Les Strasbourgeois de toutes religions recueillis à la cathédrale
"Nos différences ne nous séparent pas si la bienveillance nous unit", a déclaré l'archevêque de la capitale alsacienne meurtrie

Se recueillir, prier, réaliser l’inimaginable. Quelque 1 500 personnes se sont rassemblées en la Cathédrale de Strasbourg jeudi soir, quelques heures avant que Chérif Chekatt ne soit abattu, lors d’une cérémonie œcuménique pour affronter ensemble l’horreur qui a frappé la ville.
Dans un silence particulièrement lourd, les bancs de l’emblématique édifice de la capitale alsacienne se sont rapidement remplis de jeunes et moins jeunes de toutes religions.
Elodie, une étudiante de 21 ans, est venue « pour tous montrer qu’on est solidaire et qu’on ne va pas s’écrouler ».
« C’est plus que religieux, c’est de la solidarité, on peut croire en n’importe quel dieu, ça ne change pas grand chose », explique cette protestante « pas spécialement pratiquante ».
Marie-Thérèse, une catholique de 84 ans, est venue « faire la prière », car elle pense « que la prière sert à trouver la paix ».

Cette cérémonie œcuménique d’une heure s’est déroulée en présence du maire de Strasbourg, Roland Ries, et de représentants des cultes protestant, musulman et juif.
« La paix est fragile, elle est furtive, la folie meurtrière d’un seul individu suffit pour déstabiliser notre paix intérieure et ébranler notre sérénité », a déclaré le pasteur Christian Krieger, vice-président de l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL).
« Oui, la paix nécessite une attention suivie et un effort permanent. Dans notre cité, il faudra réapprendre à dépasser la peur de l’autre, la méfiance et la suspicion pour retrouver ensemble le chemin de la paix et de la sérénité », a poursuivi le pasteur.
Effet de saisissement
Les yeux rougis, Frédéric, journaliste de 49 ans, a eu lui « besoin de réaliser les choses ».
« On a vécu tellement de choses similaires mais à distance, le fait que ce soit cette fois chez nous, on a un peu du mal. Il y a un effet de saisissement et là je viens de réaliser l’instant » en repassant pour la première fois par la rue des Orfèvres, l’un des lieux de l’attentat, pour venir jusqu’à la cathédrale, raconte-t-il.
« En ce moment où nous aspirons à un bonheur pur et simple, il n’y a pas loin de la vie à la mort. Il n’y a pas de bien qui ne soit serré de mal. Rien qui ne soit imprégné de risque. Affrontons en face cette vérité intemporelle pour ne pas nous laisser surprendre par le mal », a demandé Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg.
« Le paix et la sécurité sont du lait sur le feu: elles réclament une vigilance de tous les instants », a-t-il prévenu. « Tissons et retissons des liens de personne à personne, de communauté à communauté. Nos différences ne nous séparent pas si la bienveillance nous unit », a souhaité l’archevêque.

« Je suis triste, vide à l’intérieur », explique Zahra, 58 ans, musulmane pratiquante, venue à la cathédrale « pour les familles des victimes », et qui quitte les lieux en discutant avec la femme à côté de qui elle était assise, une protestante qu’elle rencontre pour la première fois.
A la fin de la cérémonie, un homme erre dans la cathédrale une fleur à la main. Damien Besançon allait au cinéma avec sa femme le soir de l’attentat. Pendant de longues minutes, il a fait un massage cardiaque à un homme, touché par une balle à la sortie d’un restaurant, qui a fini par succomber sur place.
Les larmes aux yeux, les mains tremblantes, Damien Besançon espérait revoir à la cathédrale la femme de la victime. Pour lui demander pardon de ne pas avoir pu sauver son mari.