Levin appelle au boycott du chef du Shin Bet si la Haute Cour annule son renvoi
Le ministre de la Justice, réfutant que "cesser de coopérer" avec le chef de l'agence de sécurité nuirait à la sécurité nationale, affirme que Ronen Bar "partirait" avant que ça n'arrive

Le ministre de la Justice Yariv Levin a appelé samedi le gouvernement à « cesser de coopérer » avec le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Ronen Bar, si la Haute Cour de justice jugeait invalide la décision du cabinet de le licencier.
Levin s’est exprimé sur la Quatorzième chaîne, ouvertement favorable au Premier ministre Benjamin Netanyahu, quelques jours avant l’examen, mardi, des recours déposés contre le limogeage de Bar.
« Nous devons faire exactement ce que nous avons fait avec [le président de la Cour suprême Isaac] Amit, nous ne coopérerons pas avec lui, nous ne travaillerons pas avec lui », a précisé Levin, faisant référence à son boycott du plus haut magistrat du pays, nommé à son poste en janvier.
Interrogé sur le fait que boycotter le chef de l’agence de sécurité intérieure pouvait affaiblir la sécurité nationale du pays, Levin a rejeté l’idée qu’une telle crise pourrait durer, affirmant que cela « ne durerait même pas une semaine », car cela obligerait Bar à « se lever et partir », permettant ainsi au gouvernement de nommer un successeur.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a invoqué son manque de confiance en Bar pour justifier sa destitution par le cabinet. Les opposants à Netanyahu ont noté qu’il avait étroitement collaboré avec Bar jusqu’à ces derniers mois, et que Bar avait joué un rôle clé dans l’équipe de négociation d’Israël concernant l’accord de cessez-le-feu et la libération des otages.
Les recours déposés contre la décision du gouvernement de licencier Bar ont fait valoir qu’en prenant cette décision, le Premier ministre se trouvait en situation de conflit d’intérêts en raison de l’enquête en cours du Shin Bet sur d’éventuels liens illégaux entre ses proches collaborateurs et des responsables qataris.

Les recours seront examinés par un comité composé du président de la Cour suprême, Isaac Amit, du vice-président de la Cour suprême, Noam Sohlberg, et de la juge Daphne Barak-Erez.
Ces trois juges sont les plus hauts magistrats du pays. Amit et Barak-Erez sont tous deux libéraux, tandis que Sohlberg est conservateur.
Dimanche, le Premier ministre et le gouvernement ont qualifié les recours déposés contre le limogeage de Bar de « non-sens » et « dépourvus de fondement juridique, de cause appropriée et de base factuelle », dans leur réponse aux recours.
Cette réponse a été déposée par Me Zion Amir, qui agit en tant que conseiller indépendant pour les défendeurs depuis que la procureure générale s’est opposée au renvoi de Bar.
Me Amir a écrit dans la réponse que les recours contre la révocation du chef du Shin Bet sont « une tentative d’exproprier le gouvernement d’Israël, et par extension le peuple qui l’a élu, de son autorité et de son obligation fondamentale pour la sécurité de l’État d’Israël et de ses citoyens ».
Me Amir a ajouté que ces recours ne visaient pas à obtenir des procédures administratives appropriées, mais plutôt à « renverser les arrangements gouvernementaux » par lesquels « le pouvoir judiciaire prendrait les rênes du gouvernement à la place du pouvoir exécutif » et, en ce qui concerne spécifiquement le Shin Bet, à violer la loi de 2002 relative à cette institution qui donne expressément au Premier ministre et au gouvernement le pouvoir d’engager et de licencier le chef de l’agence de sécurité intérieure.
« Le tribunal n’est pas l’instance qui doit déterminer qui dirige le Shin Bet. Il n’a pas l’autorité, il n’a pas les outils, et il n’a pas la responsabilité qui découle de ces décisions, qui sont toutes entre les mains du peuple par l’intermédiaire de ses élus », a écrit Me Amir.
Les requérants font valoir que, bien que le Premier ministre et le gouvernement aient le pouvoir d’embaucher et de licencier le chef du Shin Bet, ces décisions, comme toutes les décisions administratives, sont soumises à un contrôle judiciaire.
Ils soutiennent que la décision de licencier Bar était une décision politique et personnelle due à la frustration de Netanyahu envers Bar pour des raisons non professionnelles.
Vendredi, Bar a adressé une lettre à la Haute Cour, dans laquelle il affirme que Netanyahu lui avait demandé à plusieurs reprises d’informer les magistrats en charge de son procès pour corruption qu’il ne devait pas être autorisé à témoigner régulièrement devant le tribunal pour des raisons de sécurité.
Bar a indiqué dans sa lettre que c’était son refus d’accéder à la demande de Netanyahu qui avait été à l’origine de la rupture de confiance entre les deux hommes.
La menace de Levin de refuser de travailler avec Bar n’est pas le premier ultimatum de ce type lancé par le ministre de la Justice, connu pour son attitude belliqueuse.
En janvier, après la nomination d’Amit à la tête de la Cour suprême, Levin avait qualifié le processus de sélection de « fondamentalement illégitime », avait déclaré qu’il ne le reconnaissait pas comme président de la Cour et affirmé qu’il ne travaillerait pas avec lui sur les affaires essentielles de la justice.
Passant de Bar à une autre personnalité que Levin et d’autres membres du gouvernement considèrent comme faisant obstacle à leur programme de droite, Levin a déclaré au micro de la Quatorzième chaîne qu’il pensait que la destitution de la procureure générale Gali Baharav-Miara serait un « processus difficile », mais qu’il serait finalement couronné de succès.
Levin est le fer de lance du processus visant à évincer Baharav-Miara de son poste en raison de ce qu’il a qualifié de « conduite inappropriée » et de « divergences d’opinion substantielles et prolongées » entre elle et le gouvernement, ce qui, selon lui, empêche une coopération efficace.
Le mois dernier, le cabinet a voté à l’unanimité en faveur d’une motion de censure à son encontre, déclenchant ainsi une procédure de révocation officielle qui nécessite l’avis d’un groupe d’experts qui n’a pas encore été entièrement constitué.
« Je pense que la procureure générale finira par être renvoyée, mais le processus est difficile et long », a déclaré Levin.
Il a reconnu que, comme pour Bar, la tentative d’éviction de Baharav-Miara serait certainement contestée devant la Haute Cour.
« Il se peut que [la destitution] soit annulée une fois, puis à nouveau, mais si nous sommes déterminés, nous réussirons », a-t-il assuré.