapport, Maya Sadeh, qui est responsable du programme Environnement et Santé du Centre et le docteur Rakefet Shafran-Nathan, checheur, font la liste des menaces immédiates que fait planer la guerre sur l’environnement.
Il y a 3 700 réserves de produits dangereux en Israël, déclare l’étude, particulièrement dans le secteur d’Ashkelon, sur la côte méditerranéenne, et dans la baie de Haïfa, dans le nord. Ce qui met en péril la santé de 3,2 millions de résidents face à un potentiel accident.
Pendant l’Opération Gardien des murs, au mois de mai 2021, une roquette avait frappé une cuve de stockage de pétrole, à Ashkelon, qui avait brûlé pendant des jours, polluant l’air et impactant très négativement la santé publique.
Compte-tenu des risques sécuritaires au sein de l’État juif, les stocks de pétrole liquéfiés sont conservés en souterrain.
C’est le Commandement intérieur qui a la responsabilité de garantir que les structures ne pourront entraîner aucune nuisance dans des situations d’urgence, comme la guerre.
En 2007, une commission avait publié les conclusions d’une enquête lancée sur les mesures de protection qui sont prises par les entreprises qui fabriquent et qui stockent des produits dangereux dans la baie de Haïfa – une zone particulièrement sensible aux séismes dans le pays, comme le sont d’ailleurs de nombreuses autres. Parmi les recommandations qui avaient été faites, la consolidation des pipelines qui transportent des produits dangereux et celle des parties supérieures des bassins de stockage.
Selon un rapport émis par le contrôleur de l’État, l’année dernière, le ministère de la Protection environnementale a commencé à mettre en place un système amélioré dans les traitements des substances dangereuses suite au rapport – mais le travail reste encore en cours.
De plus, six casernes de sapeurs-pompiers ayant des équipes spécialisées dans la gestion des produits dangereux sur neuf n’ont pas la formation nécessaire pour prendre en charge de manière optimale ce type d’accident et le temps de réponse est souvent plus long que ce n’est le cas dans les autres pays.
Sur la disponibilité d’eau potable en temps de crise, le document émis par le think-tank cite un autre rapport du contrôleur de l’État, qui date de 2022 et qui avait établi qu’en cas d’urgence, les autorités locales représentant 2,4 millions d’Israéliens ne seraient pas prêtes à fournir immédiatement de l’eau aux populations dont elles sont responsables – avec des approvisionnements qui, du côté de l’Autorité de l’eau, pourraient seulement répondre aux besoins de 400 000 personnes vivant dans les localités concernées.
Environ un hôpital sur trois n’a pas de réserve d’eau à utiliser en cas d’urgence.
Le contrôleur de l’État avait, dans le même rapport, découvert que les puits où le ministère de la Santé avait trouvé des polluants (carburant, fertilisants, eaux usées…) avaient été fermés sans programme prévu de nettoyage ouvrant la porte à leur remise en service et que plus d’un quart de tous les puits, environ 500, n’étaient pas utilisables ou qu’ils l’étaient que sous réserve de limitations.
En cas d’urgence, quand un processus de dessalement de l’eau n’est pas possible, la capacité à pomper de l’eau dans les nappes phréatiques est déterminante, avait indiqué le contrôleur de l’État qui avait appelé à dépolluer les puits.
Au début de la guerre actuelle, il y avait eu des inquiétudes portant sur une possible pénurie de chlore, un produit importé, pour purifier l’eau potable, fait remarquer le rapport de Taub. Le ministère de la Santé a appelé, dans le passé, à entreposer du chlore ou à octroyer un permis à un fabricant israélien qui en produirait au niveau local. Rien n’a été fait pour le moment.
Conséquence à plus long-terme de la guerre, qui est soulignée dans le rapport du Centre Taub, la décision prise par le gouvernement, le mois dernier, d’emprunter la somme de 820 millions de shekels auprès du Fonds de Maintenance de la propreté, un fonds qui dépend du ministère de la Protection environnementale (et qui s’élève aujourd’hui à environ 3,2 milliards de shekels), afin de payer les soldats réservistes.
Un emprunt qui a été revu à la hausse, à 1,42 milliard de shekels, pendant les débats consacrés au budget.
