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L’internement des tsiganes: une histoire de méfiance au Mémorial de la Shoah

Une exposition montre que la discrimination multiforme des tsiganes a précédé l'oppression nazie et s'est prolongée après la Libération

"Famille de Bohémiens", Eugène Trutat, conservée au Muséum de Toulouse. (Domaine public)
"Famille de Bohémiens", Eugène Trutat, conservée au Muséum de Toulouse. (Domaine public)

La discrimination multiforme des tsiganes et leur internement en France de 1940 à 1946 n’est pas d’abord la conséquence de l’oppression nazie, c’est l’histoire d’une longue méfiance française, montre une exposition poignante au Mémorial de la Shoah.

Entre septembre 1939 et avril 1940, l’interdiction de circulation et l’assignation à résidence des familles nomades sont déjà décrétées. Elles rendent aisé l’internement à partir d’octobre 1940 de plus de 6 500 personnes, dont de nombreux enfants, portant pour la plupart des patronymes français, dans plus de trente camps.

Des mesures d’assignation ont donc précédé l’arrivée des occupants allemands, et l’internement se prolongera jusqu’en 1946, bien après la Libération.

C’est seulement en octobre 2016 que le président François Hollande, à l’ancien camp de Montreuil-Bellay, admettra la responsabilité de la France, 47 ans après le remplacement du régime des nomades par celui des « gens du voyage », et quatre ans après la suppression de leur dernier carnet de circulation.

Vestiges du camp de concentration de Montreuil-Bellay (Crédit : Wikipédia)

Cette exposition vaut par les très touchants documents personnels qui documentent ce drame complexe : des lettres de mères tsiganes internées évoquant la misère et la faim, les décès des enfants les plus fragiles, des réponses administratives glaçantes, les proclamations fières d’anciens combattants qui se sont battus pour la France, les textes des lois et décrets placardés sur les murs des villages, les humiliations des contrôles permanents, les reproductions de carnets anthropométriques jaunis, quelques beaux actes de solidarité aussi.

L’exposition démarre aux dernières années du XIXème siècle. En 1897, un recensement général des nomades vagabonds est mené. Ils doivent se faire photographier et laisser leurs empreintes, et tous leurs déplacements devront être visés.

L’exposition présente les rumeurs sur le « bohémien voleur d’enfants » et autres idées reçues que l’on retrouve jusque dans Bécassine, et l’idée que l’internement (accompagné de la scolarisation obligatoire) servira à la sédentarisation.

Des religieuses s’interneront volontairement dans les camps pour scolariser et catéchiser une population d’enfants en majorité catholique.

« Les nomades perdront tout »

Sophie Nagiscarde. (Crédit ; capture d’écran YouTube)

Pour Sophie Nagiscarde, coordinatrice de l’exposition, il n’y a pas eu en pleine guerre « de protestation contre l’internement de familles entières, mais beaucoup d’indifférence et pas de condamnation en chaire de l’Eglise catholique ».

Selon Théophile Leroy, qui a coordonné le comité scientifique, les nomades « sont toujours frappés de suspicion, considérés comme des ennemis de l’intérieur », et cette hystérie s’accroît dans l’atmosphère fébrile qui précède les deux conflits mondiaux.

Ainsi, une lettre d’un maire, datée du 18 mai 1940 au préfet des Pyrénées Orientales, est signée par tous les habitants de la commune d’Ille sur Tet. Elle s’oppose à une circulaire du préfet demandant d’accueillir les nomades d’un arrondissement voisin.

« Connaissant la mentalité des nomades, les propriétaires-cultivateurs envisagent avec effroi le danger de cet exode (…) Ils sont persuadés que l’on pourrait trouver des terrains non cultivés où les nomades pourraient être parqués sans danger pour les cultures et où il serait possible d’exercer une surveillance de tous les instants », propose l’édile.

Tampon du camp de concentration de nomades de Montreuil-Bellay, 23 janvier 1943. (Domaine public)

Théophile Leroy relève que – durant la guerre – « lors de leur arrestation, les nomades perdront tout » et qu’aucun d’entre eux (ou leurs descendants) « ne récupérera quelque chose, encore aujourd’hui », faute d’une loi prévoyant des réparations.

« Cette exposition entend aussi démontrer par les écrits que ce ne sont pas des victimes passives, qu’ils jouent avec leurs relations, leurs liens de solidarité pour quitter les camps, mais se heurtent à d’immenses difficultés administratives », souligne le chercheur. Beaucoup jouent de leurs relations pour se faire embaucher dans des fermes.

Mme Nagiscarde souligne que si le « convoi Z » de janvier 1944 vers Auschwitz comptait des tsiganes de l’extrême nord de la France, c’était un ordre du Haut commandement allemand de Bruxelles. « Il n’y pas eu une politique de génocide du gouvernement de Vichy, les tziganes n’étant pas définis, contrairement aux juifs, par des critères raciaux ».

Le Mémorial de la Shoah, à Paris. (Crédit ; CC BY-SA 1.0)

Le Mémorial de la Shoah présente « L’internement des nomades, une histoire française » après d’autres expositions thématiques : génocide des Hérero sous l’Empire allemand dans ce qui est aujourd’hui la Namibie (1904/1908), génocide des Arméniens sous l’Empire ottoman, génocide des Tutsis au Rwanda.

L’exposition est présentée jusqu’au 17 mars.

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