Les splendeurs de la mosaïque antique de Huqoq, avec Samson et ses scènes de chasse
Cette 12e et ultime campagne de fouilles du lieu de culte du 5e siècle de notre ère a permis la découverte de nouvelles mosaïques avec des détails à couper le souffle
- Mosaïque de Samson portant la porte de Gaza sur ses épaules, découverte à Huqoq. (Crédit : Jim Haberman)
- Lors de fouilles en 2023 à la synagogue Huqoq, dans le nord d'Israël, des archéologues ont découvert un fragment de mosaïque représentant un tigre chassant un bouquetin. (Crédit : Jim Haberman/UNC)
- Détail d'une mosaïque représentant l'histoire biblique d'Elim, Exode 15:27, découverte en 2019 à l'occasion de fouilles dirigées par la professeure Jodi Magness dans une synagogue de plus de 1 600 ans à Huqoq (Crédit : Jim Haberman/Avec l'aimable autorisation de UNC-Chapel Hill)
- Mosaïque du 5ème siècle de la synagogue Huqoq, avec un éléphant de guerre. (Crédit photo: Jim Haberman)
- La professeure Jodi Magness, en bas à gauche, entourée de ses étudiants et d'anciens de l'UNC lors des fouilles de Huqoq en Israël en 2023. (Crédit : Jim Haberman/UNC)
- Mosaïque représentant un renard en train de manger des raisins dans l'ancienne synagogue de Huqoq en Basse Galilée. (Crédit : Jim Haberman)
- Détail d'un soldat philistin mort, dans une mosaïque représentant Samson avec la porte de Gaza sur les épaules, découverte dans la synagogue Huqoq lors de la campagne de fouilles 2023. (Crédit : Jim Haberman/UNC)
- Détail de la tête d'un dirigeant militaire grec sur une mosaïque du 5ème siècle découverte dans la synagogue Huqoq. (Crédit photo: Jim Haberman)
- Détail d'une mosaïque du 5ème siècle découverte dans la synagogue Huqoq, montrant un homme âgé avec une barbe blanche. (Crédit photo: Jim Haberman)
Des fragments d’une mosaïque polychromique particulièrement bien conservée pour ses 1 600 ans, qui illustre l’histoire de Samson et d’impressionnantes scènes de chasse, dont un tigre à la poursuite d’un bouquetin, ont récemment été découverts dans une ancienne synagogue à Huqoq, non loin de la mer de Galilée.
La mosaïque découverte cette année est la dernière à avoir été excavée de cette synagogue du 5e siècle, après 11 saisons de fouilles archéologiques. Le sol de la synagogue – une surface de 20 mètres sur 14 – est intégralement recouvert de mosaïques colorées évoquant des scènes bibliques ou contemporaines.
Les mosaïques mises au jour lors des précédentes campagnes de fouilles comprennent les premières représentations connues des figures bibliques Deborah et Yael ou de l’oasis d’Elim pendant l’Exode, ainsi que des illustrations de l’arche de Noé, de Jonas et la baleine ou encore de l’ouverture de la mer Rouge.
« Il n’y a aucune synagogue comparable en Israël : il y a tellement de mosaïques différentes, avec des thèmes bibliques très variés », explique la professeure Jodi Magness, archéologue et professeure de judaïsme primitif à l’Université de Caroline du Nord – Chapel Hill.
Epaulée par une équipe internationale d’experts, étudiants et bénévoles, Magness fouille Huqoq chaque été depuis 2011, à l’exception des deux années de pandémie. Cette année, l’équipe a terminé l’excavation de l’intérieur de la synagogue romaine tardive et de la synagogue mamelouke du 14e siècle bâtie dessus, découvrant la dernière partie non fouillée de la mosaïque.
Plus que des mosaïques
Ces mosaïques font la une des journaux chaque année avec leurs illustrations aux couleurs vives incroyablement bien conservées, mais Magness confie s’être intéressée à ce chantier pour de toutes autres raisons.
« Les mosaïques sont très populaires, mais il y a par ailleurs un nombre incroyable d’artefacts, poteries, pièces de monnaie par centaines, boîtes en os d’animaux et fragments de verre », précise-t-elle. L’architecture de la synagogue est absolument unique, avec ses colonnes de plâtre colorées.
La découverte de la mosaïque par l’équipe de Magness, qui a commencé à fouiller la synagogue en 2011, est en fait le fruit d’un accident. L’objet original des fouilles était l’identification de l’impact des premiers temps de la domination chrétienne sur les villages juifs.

