Meurtre ou mitzvah ? « Hunters » questionne la moralité des Juifs tuant des nazis
Les acteurs de la série disent avoir hâte de voir comment le public réagira à ce dilemme éthique de vengeance après la Shoah
NEW YORK (JTA) — « Ce n’est pas un meurtre, c’est une mitzvah. »
Voici ce que pense Meyer Offerman, un survivant de la Shoah fortuné incarné par Al Pacino, dans le premier épisode de la série « Hunters », diffusée sur Amazon Prime depuis fin février. Nouvelle production très attendue, la saison de 10 épisodes suit un groupe de chasseurs de nazis aux profils très variés dans le New York des années 1970.
Beaucoup d’acteurs juifs jouant dans la série entretiennent un lien personnel avec la Shoah. Ces comédiens disent avoir hâte de voir les spectateurs se confronter au dilemme éthique posé par Meyer Offerman.
« La série tourne vraiment autour de la question morale et éthique de
savoir : ‘Faut-il faire le mal pour combattre le mal ? Faut-il devenir un méchant pour combattre efficacement les méchants ?' », déclare Logan Lerman, qui interprète le rôle de Jonah Heidelbaum. « Je suis vraiment curieux de voir comment les gens réagiront à cela. »

La série, coproduite par Jordan Peele – le scénariste et réalisateur reconnu des films d’horreur à succès « Get Out » et « Us » – démarre après l’assassinat de la grand-mère de Jonah dans son appartement de Brooklyn.
La quête du petit-fils pour retrouver les meurtriers de sa « safta » le conduit à entrer en contact avec Meyer Offerman. Ce survivant de la Shoah, à l’accent yiddish très fort, a rassemblé une équipe à la « Ocean 11 » avec des membres dont les spécialités vont du combat au déguisement, en passant par la comédie. Jonah sera leur nouveau décodeur en raison de sa capacité à déchiffrer des schémas.
Pourquoi cette escouade ? De nombreux nazis, vivant depuis la fin de la guerre aux États-Unis, ont tissé un grand réseau qui prévoit la création d’un « Quatrième Reich ». Ces nouveaux chasseurs cherchent donc à le démanteler.
La série imagine alors comment certains des milliers de nazis et de collaborateurs nazis installés aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale ont maintenu leur identité nazie plutôt que de la cacher. (C’est le deuxième drame historique d’Amazon sur ce thème après « Le Maître du Haut Château« .) La célèbre organisation de chasseurs de nazis de Simon Wiesenthal a également été créée en 1977, l’année où se déroule « Hunters ».
La série s’inspire également du style de Quentin Tarantino – son film de 2009 « Inglourious Basterds » est sans doute le plus célèbre dans le genre juif tueur de nazis – ainsi que de la culture de la bande dessinée. On y trouve en effet de nombreuses blagues et références à des personnages de bande dessinée.

Le créateur de la série David Weil a déclaré que sa première inspiration était sa grand-mère, qui a survécu à l’emprisonnement dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Bergen-Belsen. Lors de son enfance passée au sein d’une famille juive conservatrice de Long Island, Weil la voyait comme une super-héros.
« C’est une lettre d’amour à ma grand-mère, c’est une façon d’honorer mon droit de naissance, mon héritage et mon judaïsme, et c’est une façon de faire la lumière sur des crimes et des secrets cachés », explique Weil à l’agence de presse JTA.
Autre inspiration ? « Munich » de Steven Spielberg, un film sur les agents du Mossad qui ont tenté de mener des représailles contre les Palestiniens responsables du « massacre de Munich » aux Jeux olympiques de 1972.
La série donne deux arguments pour justifier la nécessité d’une vengeance juive violente – l’un est le motif biblique. Le spectacle est rempli de flashbacks de scènes d’atrocités nazies terrifiantes, comme la partie d’échecs à laquelle jouent des officiers SS impliquant de vrais prisonniers, qui sont obligés de s’entre-tuer au fur et à mesure de la partie.
« Le Talmud est faux. Vivre bien n’est pas la meilleure des vengeances », dit Meyer à Jonah dans le premier épisode. « Tu sais ce qu’est la meilleure vengeance ? La vengeance. » (L’axiome du « vivre bien » est attribué à un poète et prêtre britannique du 17e siècle.)

L’autre argument est celui de la légitime défense. Alors que les chasseurs torturent un nazi en lui balançant de la musique dans les oreilles à plein volume, Jonah les exhorte d’arrêter – infliger de la douleur à quelqu’un d’autre le tracasse moralement. Mais l’objectif vise à extirper des informations sur les autres personnes avec lesquelles le nazi (dépeint comme un célèbre musicien reconnu aux États-Unis) travaille afin de mettre fin à un réseau nazi et sauver des gens.
« Si ‘Inglourious Basterds’ est une extrémité du spectre, et ‘Munich’ l’autre, je pense que ‘Hunters’ se trouve au milieu », estime son créateur.
David Weil a aussi ressenti le besoin de créer des personnages juifs « durs à cuire ».
« En grandissant, j’ai eu deux super-héros juifs – il y avait Judah Maccabee et Jeff Goldblum, et très peu de gens entre les deux », dit-il. « Et donc, pouvoir montrer un super-héros juif avec de la puissance, du pouvoir, de la force, et pas seulement un Juif qui est, comme les médias dépeignent souvent, impuissant ou seulement intellectuel ou peureux… c’était si important pour moi. »
Dans des conversations séparées, les acteurs juifs ayant travaillé sur la série se sont tous dits indécis au sujet de l’idée de la vengeance.
L’actrice Carol Kane, qui a été nommée pour un Oscar en 1976 pour avoir incarné une immigrante juive dans « Hester Street », joue le rôle d’une immigrante polonaise et experte en armes Mindy Markowitz. Elle admet avoir été choquée par certaines parties du scénario.
« Je me suis dit, ‘Oh mon Dieu, c’est vraiment une grande question morale' », relate Carol Kane, qui pense que certains membres de sa famille russe et autrichienne sont morts pendant la Shoah, à propos de la violence de la série.
Après une longue pause, elle ajoute : « Je ne sais toujours pas. Je ne me suis pas encore décidée. En général dans le monde, je pense que le pardon mène à un monde meilleur, mais cette circonstance particulière est tellement impardonnable. Je ne connais vraiment pas la réponse. »

Josh Radnor, la star de la sitcom « How I Met Your Mother », qui incarne un acteur has been Lonny Flash, élude la question, indiquant à la place qu’il pense que la série s’efforce de briser les stéréotypes communs sur les Juifs.
« Je pense que c’est le travail du public, et le travail des journalistes et écrivains, de répondre à ces grandes questions », a déclaré Radnor.
Lerman, célèbre pour son rôle dans les films retraçant les aventures de « Percy Jackson », s’est fait l’écho de cette idée. ll a toutefois souligné que l’histoire complexe de sa famille avec la Shoah – des proches du côté de son père ont fini en Chine et au Mexique – a contribué à son travail sur la série.
« Je ne peux pas dire que j’ai un avis précis », a dit Lerman. « Je pense que la question est complexe et nuancée, et c’est au public d’en débattre au terme de la première saison. »
Les membres du casting se sont accordées sur une dernière chose : l’excellente performance d’Al Pacino, qui a su être fidèle à son personnage, avec un lourd accent yiddish, pendant les six mois de tournage.
« L’entendre parler de ‘Serpico’ avec un accent yiddish était hilarant », a déclaré Radnor. « Il est incontestablement un véritable artiste. »
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