Les meurtres de DC pousseront-ils Trump à sévir davantage contre les pro-Palestiniens ?
Selon des groupes juifs de droite et des députés conservateurs, les États-Unis doivent "réprimer les manifestations encourageant le terrorisme" sur les campus

JTA – Dans les semaines et dans les mois qui ont précédé l’assassinat de Yaron Lischinsky et Sarah Milgrim, tués par un homme qui, après avoir ouvert le feu en direction de ses deux victimes, avait hurlé « Palestine libre », le président américain Donald Trump se battait déjà contre l’activisme pro-palestinien et anti-israélien.
Depuis l’arrivée du nouveau président à la Maison Blanche, son administration a ainsi cherché à expulser des étudiants activistes. Elle a gelé des milliards de dollars de financement à destination des universités, exigeant des réformes sur la façon dont elles prennent en charge la problématique de l’antisémitisme sur les campus. Et jeudi, Trump a interdit à l’université de Harvard d’accueillir à l’avenir des étudiants étrangers.
Le meurtre des deux employés de l’ambassade d’Israël lors d’un événement communautaire juif – par un homme armé qui a, semble-t-il, revendiqué son geste en affirmant qu’il avait perpétré ces assassinats « pour Gaza » – incitera-t-il le président américain à intensifier ses mesures de répression ?
C’est ce qu’espèrent certains responsables républicains et militants pro-israéliens conservateurs.
« Le fait est que la cause palestinienne est diabolique », a déclaré devant les caméras de Fox News Randy Fine, un politicien juif républicain de Floride connu pour ses outrances.
Mercredi soir, il a écrit sur le réseau social X : « Il est grand temps pour nous de reconnaître que ce mouvement n’a rien de pacifique et que ces démons doivent être abattus par tous les moyens nécessaires ».

Il n’est pas le seul à avoir adopté ce positionnement.
« Le mouvement ‘Palestine Libre’ est intrinsèquement lié au soutien apporté à un terrorisme barbare », a ainsi commenté Pat Fallon, représentant républicain du Texas. « Ce mouvement est fondamentalement anti-occidental et antisémite. Les États-Unis ne devraient pas tolérer ces agitateurs pro-Hamas, que ce soit sur les campus universitaires, dans nos rues ou au sein de notre gouvernement ».
De l’autre côté de l’océan, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est exprimé sur le même ton, comparant l’attentat et le slogan repris par le suspect à l’attaque sanglante qui avait été commise par le Hamas le 7 octobre 2023. Il a aussi fait le parallèle entre le double meurtre et le nazisme.
« Le terroriste qui les a abattus avec cruauté l’a fait pour une seule et unique raison : il voulait tuer des Juifs. Et alors qu’on l’emmenait, il a scandé : ‘Palestine libre !’, » a dit Netanyahu. « Ce sont les mots exacts que nous avions entendus le 7 octobre ».
Il a ajouté que « pour ces néo-nazis, ‘Palestine libre’ n’est que la version réactualisée de ‘Heil Hitler’. »

La Zionist Organization of America, un groupe conservateur dont les idées s’alignent souvent sur celles de Trump, a déclaré que l’attaque de Washington devait inciter les États-Unis à prendre de nouvelles mesures de répression.
« Nous devons maintenant redoubler d’efforts pour mettre un terme aux manifestations qui encouragent le terrorisme sur les campus universitaires », a noté l’organisation dans un communiqué. « Cela doit cesser ! Tout cela ne fait qu’inspirer la haine et la violence à l’encontre du peuple juif et d’autres personnes. Et nous devons apporter notre soutien à l’expulsion des criminels violents et illégaux ».
Dans les journées qui ont suivi la mort des deux employés de l’ambassade, un certain nombre de Juifs ont indiqué que cette tragédie donnait raison à leurs mises en garde face à certains slogans – comme « Palestine Libre » et « Mondialisez l’Intifada » – qui ont été entendus de manière fréquente dans les campements anti-israéliens dressés sur les campus et dans le cadre d’autres mouvements de protestation pro-palestiniens. Ces membres de la communauté s’inquiètent depuis longtemps du fait que de tels mots puissent inciter à la violence.

