Les religieux modérés, la clé du succès des manifestations anti-gouvernement
La contestation des politiques radicales de la coalition enfle, même parmi ceux qui ont voté pour elle. Les organisateurs des manifestations ont tout intérêt à ne pas les ignorer
Le député de Kakhol lavan, Gadi Eisenkot, ex-chef d’état-major de Tsahal, prendra part aux manifestations anti-gouvernement samedi soir, auteur d’un appel à ce qu’un million d’Israéliens descendent dans la rue pour manifester contre le gouvernement et son projet de refonte radicale du système judiciaire.
De son côté, le député Matan Kahana, membre du même parti, ne se joindra pas aux manifestations sur la place Habima de Tel Aviv, affirmant ne pas vouloir être vu à côté de drapeaux palestiniens.
Cette décision relève d’une autre logique pour ceux qui s’opposent au gouvernement.
L’intention de Kahana de ne pas se présenter à la manifestation revêt un poids tout particulier parce qu’il incarne cette partie de la population religieuse qui s’oppose au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à son gouvernement de droite.
Certains membres de cette frange de l’électorat ont voté en novembre pour Kahana et ses alliés, qui ont rejoint Kakhol lavan, mais ils sont toujours minoritaires au sein de leur communauté.
La grande majorité a voté pour la liste HaTzionout HaDatit, principalement en raison du chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, et de ses positions ultra-nationalistes sur les questions de sécurité.
Si les manifestants, qui espèrent une forte participation samedi soir et prévoient d’autres manifestations à l’avenir, veulent réussir, ils doivent faire appel aux voix toujours plus nombreuses issues de l’opposition, et plus précisément, du camp religieux.
La décision de Kahana de demeurer à l’écart du mouvement est une erreur. On ne peut décemment pas renoncer à prendre part au combat historique qui déterminera le destin du pays à cause de quelques drapeaux qui reflètent une opinion ou une position qui n’est pas la nôtre.
Des gens comme Kahana – qui est l’un des critiques les plus durs de la réforme judiciaire du gouvernement – ne peuvent pas se payer le luxe de rester chez eux et manquer des manifestations où leur présence pourrait avoir un impact significatif.
Depuis la publication de ce projet, les critiques sont de plus en plus nombreuses, parmi les soutiens du gouvernement, et les organisateurs des manifestations ont tout intérêt à faire en sorte que tous ceux que ce projet dérange se joignent aux manifestations.
Dans un article publié vendredi, Yehuda Ifrach, correspondant juridique du quotidien de droite Makor Rishon, a invité les membres de la coalition à « se calmer, et rapidement ».
Dans l’article, Ifrach a critiqué les membres d’Otzma Yehudit, et particulièrement les députés Zvika Fogel, Almog Cohen et Limor Son Har-Melech, qualifiant de « stupides » et « absurdes » leurs accusations et appels, cette semaine, à arrêter les dirigeants de l’opposition pour « trahison », responsables à leurs yeux d’inviter les Israéliens à descendre dans la rue pour manifester contre le gouvernement.
« Si cette soi-disante droite avait une once de responsabilité, elle se tairait, se comporterait de manière responsable, cesserait de crier et jurer, et consacrerait son énergie à un travail dépassionné. Mais la responsabilité est devenue un gros mot de nos jours », a écrit Ifrach.
Les manifestants anti-gouvernement devraient également se comporter de manière plus responsable.
La manifestation de samedi prochain, à Tel Aviv, est un bon début, avec ses 50 000 personnes attendues mais l’objectif d’Eizenkot et d’autres est de faire descendre des millions de personnes dans la rue.
Cela n’arrivera jamais si la manifestation de samedi est émaillée de violences, de provocations, de routes bloquées, de drapeaux palestiniens ou de symboles nazis.
La police a déjà laissé entendre qu’elle disposait de renseignements indiquant que de telles perturbations étaient prévues. Cet avis rendu public est perçu par certains comme une tentative de la police, désormais sous les ordres du ministre de la Sécurité nationale Ben Gvir, de dissuader les participants.
Une manifestation silencieuse d’un million de personnes est beaucoup plus efficace qu’une manifestation bruyante, violente, réunissant moins de participants.
Toutes les franges de la population qui s’opposent au gouvernement, en particulier le public religieux représenté par Kahana – et peut-être même les sionistes religieux qui ont voté pour la droite mais sont horrifiés par ce qui se passe aujourd’hui – devraient se sentir libres d’y prendre part, et non aliénés par un ton clivant et ouvertement partisan.
L’heure n’est pas aux querelles internes.
Tout le monde doit abandonner un peu au nom d’un objectif commun, sinon tout le monde perdra la campagne la plus importante depuis la création de l’État d’Israël.
Le chef de l’opposition Yair Lapid et le chef de Kakhol lavan, Benny Gantz, sont déterminés à combattre la coalition d’extrême droite. Tous deux voulaient prendre la parole lors de la manifestation de samedi.
Les organisateurs, à juste titre, ont refusé.
Gantz a déclaré qu’il y assisterait néanmoins, Lapid, blessé, non, mais les partisans de son parti Yesh Atid se déplaceront.
La décision de Kahana, tout comme celle de Lapid, est un faux pas.
La campagne est beaucoup plus importante que leur seule personne.
Hélas, jusqu’à présent, personne dans l’opposition ne fait preuve d’un véritable leadership.
Cet éditorial a été traduit et adapté de l’original sur Zman Yisrael, le site en hébreu jumeau du Times of Israel.
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