L’explosion des bipeurs du Hezbollah aurait été activée individuellement, avec des informations précises sur les cibles
La chaîne N12 a précisé que l'attaque avait été conçue pour ne toucher que le seul possesseur de l'appareil de communication ; elle a cité des sources qui affirment qu'Israël a des capacités bien plus larges encore au Liban
L’explosion des bipeurs appartenant à des membres du groupe terroriste du Hezbollah – une opération qui a eu lieu au Liban mardi et qui a fait des milliers de blessés – a été déclenchée individuellement, selon un reportage qui a été diffusé sur une chaîne de télévision, samedi dans la soirée. Les attaquants savaient pertinemment qui était visé, où leurs cibles se trouvaient et si d’autres personnes se tenaient à proximité.
Dans un long reportage qui s’est appuyé sur des sources israéliennes et étrangères, la chaîne N12 a affirmé que les responsables de ces explosions étaient bien déterminés à faire en sorte que seul le possesseur de l’appareil de communication soit touché dans le cadre de cette attaque sophistiquée.
« Chaque bipeur avait ses propres agencements. C’est ainsi qu’il a été possible de contrôler qui a été touché et qui ne devait pas l’être », a dit une source proche de services de sécurité étrangers, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
« Les attaquants savaient avec qui et où leur cible se trouvait – afin que le vendeur de légumes, au supermarché, ne soit pas blessé » lors de l’explosion, a noté la source, qui faisait ici référence à des images montrant un homme apparemment blessé lors de l’explosion de son appareil de communication alors qu’il se tenait à côté d’un étal de fruits et légumes.
Au moins 30 personnes avaient trouvé la mort et des milliers d’autres personnes avaient été blessées lorsque des bipeurs et des talkies-walkies utilisés par les hommes du Hezbollah avaient explosé sur tout le territoire libanais dans les journées de mardi et de mercredi, dans le cadre d’une attaque coordonnée dont la responsabilité a été largement attribuée à Israël après des mois d’attaques transfrontalières du groupe terroriste libanais.
Le reportage de N12 a révélé des détails concernant cette opération sans précédent, dont Israël n’a pas officiellement reconnu avoir été à l’origine.
A video circulating on social media purports to show the moment that a pager used by a Hezbollah operative exploded in Lebanon. According to Lebanese media, dozens were injured after Israel allegedly hacked the devices and detonated them. https://t.co/1RMiF8wqAA pic.twitter.com/b07wTuRQ0N
— Emanuel (Mannie) Fabian (@manniefabian) September 17, 2024
Citant une source proche des services de sécurité étrangers – qui a refusé d’être identifiée – le reportage a noté que « des dizaines de milliers de bipeurs » avaient été produits et fabriqués avec la certitude qu’ils seraient, par ailleurs, minutieusement examinés par leur acquéreur, le Hezbollah.
Ronen Bergman, journaliste d’investigation pour le New York Times et pour le Yedioth Ahronoth, qui a été interrogé dans le cadre du reportage, a expliqué que les appareils étaient ainsi tenus de fonctionner de manière satisfaisante et que rien ne devait indiquer la présence possible présence de matière explosive. L’apparence et le poids des bipeurs et des talkie-walkies devaient donc ne pas changer et les appareils devaient pouvoir passer l’épreuve des chiens renifleurs.
Bergman a raconté que l’ensemble du projet avait été imaginé par une femme « brillante », a-t-il précisé, qui travaille pour les services de renseignement quelque part au Moyen-Orient. Elle serait âgée de moins de trente ans.
La chaîne a fait savoir que cette jeune femme avait pris la décision de créer une usine pour fabriquer les appareils de toutes pièces – « ainsi, ce ne sera pas un appareil que nous devrons trafiquer mais un appareil que nous allons produire ». Des informations qui ont été confirmées par le New York Times dans un article publié jeudi.
Cet approvisionnement en bipeurs et autres talkie-walkies a été rendu plus facile dans la mesure où le groupe terroriste n’est pas en capacité d’effectuer ses achats sur le marché, les fournisseurs craignant des sanctions de la part des États-Unis. En conséquence, l’organisation travaille régulièrement avec des fournisseurs intermédiaires.
Bergman a également déclaré que le coup d’envoi initial de l’opération avait été donné sous le gouvernement précédent, qui était placé sous l’autorité du Premier ministre Benjamin Netanyahu et sous la direction de l’ancien chef du Mossad, Yossi Cohen.
Il a indiqué que lorsque l’armée israélienne et le ministre de la Défense Yoav Gallant avaient insisté, le 10 octobre, sur la nécessité, pour Israël, d’attaquer le Hezbollah plutôt que de concentrer son attention sur Gaza – c’était au lendemain du pogrom du 7 octobre – « on peut raisonnablement penser » que l’opération « bipeurs » aurait eu lieu à ce moment-là, avec une campagne aérienne lourde sur le Hezbollah qui aurait ensuite suivi.
L’armée israélienne s’était finalement focalisée sur Gaza – et depuis, le Hezbollah attaque quasi-quotidiennement les communautés israéliennes et les postes militaires qui sont installés le long de la frontière. L’organisation affirme procéder à ces frappes en signe de solidarité avec l’enclave côtière, dans le cadre de la guerre qui s’y déroule actuellement.
Le reportage qui a été diffusé par la chaîne N12 – qui a été approuvé au préalable par le censeur militaire – a indiqué que le Hezbollah avait acheté un plus grand nombre de bipeurs après la mort, lors d’une frappe aérienne israélienne, de son chef militaire Fuad Shokor à Beyrouth, au mois de juillet. Le groupe terroriste avait compté sur ses appareils plus fortement encore en raison de sa méfiance croissante à l’égard des téléphones mobiles. Le Hezbollah, a dit N12, pensait depuis longtemps qu’Israël représentait une menace pour ses communications par téléphone mobile en cas d’escalade majeure, ce qui l’avait convaincu d’utiliser de manière importante ces nouveaux bipeurs.
Le reportage a rappelé qu’au mois de février, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait conseillé à ses hommes de ne pas porter sur eux de téléphones mobiles qui, selon lui, pouvaient être utilisés pour les traquer et pour surveiller leurs communications.
Alors que la chaîne a répété, comme l’ont évalué un grand nombre d’observateurs, que les bipeurs ont explosé cette semaine parce que des terroristes avaient fait part de leur méfiance à l’égard des appareils, elle a également cité une source issue des services de sécurité d’un pays étranger qui a déclaré que ce n’était toutefois pas le cas, et qu’Israël avait simplement décidé d’intensifier ses actions contre le Hezbollah.
Amos Yadlin, ancien chef des services de renseignement de Tsahal, a fait savoir plus largement que l’objectif poursuivi par Israël était d’amener Nasrallah à prendre conscience du fait que ses attaques à l’encontre du nord de l’État juif « lui coûtent plus qu’elles ne lui rapportent », notamment en matière de soutien au sein de la population libanaise.
Le reportage a noté qu’il avait été jugé « préférable » que le grand nombre de terroristes du Hezbollah dont les appareils ont explosé soient gravement blessés et non tués – notamment en raison des pressions énormes exercées sur les services de la santé au Liban et, par conséquence, en raison des pressions intérieures accrues qui seraient irrémédiablement subies par le Hezbollah.
Une source proche des services de sécurité d’un pays étranger a fait remarquer que l’opération n’était en aucun cas considérée comme une attaque stratégique – notant qu’Israël disposait de capacités beaucoup plus spectaculaires.
La source a ajouté qu’Israël a passé des années à développer ces différents moyens de manière à pouvoir les utiliser contre le Hezbollah et l’Iran, mais que l’État juif n’avait pas pris en compte le Hamas à ce moment-là – sous-estimant apparemment le danger posé par le groupe terroriste palestinien basé à Gaza. Un manque d’anticipation qui permet d’expliquer partiellement, a-t-elle expliqué, l’échec à prévenir le pogrom du 7 octobre. Et les capacités qui ont été utilisées jusqu’à présent au Liban sont « relativement faibles », a dit la source.
Après la diffusion du reportage, Eyal Hulata, ancien Conseiller à la sécurité nationale, a déclaré devant les caméras de N12 que des milliers d’Israéliens œuvraient, depuis des années, à créer des capacités destinées à assurer la sécurité d’Israël.
« Il y a plus de moyens comme ceux-ci », a-t-il dit en faisant référence aux événements survenus récemment au Liban. Hulata, qui est également un ancien chef du bureau technologique du Mossad, a confié qu’il était déterminant que les Israéliens en soient bien conscients au vu de la méfiance éprouvée par les citoyens à l’égard de l’establishment de la sécurité, mis en cause pour ne pas être parvenu à prévenir le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre.
Le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Herzi Halevi, avait tenu les mêmes propos lorsqu’il avait indiqué, à l’occasion d’une visite au Commandement du nord, dans la journée de mercredi, qu’Israël disposait de « beaucoup plus de capacités » qui n’avaient pas encore été utilisées dans le cadre de la lutte contre le Hezbollah.
« Nous sommes très déterminés à mettre en place les conditions de sécurité qui permettront aux habitants [du nord] de rentrer chez eux, dans les villes, avec un niveau élevé de sécurité, et nous sommes prêts à faire tout ce qui sera nécessaire pour permettre cela », avait dit Halevi dans une vidéo qui avait été diffusée par Tsahal.
« La règle est que chaque fois que nous franchissons une certaine étape, nous nous sommes d’ores et déjà préparés à avancer avec force au cours des deux étapes suivantes. Et à chaque étape, le prix à payer pour le Hezbollah doit être élevé », avait-il expliqué.
Jusqu’à présent, les hostilités ont entraîné la mort de 26 civils du côté israélien, ainsi que celle de 22 soldats et réservistes de Tsahal. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie – il n’y a pas eu de blessé à déplorer.
Le Hezbollah a donné les noms de 502 de ses membres qui ont été tués par Israël au cours des affrontements en cours, principalement au Liban, mais aussi en Syrie. Soixante-dix-neuf membres d’autres groupes terroristes, un soldat libanais et des dizaines de civils ont également perdu la vie.
Israël a averti à plusieurs reprises que le pays ne pouvait plus tolérer la présence du Hezbollah le long de sa frontière après les atrocités du 7 octobre, et que si une solution diplomatique devait rester hors de portée, l’État juif n’hésiterait pas à recourir à l’action militaire pour repousser le Hezbollah vers le nord.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.