May Golan promet de travailler avec tous les groupes juifs si elle est nommée à NY
Face aux craintes, l'élue d'extrême droite se dit déterminée à renforcer les liens entre Israël et les juifs américains ; les libéraux critiquent ses positions et commentaires passés
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – May Golan, membre du Likud, a déclaré jeudi que si elle acceptait le poste diplomatique prestigieux de consul général d’Israël à New York, elle prévoyait de travailler avec toutes les organisations juives.
Ces propos font suite aux inquiétudes exprimées par certains dirigeants juifs et d’anciens diplomates, qui craignent que la législatrice d’extrême droite ne nuise aux liens entre Israël et la diaspora.
La première fois que la députée d’extrême droite originaire de Tel-Aviv a fait parler d’elle était avec sa campagne pour l’expulsion des demandeurs d’asile africains. Connue pour sa fougue et ses déclarations scandaleuses, elle a notamment comparé l’ancien Premier ministre Naftali Bennett aux « terroristes kamikazes ».
« Je suis vraiment flattée [sic] d’avoir été retenue comme candidate au poste de consul général d’Israël à New York », a affirmé Golan. « Je tiens à rassurer tout le monde et à dire que si je suis nommée, je représenterai à 100% les politiques générales du Premier ministre Netanyahu et du parti Likud auquel je suis attachée. »
« Je suis entièrement dévouée à l’unité du peuple juif, et c’est exactement la politique que je compte suivre », a indiqué Golan dans une publication sur Twitter. « Si je suis nommée, je travaillerai avec les dirigeants de toutes les organisations juives, dans le but de renforcer ce partenariat important entre Israël et les communautés juives américaines ».
La nomination de Golan par le Premier ministre Benjamin Netanyahu a suscité l’inquiétude des dirigeants israéliens et américains, qui craignent l’accueil que pourrait recevoir l’élue des principaux groupes juifs de New York en raison de ses commentaires incendiaires passés.
Un porte-parole du département d’État américain a émis des critiques sur les déclarations passées de Mme Golan concernant les demandeurs d’asile lors d’une conférence de presse tenue jeudi, sans pour autant remettre en cause sa nomination attendue.
« Nous condamnons ce type de rhétorique et pensons que ce type de discours est particulièrement préjudiciable lorsqu’il est renforcé par des postes à responsabilité », a déclaré le porte-parole du département d’État, Vedant Patel.
Le rabbin Rick Jacobs, chef de l’Union pour le judaïsme réformé, a critiqué Netanyahu pour avoir offert le poste à Golan.
« Nous avons besoin d’un nouveau consul général à New York qui soit réfléchi, diplomate et moralement crédible. May Golan n’est rien de tout cela », a déclaré Jacobs sur Twitter. « Son sionisme est contraire à celui de la majorité de notre communauté. Elle nuira à la cause d’Israël au lieu de l’aider ».
Truah, un groupe rabbinique progressiste de défense des droits de l’homme, a déclaré que « Golan et ses acolytes d’extrême droite ne sont pas les bienvenus ici ».
« De son affection pour les extrémistes violents anti-arabes à sa haine des féministes, en passant par son traitement raciste et islamophobe des demandeurs d’asile africains, la politique de Golan ne pourrait pas être plus éloignée de celle de la plupart des juifs New-Yorkais », a déclaré le rabbin Jill Jacobs, PDG de Truah, au Times of Israel. « Le programme anti-démocratique et pro-occupation de Netanyahu aliène déjà à la fois le gouvernement américain et les juifs américains, et envoyer Golan représenter Israël ne fera que creuser ce fossé. »
Morton Klein, directeur de l’organisation de droite Zionist Organization of America (ZOA), a applaudi la nomination de Mme Golan, la qualifiant de « patriote israélienne extraordinaire ».
« Elle injectera une dose de réalité dans la presse new yorkaise et américaine, ainsi que dans les organisations juives et les dirigeants politiques », a déclaré Klein au Times of Israel. « Elle est exactement ce dont nous avons besoin ici à New York et deviendra l’un des meilleurs consuls généraux que nous ayons jamais eus.
D’anciens diplomates ont prévenu, eux aussi, que cette décision risquait nuire aux liens entre Israël et les Juifs américains.
« Le consul général à New York doit être un diplomate de premier ordre », a tweeté l’ancien ambassadeur d’Israël en Inde, Daniel Carmon. « Aucun parti politique ne peut justifier une telle nomination.
Carmon est l’un des signataires d’une lettre rédigée jeudi par un groupe d’anciens ambassadeurs pour dénoncer cette nomination potentielle. Cette nomination constituerait « l’abandon de l’une des arènes les plus importantes de la diplomatie israélienne », a écrit le groupe, qualifiant Golan de personnage « diviseur et raciste » et « à l’opposé de ce dont Israël a besoin dans une région aussi importante ».
« Le titulaire du poste doit, comme cela a toujours été le cas, posséder des compétences exceptionnelles et avoir été choisi pour ses capacités et non dans le cadre d’une manœuvre politique », ont écrit les signataires, parmi lesquels Colette Avital, ancienne consule générale d’Israël à New York et ambassadrice au Portugal, Jeremy Issacharoff, ancien ambassadeur en Allemagne et diplomate de haut rang à l’ambassade de Washington, et Daniel Shek, ancien ambassadeur en France.