« Nombre de mes collègues israéliens pensent que la domination chrétienne a opprimé les Juifs et que les premières colonies juives ont alors décliné, voire disparu », explique-t-elle. « Or, j’ai toujours eu le sentiment contraire, à savoir que les premières implantations ont continué à prospérer. »
Les fouilles ont permis de prouver que Huqoq s’était agrandie tout au long des 4e, 5e et 6e siècles. La taille de la mosaïque est en soi la preuve que le village était relativement prospère, analyse Magness. Sur un plan architectural, la synagogue ressemble à celle de Capharnaüm, un bâtiment de deux étages avec des galeries. La plupart des synagogues de cette période, celle de Capharnaüm comprise, avaient des sols pavés de dalles.
Le sol en mosaïque fait partie de la synagogue du 5e siècle, et l’une des raisons pour lesquelles il est si bien conservé est qu’au 14e siècle, le sol a été recouvert et scellé lorsque la synagogue a connu des travaux d’agrandissement.

La synagogue a probablement été agrandie à cette époque en raison de sa proximité avec une route menant de Damas au Caire via Yakuk, le nom médiéval et arabe de Huqoq, et du tombeau tout proche du prophète Habacuc, devenu une destination incontournable des pèlerinages juifs de la fin du Moyen Âge. C’est l’unique synagogue connue de la période mamelouke, entre 1250 et 1517, découverte en Israël. Elle est donc susceptible de donner beaucoup d’informations sur le culte juif de l’époque, confie Magness.
« La synagogue mamelouke du 14e siècle est tout aussi importante que la synagogue romaine tardive », dit-elle. « Mais sans les mosaïques de la synagogue romaine tardive, elle n’aurait certainement pas attiré autant l’attention – et certainement pas celle du public. »
Passionnée par les synagogues des siècles suivant la destruction du Second Temple à Jérusalem, en 70 de notre ère, Magness a fait le choix de fouiller Huqoq parce que cette synagogue ancienne n’avait jamais été fouillée auparavant.
Un monde antique en technicolor
Les mosaïques découvertes cette année se composent d’un grand panneau, avec une inscription – en hébreu dans une couronne et en araméen – qui énumère le nom des donateurs qui ont permis de financer les mosaïques et celui des artistes qui les ont faites, demandant qu’on se souvienne d’eux tous pour toujours. La couronne est flanquée de lions dont les pattes antérieures reposent sur la tête de taureaux. Une bordure décorée d’animaux de proie poursuivant d’autres animaux, dont un tigre à la poursuite d’un bouquetin, complète l’ensemble.

Parmi les fragments de mosaïque découverts cette année, on relève des parties de panneaux représentant l’histoire du Samson de la Bible. L’équipe avait déjà excavé une scène représentant l’épisode de Samson et des renards mettant le feu aux champs de blé des Philistins, repris dans la Bible dans Juges 15:4, ou encore Samson portant la porte de Gaza sur ses épaules (Juges 16:3). Parmi les fragments nouvellement découverts figurent un cavalier philistin et un soldat philistin mort.
Demander à Magness de choisir une partie de la mosaïque revient, pour elle, à dire lequel de ses enfants est son préféré, même si elle a un petit faible pour les panneaux représentant l’histoire de Jonas. « Les panneaux sur Jonas sont très amusants », dit-elle. « Avec les petits pieds de Jonas qui pendent de la bouche de trois baleines, c’est très drôle. »

La mosaïque n’est pour l’heure pas visible par le public : elle a été totalement remblayée pour la conserver dans les meilleures conditions possibles.
Magness précise que l’Autorité des antiquités d’Israël et le JNF/KKL travaillent pour que le site soit ouvert aux visiteurs.
Publication, mais pas excavation
Cette année, l’équipe, composée d’étudiants de l’UNC-Chapel Hill, du Austin College, de l’Université Brigham Young et de l’Université de Toronto, a terminé les fouilles de l’intérieur de la synagogue et commencé à fouiller une belle cour pavée située à l’extérieur.
Magness, qui ne reviendra pas à Huqoq, espère qu’une autre équipe va reprendre les fouilles de la cour et de l’extérieur de la synagogue.
« Le but de l’archéologie n’est pas la fouille, mais la publication », rappelle-t-elle.
« Il serait sans doute possible de continuer à fouiller sans fin la synagogue… Nous avons trouvé énormément de choses lors des dernières campagnes de fouilles. Il est temps de se tourner vers le traitement et les préparatifs de la publication finale, ce qui va prendre des années. »

Aucune photo de la mosaïque dans son ensemble n’a été publiée dans les médias : Magness attend de le faire dans une revue à comité de lecture. Elle n’a, à ce jour, publié que des photos de fragments.
Elle concède bien volontiers que ses années de dur labeur, entre recherches et publications, ne collent pas à l’image de l’archéologue que véhicule Indiana Jones, aux yeux du grand public.
« La publication est beaucoup moins sexy : c’est un processus très long et complexe », dit-elle. Mais cela n’en est pas moins important. »
« Une fois que nous avons sorti des artefacts du sol, il est impossible de le remettre en place, raison pour laquelle les archéologues répertorient méticuleusement tout ce qu’ils font, par tous les moyens possibles », conclut Magness. « L’archéologie est un processus destructeur, et si on ne publie pas tous ces documents, alors oui, nous détruisons le passé. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel