L’Israélienne qui s’empoisonnait lentement pour nous sauver des retombées nucléaires
Pr Brenda Laster est tellement convaincue que grâce à son traitement radical, le système immunitaire pourrait combattre les effets de la radiation qu’elle l’essaye sur elle-même ; d'autres experts sont loin d'être convaincus

Un professeur à la retraite vivant dans la ville du désert de Meitar croit avoir découvert un vaccin potentiel qui, injecté avant une attaque nucléaire, permettrait de réduire les dommages physiologiques des radiations.
Sa théorie, non encore testée, se fonde autour de la notion que les humains peuvent être vaccinés contre une radiation de la même manière qu’ils sont vaccinés pour un virus : en absorber de petites quantités pour « enseigner » au corps comment réagir devant de grandes quantités soudain présentes.
Tout comme le système immunitaire réactif « se souvient, réagit rapidement, et nous protège », disons, de la variole, une fois qu’elle été initialement introduite en petite dose sous forme de vaccin, les dégâts d’une radiation, qui déclenche une sécrétion incontrôlée de peroxyde d’hydrogène dans le corps, seront gérés, dit Pr Brenda Laster, qui enseignait le génie nucléaire appliqué à la médecine à l’université Ben Gurion du Néguev.
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Selon l’hypothèse de Laster, toutes les expositions aux rayonnements ne sont pas cancéreuses et le peroxyde d’hydrogène, livré à petites doses sur une longue période de temps, peut entraîner le système immunitaire réactif de l’organisme à reconnaître l’agression et à la combattre.
Laster et son assistante de recherche en laboratoire, Carol Isaacson, ont mis au point « une réponse immunitaire » chez la souris, trois semaines après que son eau potable a été remplacée par une solution diluée de peroxyde d’hydrogène.
Maintenant, tout ce dont Laster et Isaacson ont besoin, c’est un financement.
Une radiation « seuil » pour les humains ?
Dr Zvi Symon du Centre médical Sheba, n’est pour sa part pas convaincu. « Cela semble sauvage, » dit-il.
Symon, directeur du département de radiation oncologique de l’hôpital, donne un exemple pour expliquer son scepticisme à l’égard de ce genre d’immunité progressive.
Disons, commence-t-il, qu’ « il y a cet acide – l’acide sulfurique, disons – et que le jeter au visage de quelqu’un le tuera et brûlera son visage. » Si quelqu’un vous dit, poursuit-il, que « si vous utilisez de très faibles quantités d’acide, et que vous les injectez, alors il ne vous brûlera pas – le croiriez-vous ? »
Pour Laster, cependant, il existe une nette différence entre les deux. Les systèmes immunitaires des souris, et peut-être des gens, pourraient développer une résistance aux radiations à haute dose, maintient-elle.
Quand les gens sont exposés à des radiations, dit Laster, certaines molécules hautement réactives sont créées. Pour les neutraliser, le corps libère certains anti-oxydants pour convertir ces radicaux libres en oxygène inoffensif et en peroxyde d’hydrogène potentiellement dangereux.
À fortes doses, ce processus peut être dommageable, mais Laster est convaincue que l’ingestion de petites quantités de peroxyde d’hydrogène prépare le corps aux effets de l’exposition aux radiations. Elle en est si certaine, en effet, que depuis 2009, elle absorbe une dose quotidienne de substance chimique faite maison.
« J’ai dit à Carol, » raconte-t-elle, « le jour où tu donnes du peroxyde d’hydrogène à la souris est le jour je commence à en prendre aussi. »
Laster, qui a immigré en Israël en provenance des États-Unis en 1997, a complété son doctorat – sur les systèmes binaires pour améliorer la radiothérapie du cancer – à l’âge de 49 ans. Peu après, elle s’est trouvée au milieu d’une controverse quant à savoir si toute exposition à la radiation provoque le cancer.
Les études effectuées après le bombardement américain des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki ont prouvé que la radiation à haute dose provoque le cancer, mais, dit Laster, aucune étude n’a été faite sur une population exposée à faible dose.
Symon, cependant, maintient que même une faible dose peut être nocive.
« Exposer les gens à de petites quantités de radiation ou à des radicaux libres est une idée sauvage et réellement dangereuse, sans doute » dit-il.
« Je ne pense pas que cela ait une quelconque valeur scientifique. »
Mais Laster croit qu’il y a un seuil en dessous duquel l’exposition n’est pas nocive. « Il n’y a rien dans ce monde qui n’ait pas un seuil, » dit-elle.
