Israël en guerre - Jour 538

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Interview

L’ex-chef du Mossad : Jusqu’à ce que nous traitions les Palestiniens avec dignité, la paix nous échappera

Efraim Halevy attaque Netanyahu et Bennett pour leurs politiques sur Jérusalem ; les élections offrent "un choix unique"

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Efraim Halevy, ancien directeur du Mossad. (Crédit : Eli Itkin/CC BY-SA/Wikimedia Commons)
Efraim Halevy, ancien directeur du Mossad. (Crédit : Eli Itkin/CC BY-SA/Wikimedia Commons)

Il n’y aura jamais la paix au Moyen-Orient tant que des Israéliens ne traiteront pas les Palestiniens comme des égaux, a déclaré Efraim Halevy la semaine dernière, accusant les hauts responsables du gouvernement de pratiquer des politiques « condescendantes » envers les Palestiniens.

Dans une longue interview avec le Times of Israel, l’ancien chef de l’agence de renseignements du Mossad a accusé le gouvernement sortant, notamment le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de l’Economie Naftali Bennett, de violer le fragile statu quo à Jérusalem. Les élections de mars 2015 sont non seulement un référendum sur le leadership d’Israël, pointe-t-il, mais constituent une occasion inédite de décider de la politique d’Israël vis-à-vis du processus de paix.

Le traité de paix de 1979 entre Israël et l’Egypte a été rendu possible par le fait que les deux parties se considéraient comme les vainqueurs de la guerre du Yom Kippour six ans plus tôt, selon Halévy. Menahem Begin et Anouar el-Sadate n’ont pu parvenir à un accord que parce qu’ils se considéraient comme des « égaux » – et c’est précisément ce cadre d’égalité, qui permet aux deux parties de se sentir dignes, qui est nécessaire pour l’établissement d’une paix entre Israéliens et Palestiniens, explique-t-il.

« Je ne pense pas que nous progresserons jusqu’à ce que ce moment-là arrive, et je crains que cela prendra très longtemps avant qu’il n’arrive, s’il arrive, » dit-il. « Et sinon, il n’y aura jamais de paix entre nous et les Palestiniens. Le cas échéant, nous sommes condamnés à une lutte sur le très long terme. »

Israël survivra même en l’absence de paix parce que l’État ne connaît pas de menaces existentielles, ajoute Halevy, qui a dirigé le Mossad de 1998 à 2002, avant de servir comme conseiller à la sécurité nationale sous le mandat du Premier ministre Ariel Sharon. « Mais quelle sera la qualité de notre survie ? Je l’ignore. »

Les prochaines élections à la Knesset sont la dernière chance d’Israël de choisir une direction qui englobe la paix et la réconciliation, selon Halévy.

« Les élections ne sont pas seulement un plébiscite sur la question de savoir qui sera Premier ministre. La question est quelle sera la politique. Et en choisissant A ou B ou C vous soutenez une politique. La sécurité n’est pas une politique. Tout le monde soutient la sécurité. Mais les gens l’interprètent différemment », dit-il.

Lorsque les Israéliens se rendront aux urnes le 17 mars 2015, ils décideront « comment traiter l’autre côté », déclare Halevy. « La décision cette fois ne sera pas que sur la personne choisie, mais sur ce qui sera réalisé. Pas sur qui déterminera les politiques, mais sur ce que seront ces politiques. »

Concernant le résultat de l’opération Bordure protectrice cet été à Gaza, il suggère que l’objectif de Netanyahu était tout simplement de restaurer le calme et d’empêcher le Hamas d’atteindre son but.

« Notre réussite n’avait rien de constructif. Le succès était que l’autre côté n’a rien reçu. Qu’avons-nous obtenu ? Nous n’avons besoin de rien. Nous ne cherchions pas quoi que ce soit de politique, parce que nous ne voulons pas conclure d’affaires avec eux », explique Halevy.