« Il y a un lien direct entre la diabolisation d’Israël, la tolérance à l’égard des discours de haine antisémite sur la place publique et l’action violente », a estimé William Daroff, président-directeur-général de la CoP (Conférence des présidents des principales organisations juives américaines), sur les réseaux sociaux. « Nous sommes maintenant témoins des conséquences mortelles de trop nombreux mois d’incitations antisémites incessantes ».
L’administration Trump a déjà montré sa volonté de s’attaquer aux discours qu’elle juge dangereux. Les autorités fédérales ont récemment interrogé l’ancien directeur du FBI, James Comey, après qu’il a publié le chiffre « 8647 », un assemblage de chiffres qui suggère que Trump devrait être destitué et que ses partisans devraient être assassinés. Aucune accusation n’a finalement été retenue – même si Tulsi Gabbard, la directrice du renseignement national, a appelé à placer Comey derrière les barreaux.
Quand le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, a comparé les agents de l’immigration à la Gestapo, Stephen Miller, un proche collaborateur de Trump qui est lui-même Juif, a déclaré : « Cette rhétorique anti-américaine ignoble ne peut être interprétée que comme une incitation à l’insurrection et à la violence ».
Et jeudi, la Commission fédérale du commerce a ouvert une enquête sur Media Matters, un groupe de veille des médias libéraux, sur la base d’accusations qui ont laissé entendre que son suivi des discours de haine sur X – le réseau social propriété du milliardaire Elon Musk, proche de Trump – constituait une ingérence commerciale.
Dans ce contexte, les meurtres des employés de l’ambassade israélienne ne feront que durcir les positionnements des deux camps, selon Michael Koplow, directeur des politiques à l’Israel Policy Forum, qui a obtenu un doctorat sur l’idéologie politique.
« Cela ne fera que renforcer les divisions que nous avons déjà constatées », a expliqué Koplow dans une interview. « Il y a ces personnes qui soutiennent ce que j’ai envie de qualifier d’approche ‘musclée’ de la part de l’administration à l’égard des discours pro-palestiniens et des manifestations sur les campus. Cela va leur apporter beaucoup de matière ».

Ceux qui s’opposent à la répression diront que la répétition, par le suspect, d’une phrase courante est moins importante que le soutien qu’il apportait apparemment à des groupes extrémistes, un positionnement qui, selon Koplow, n’est pas caractéristique du mouvement pro-palestinien traditionnel. (Plusieurs politiciens ouvertement pro-palestiniens ont condamné ces meurtres en dénonçant leur caractère antisémite, une frange des utilisateurs des réseaux sociaux a célébré cette attaque).
« Il semble qu’il soit allé pendant des années bien au-delà du discours pro-palestinien et qu’il ait prôné la violence et soutenu ouvertement le Hamas et le Hezbollah », a dit Koplow, faisant référence aux comptes attribués à l’auteur présumé de l’attaque sur les réseaux sociaux.
Rien n’indique pour le moment que l’administration Trump soit prête à s’appuyer sur cette dernière attaque pour renforcer ses mesures de répression, même si le président américain lui-même s’en est pris au « radicalisme » dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.
« Ces tueries horribles à Washington, qui se sont manifestement basées sur l’antisémitisme, doivent cesser, MAINTENANT ! La haine et le radicalisme n’ont pas leur place aux États-Unis », a-t-il écrit.

Dans leurs déclarations respectives, la procureure générale des États-Unis, Pam Bondi, et Dan Bongino, le directeur adjoint du FBI, se sont concentrés sur les poursuites judiciaires qui seront engagées à l’encontre du tueur présumé.
« Nous suivrons les faits, nous suivrons la loi, et cet homme, s’il est mis en examen, sera poursuivi avec toute la rigueur de la loi », a déclaré Bondi lors d’une conférence de presse qui a eu lieu mercredi dans la soirée.
« Les actes ciblés de violences antisémites sont généralement le fait de lâches qui sont totalement dénués de courage », a ajouté Bongino. « Les sanctions seront sévères au fur et à mesure que nous approfondirons l’enquête et que nous trouverons d’autres pistes ».

Selon un récent sondage, 77 % des électeurs juifs s’inquiètent de l’antisémitisme qui sévit sur les campus universitaires – mais 64 % d’entre eux désapprouvent le travail accompli par Trump dans ce domaine. Les organisations juives d’orientation libérale qui affirment que Trump a eu la main trop lourde dans ses sanctions se sont opposées, ces derniers mois, aux organisations issues de l’establishment qui ont accueilli favorablement au moins certaines de ces mesures.
Amy Spitalnick, présidente du Conseil juif pour les Affaires publiques, un groupe qui a été à la tête des dénonciations des excès de l’administration Trump dans sa prise en charge de l’antisémitisme, dit ne pas penser que l’opinion juive évoluera sur la question, même après l’attaque de Washington.
« La communauté juive en général a été en capacité de maintenir deux vérités, à savoir que l’antisémitisme est réel et que nos craintes sont légitimes. La preuve de la légitimité de ces deux vérités a été apportée, une nouvelle fois, la nuit dernière », a-t-elle indiqué dans un entretien.
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