Le poste de consul général d’Israël à New York, ont-ils déclaré, est un « poste de haut niveau [qui] inclut la représentation d’Israël dans les États de New York, du New Jersey, de l’Ohio, de la Pennsylvanie et de certaines parties du Connecticut, en plus des zones du grand New York, un bastion du libéralisme, la capitale des médias, de l’économie, et le centre des organisations juives ».
« Le temps est également venu pour les politiciens d’arrêter de manipuler les nominations politiques dans les affaires étrangères comme un jeu de cartes. Espérons que cette nomination ne se concrétisera pas », ont-ils écrit.
L’ancien ambassadeur des États-Unis en Israël, Martin Indyk, a écrit que la nomination de Golan, si elle a lieu, « sera perçue par la communauté juive américaine comme un signe de manque de respect total ».
Golan s’était préalablement vu promettre le poste de ministre de la Condition féminine, nouvellement créé, mais mercredi, un vote prévu à la Knesset pour confirmer sa nomination au cabinet a été annulé à la dernière minute.
Selon diverses informations parues dans la presse israélienne, la décision d’annuler le vote s’expliquerait par les pressions exercées par Netanyahu pour qu’elle renonce au poste de ministre et devienne le prochain consul général à New York.
Le bureau de Netanyahu a confirmé jeudi qu’il lui avait offert le poste de consul général, « en raison de ses excellentes capacités de hasbara en anglais », utilisant le mot en hébreu désignant la diplomatie publique.
Asaf Zamir, un ancien député du parti centriste Kakhol lavan qui avait été nommé à ce poste par le gouvernement précédent, a démissionné de ses fonctions le mois dernier en signe de protestation contre le projet de réforme judiciaire de la coalition au pouvoir.
Bien que moins influent que les missions d’Israël à Washington ou aux Nations unies, le consulat de New York est néanmoins considéré comme l’un des postes les plus importants au sein de la diplomatie israélienne, assurant la gestion des relations dans une zone géographique de quatre États où vit la plus grande communauté juive du monde en dehors d’Israël.
Golan serait probablement la députée la plus à droite à occuper cette fonction diplomatique, vu ses liens avec le parti d’extrême droite Otzma Yehudit d’Itamar Ben Gvir.
En 2013, Golan s’est présentée sur la liste du parti Otzma LeYisrael, un précurseur d’Otzma Yehudit qui n’a pas réussi à entrer à la Knesset. Plus récemment, elle a rejoint le Likud, et a siégé brièvement à la Knesset en 2019 avant de réintégrer le Parlement en 2020.
Originaire de Tel-Aviv, elle s’est fait connaître en faisant campagne pour l’expulsion des demandeurs d’asile africains, un sujet qu’elle a continué à défendre malgré les accusations de racisme dont elle a fait l’objet. En 2012, elle a déclaré avec sarcasme lors d’un rassemblement dans le sud de Tel-Aviv que si ses propos ou elle affirmait que les migrants violaient et tuaient des Israéliens étaient racistes, alors « je suis fière d’être raciste ».
Elle se présente elle-même comme une rebelle d’extrême droite qui refuse d’être muselée. En 2021, elle a déclaré à Israel Hayom qu’elle n’avait aucunement l’intention de modérer son discours en tant que législateur, se qualifiant elle-même de « mère du politiquement incorrect ».
Cette nouvelle est tombée alors que Golan était en visite à New York, pour visiter l’ONU et se rendre sur la tombe du Rabbin Menachem Mendel Schneerson, chef spirituel de Habad-Lubavitch, dans le Queens, un lieu de pèlerinage très fréquenté par les juifs religieux.
Initialement, Golan a été nommée ministre sans portefeuille au sein du cabinet du Premier ministre une fois le calme revenu après la mêlée furieuse au sein du Likud pour décrocher des postes ministériels et autres positions importantes lors de la formation du gouvernement, avant de se voir promettre le poste de ministre de la Condition féminine. Elle aurait été chargée à ce titre, d’éradiquer les violences faites aux femmes, de promouvoir l’égalité des sexes, de lutter contre le harcèlement sexuel et bien d’autres choses encore.
Cette nomination avait suscité des protestations de la part des défenseurs des droits des femmes, qui estimaient qu’elle avait fait obstacle à l’égalité entre les sexes, en rappelant qu’elle avait voté contre des projets de loi visant à traquer les auteurs de violences conjugales et à conserver des échantillons médico-légaux dans les affaires d’agression sexuelle.
Cette volte-face surprise a donné lieu à des spéculations selon lesquelles la décision de Netanyahu aurait pour but de faire baisser les pressions au sein du Likud en divisant la faction dure dirigée par le ministre de la Justice Yariv Levin, qui a gagné en influence ces derniers mois en faisant avancer le programme controversé de refonte du système judiciaire mis en place par le gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que le Premier ministre, qui dirige le Likud depuis 20 ans, est accusé de manigancer pour assurer des nominations diplomatiques à des rivaux potentiels afin de les envoyer à l’étranger.