Les Israéliens affrontent un problème difficile avec les Palestiniens, poursuit l’ancien maître espion. « Dans nos tripes, nous sentons, d’une manière ou une autre, que c’est eux ou nous. Nous croyons que nous sommes supérieurs à eux. Nous croyons que nous sommes mieux organisés, mieux équipés, beaucoup plus expérimentés. Nous savons comment mener nos affaires. Et en fait, nous sommes aux commandes. Et c’est presque humainement impossible dans une telle situation de mener une négociation, car pour que se produise quelque chose à la fin, vous devez atteindre le point où vous êtes à égalité avec l’autre camp. »

Halevy critique Bennett pour un article d’opinion publié dans The New York Times du 5 novembre, dans lequel le chef du parti HaBayit HaYehudi a défendu sa vision d’une solution à un Etat. Le plan de Bennett comprend une annexion de 60 % de la Cisjordanie et une mise à niveau de l’ « autonomie palestinienne » dans la partie restante. Rejetant la solution à deux Etats, Bennett plaide pour « des constructions massives de routes et d’infrastructures » et pour la construction de « ponts économiques de la paix » entre Israéliens et Palestiniens vivant dans un même Etat. « Le secret est une paix ‘depuis le fond’ », a écrit Bennett.

Si Halevy évite les attaques personnelles explicites, il désapprouve fortement le plan de Bennett.

Pour que les négociations de paix aboutissent, Israël doit essayer de regarder la question du point de vue de l’autre côté « et ne pas être condescendant », soutient Halévy. « Qu’est-ce qu’une paix ‘depuis le fond’ ? N’est-ce pas un terme condescendant ? ‘Regardez, vous êtes au fond’. Nous ne sommes pas au fond, vous êtes au fond. Nous sommes déjà au sommet. L’utilisation du terme ‘depuis le fond’ signifie que vous êtes au fond. »

HaBayit HaYehudi a répondu que depuis 20 ans, Israël essaye de parvenir à une solution à deux Etats « mais a échoué et il est donc temps de s’ouvrir à de nouvelles idées au lieu de les rejeter immédiatement ».

Le plan de Bennett consiste à proposer la citoyenneté israélienne aux Palestiniens vivant dans les parties de la Cisjordanie qu’il souhaite annexer. Ainsi, Halevy demande si Bennett a également l’intention d’accorder la citoyenneté aux 400 000 habitants arabes de Jérusalem-Est qui, actuellement, n’ont que le statut de résidents. « Je ne pense pas que tout cela a été pensé », accuse Halevy.

Halevy fustige également le gouvernement actuel pour sa politique sur Jérusalem, en particulier lorsqu’il permet aux Juifs nationalistes de se déplacer dans la partie orientale de la ville. En octobre, des dizaines d’Israéliens ont emménagé dans des maisons de Silwan, un quartier arabe de Jérusalem-Est, attirant de fortes critiques internationales.

Bennett a fêté cela comme un « événement historique » et Netanyahu l’a également salué.

« Nous avons décidé de commencer à nous déplacer à Jérusalem, » fulmine Halevy. « C’est un changement de politique, un changement de stratégie. »

Les négociateurs de paix israéliens soutiennent depuis toujours que parmi les quatre sujets dits de base – les frontières, la sécurité, les réfugiés et Jérusalem – la Ville sainte serait abordée en dernier parce que c’est le sujet le plus complexe et le plus passionné. « Nous avons changé la stratégie. Nous disons, non, Jérusalem ne sera pas le sujet de la fin, Jérusalem sera traitée aujourd’hui. Aujourd’hui, ils déménagent [à Silwan]. Aujourd’hui, cela change. »

« Nous avons mis à Jérusalem à l’avant-garde, dit-il. Le fait que [Netanyahu] ait finalement sanctionné ce qui est arrivé à Silwan importe peu. La politique est : je peux construire et vivre n’importe où je veux à Jérusalem parce que je suis un Juif ».

Aux yeux de tout observateur objectif, le gouvernement israélien adopte des mesures à Jérusalem qui ne sont « pas favorables au statu quo » accuse-t-il.

Halevy hésite à définir ses propres idées sur la paix. La solution à deux Etats est selon lui le scénario le plus souhaitable, mais le moins probable. Un arrangement à un seul Etat est le résultat le moins souhaitable, mais le plus probable. « Dans une situation comme celle-là, vous devez chercher une solution intermédiaire, » tout en veillant à ce que les deux parties gagnent quelque chose et se sentent respectées.

Il n’y a pas de mot en hébreu pour dignité, lui a dit un ami observant. Le monde arabe se sent inférieur depuis longtemps, et les Israéliens disent aux Arabes qu’ils ne souffrent pas d’un complexe d’infériorité, mais qu’ils sont bel et bien inférieurs, observe Halevy.

« Le problème au cours du temps est qu’ils aspirent à une dignité, et la dernière chose que nous faisons est de s’adresser à eux de manière à leur donner un peu de ce sentiment de dignité. »

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