Ce qui vient s’ajouter au 1,66 milliard de dollars que le gouvernement avait prélevé dans la même caisse, il y a environ deux ans – d’une manière qui, selon le contrôleur de l’État, n’était pas aligné avec les objectifs du fonds et qui n’était pas conforme à la loi qui encadre ce dernier.
Au mois de mars, le ministère de la Protection environnementale avait annoncé qu’il utiliserait l’argent du fonds, qui est largement financé par les frais payés aux décharges, pour construire des structures de tri des déchets en séparant les ordures d’origine organique des autres et en les brûlant pour produire de l’énergie.
Ces initiatives entrent dans le cadre d’une stratégie nationale qui a été élaborée pour réduire la proportion des ordures envoyées dans les décharges – dont le taux est actuellement de 80 %, un pourcentage qui est bien plus élevé que dans les autres pays développés.
Le rapport Taub a indiqué que ces coupures dans le Fonds entraîneront probablement un retard dans la mise en œuvre de cette stratégie de prise en charge des déchets.
Mardi, des discussions sur la question ont été suspendues juste avant une rencontre où le responsable du Fonds devait approuver ces emprunts. La Fédération des autorités locales avait, de son côté, protesté contre cette initiative et menacé de la porter devant les tribunaux.
Cette décision de prendre de l’argent sur le Fonds pour l’affecter à l’effort de guerre contraste de manière forte avec la multiplication par quatre de la somme allouée au ministère des Implantations et des projets nationaux, une hausse qui a émergé pendant une réunion de la Commission des Finances de la Knesset, lundi.
Plusieurs centaines de millions de shekels supplémentaires devraient aussi être versés au système d’enseignement ultra-orthodoxe, qui échappe à la supervision du ministère de l’Éducation.
Le leader de l’opposition, Yair Lapid, a indiqué à la Commission que l’argent était donné « à tout ce qui est susceptible d’aider le Premier ministre à rester un peu plus longtemps au pouvoir », faisant remarquer que certaines unités de l’armée israélienne demandent actuellement des dons pour pouvoir acheter des équipements militaires, comme des gilets pare-balle.
Un porte-parole du ministère de la Protection environnementale a indiqué, dimanche, que le gouvernement avait autorisé le ministère à engager la somme de deux milliards de shekels dans ce projet sur le traitement des déchets – de l’argent qui sera prélevé sur les futurs revenus du Fonds. Le ministère des Finances a également dégagé un budget de 49 millions de shekels pour traiter les déchets qui seraient entraînés directement par la guerre.
Autre conséquence de la guerre soulignée dans le rapport, l’annulation, par la Jordanie, d’un accord tripartite qui avait été négocié par les Émirats arabes Unis et par les États-Unis, il y a deux ans. Les EAU devaient construire des structures solaires au sein du royaume hachémite qui auraient été utilisées par Israël et, en contrepartie, l’État juif aurait fourni à la Jordanie de l’eau dessalée.
L’annulation du projet rendra plus difficile, pour Israël, d’atteindre l’objectif fixé par l’État qui est de produire 30 % de son énergie à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030, note le rapport.
Une répercussion supplémentaire du conflit est l’approbation temporaire qui a été donnée par l’État à l’augmentation des quantités de carburant qui sont stockées par l’usine Europe Asia Pipeline Company à Eilat, dans le sud. Il est alloué exclusivement aux besoins d’Israël.
« Cette mesure renforce le risque environnemental de marée noire », déclare le rapport, dans un environnement marin unique, riche en coraux, dont dépend largement l’industrie du tourisme à Eilat.
Une grande partie de la côte méditerranéenne avait été polluée au pétrole pendant l’hiver 2021, suite à un déversement d’hydrocarbures impliquant un pétrolier étranger, au large. Le gouvernement avait promis un nouveau budget et l’adoption tardive d’une loi portant sur la mise en place d’un Programme national de préparation et de réponse aux incidents de pollution marine. Ce qui ne s’est jamais concrétisé.
Le 5 novembre, la compagnie israélienne d’électricité a annoncé qu’elle dépenserait environ 600 millions de shekels pour acquérir un carburant très polluant qui n’est que rarement utilisé en période de paix. Faire brûler de l’essence, du charbon ou du mazout produit de plus grosses quantités de particules fines et d’oxyde d’azote, en plus de dioxyde de soufre, ce qui porte atteinte au système cardio-respiratoire.