« Même l’arsenic, qui à des niveaux élevés est un poison », ajoute Isaacson, « est utilisé à de faibles niveaux comme tonifiant. »
Mais la radiation, dit Symon, est dangereuse même en petite quantité émise lors d’une radiographie.
« Quand ils réalisent une radiographie sur des enfants », dit-il, « aujourd’hui, ils y réfléchissent à deux fois car dans 20 ans cela peut causer un cancer secondaire. »
Quand une personne est exposée à une radiation, explique Symon, un tiers des dommages vient du bombardement direct de particules de photons subatomiques sur l’ADN et les deux autres tiers des radicaux libres, de molécules réactives dans le corps qui peuvent causer le cancer, des accidents vasculaires cérébraux et d’autres effets négatifs.
Uzi Evan, professeur émérite de chimie physique à l’université de Tel Aviv et ancien scientifique nucléaire à Dimona, est d’accord avec Laster dans une certaine mesure, affirmant que « le modèle actuel de calcul du risque de rayonnement est dépassé et doit être réexaminé. » Il note en outre que des données plus récentes, recueillies après Tchernobyl et Fukushima, « montrent que le danger d’une exposition à une radiation de faible niveau est probablement surestimé. »
Mais le reste de la théorie de Laster, dit-il, traite de fonctions médicales, trop éloignées de son domaine d’expertise.
Les cellules reconnaissent des motifs de danger
Selon Laster, la réflexion commune sur le cancer radio-induit est qu’il se déclare lorsque des cellules brisées et mutées d’ADN deviennent des cellules cancéreuses.
Après enquête, cependant, Laster a rejoint l’école de pensée qui croit que, puisque les cellules humaines renferment 70 % d’eau, 100 fois plus que la teneur d’une cellule d’ADN, il y a une plus grande chance que la radiation interagisse avec une molécule d’eau qu’avec les cellules d’ADN.
Cette interaction avec l’eau, conclut Laster, provoque la création d’une superoxyde très énergique et très réactive et le corps, qui cherche à se défendre, envoie une abondance d’enzymes anti-oxydants s’y agripper et la changer immédiatement en peroxyde d’hydrogène et d’oxygène.
De fortes concentrations de peroxyde d’hydrogène créent une inflammation rapide et le corps réagit en envoyant des globules blancs à la rescousse. « Si cette inflammation devient chronique, le corps ne possède pas les ressources nécessaires pour la réparer, ce qui peut à son tour conduire à un cancer », dit Laster.
De plus, les globules blancs qui circulent dans le corps pour lutter contre les menaces extérieures sécrètent encore plus le peroxyde d’hydrogène. « Alors maintenant, nous parlons d’une deuxième source de peroxyde d’hydrogène près d’une zone où il y avait danger ou des dommages causés à une cellule », dit-elle.
Sans contrôle, cela peut être mortel.
Laster estime que l’ingestion de peroxyde d’hydrogène enseigne au corps à se protéger. « Je pense que je déclenche des dommages aléatoires, » dit-elle des 3-5 gouttes de peroxyde d’hydrogène qu’elle ajoute quotidiennement à son eau.
« Je bois et cela circule dans mon corps. Il crée des DAMPs – motifs moléculaires associés aux dégâts – là où il s’arrête, mais à un niveau si lent que je n’ai pas d’inflammation ». Ces DAMPs variés sont captés par les cellules et transférés au système immunitaire adaptatif, qui, par exemple, dirait à propos de la variole, « ô mon Dieu, c’est la variole et je dois me protéger contre cela. »
La prochaine fois que les cellules rencontreront le même schéma, « elles s’activeront très rapidement et ne laisseront pas l’inflammation affecter le corps, » dit-elle.
Pourtant, elle n’a pas été en mesure d’obtenir un financement pour d’autres tests nécessaires sur des souris.
« Personne ne comprend ce concept, » dit-elle. « Personne ne fait le lien entre le virus et les bactéries de la radiation et ainsi de suite. »
Selon Isaacson, les gens pensent à la radiation en termes de dommages physiques. « Ils pensent en termes de brûlures mais pas au niveau moléculaire, » dit-elle. « Et donc ils construisent des boucliers et des bunkers, mais personne ne se penche sur les dommages causés à l’organisme lui-même. »
Mais même si cette immunité pourrait être créée chez la souris, pointe Symon, cela pourrait ne pas être le cas chez les êtres humains.
« Une expérience sur 10 000 qui fonctionnent sur un animal fonctionne sur un humain, » dit Symon. Les êtres humains ne sont tout simplement pas des souris, conclut-il.
Judah Ari Gross a contribué à cet article.
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