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Mort de Maurice Rajsfus: rescapé de la Shoah, historien des violences policières

"Je m’enchantais de tout ce qui pouvait mettre à mal cette société à qui je n’avais rien pardonné et avec laquelle mes comptes ne seraient jamais réglés", confiait-il en 1992

Maurice Rajsfus, survivant de la Shoah, historien et activiste des droits de l'Homme, pendant la présentation de la liste "Euro-Palestine" aux élections européennes, le 5 mai 2004 (Crédit :  Mehdi FEDOUACH / AFP)
Maurice Rajsfus, survivant de la Shoah, historien et activiste des droits de l'Homme, pendant la présentation de la liste "Euro-Palestine" aux élections européennes, le 5 mai 2004 (Crédit : Mehdi FEDOUACH / AFP)

Rescapé de la Shoah et inlassable vigie des violences policières, Maurice Rajsfus, décédé samedi à l’âge de 92 ans, a consacré sa vie à dénoncer la répression sous toutes ses formes.

Dans son Journal discordant, publié il y a une vingtaine d’années, l’éternel rebelle expliquait avoir le sentiment d’être « en sursis depuis la rafle du Vel’d’Hiv, d’être l’aléatoire titulaire d’un long bail extorqué à ceux qui ont cherché à me détruire, comme ils l’ont fait avec mes parents, avec toute ma famille ».

Né le 9 avril 1928 en banlieue parisienne, de parents juifs polonais, sa vie bascule avec la défaite de 1940 et les premières lois antisémites du gouvernement de Vichy. Il doit abandonner l’école, mais le pire est encore à venir.

Le matin du 16 juillet 1942, le jeune Maurice – âgé de 14 ans – et sa famille sont arrêtés chez eux par deux policiers. L’un d’eux est leur voisin de palier.

Ils sont victimes de la rafle du Vel d’Hiv. Plus de 13 000 Juifs, dont plus de 4 000 enfants, furent arrêtés ce jour-là par les forces de l’ordre françaises au service du régime nazi.

Si Maurice Rajsfus et sa sœur Jenny alors âgée de 16 ans en réchappent (un policier avait dit à sa mère que les enfants de nationalité française de 14 à 16 ans pouvaient sortir du camp où ils avaient été rassemblés avant d’être conduits à Drancy), leurs parents seront assassinés à Auschwitz.

Des années plus tard, Maurice Rajsfus expliquera : « J’en veux profondément à la police de ce pays, plus qu’aux Allemands; sans cette police, les nazis n’auraient pas pu faire autant de dégâts. Depuis 1942, je me sens en retrait vis-à-vis de mes compatriotes : ils ont été plutôt veules, et ça n’a pas beaucoup changé ensuite ».

Après la déportation de leurs parents, Jenny et Maurice vécurent deux années difficiles, craignant constamment une nouvelle vague de rafles.

« Historien de la répression »

A la Libération, il reprit son apprentissage en joaillerie et adhéra aux Jeunesses Communistes et au PCF avant d’en être exclu au prétexte d’être un « provocateur policier ».

Il se rapproche alors des milieux trotskystes puis anarchistes découvrant au passage les surréalistes.

« Je m’enchantais de tout ce qui pouvait mettre à mal cette société à qui je n’avais rien pardonné et avec laquelle mes comptes ne seraient jamais réglés », confiait-il en 1992.

Il travaille dans plusieurs journaux. Il fut notamment secrétaire de rédaction au Monde, mais son engagement militant ne faiblit pas.

Témoin de la violence des forces de l’ordre le 17 octobre 1961 contre les Algériens manifestant à Paris, le 8 février 1962 au métro Charonne, et pendant mai 68, il commence à traquer les dérapages de la police.

Il devient « historien de la répression », dresse des fiches jusqu’à en rassembler des milliers.

En 1994, il fonde l’Observatoire des libertés publiques en compagnie de quelques auteurs engagés comme l’écrivain Didier Daeninckx.

Il fut aussi un des initiateurs du réseau « ras l’Front » (contre le Front national) dont il sera président pendant quelques années.

Cité comme témoin de la défense au procès de Maurice Papon, il avait refusé de se soumettre à la convocation et avait finalement été dispensé.

« Envoyez-moi les gendarmes. Ça sera bien de voir un rescapé de la rafle du Vél d’Hiv, fils de victimes, être obligé de témoigner en faveur d’un complice des bourreaux », avait-il écrit au président du tribunal.

Il avait arrêté ces dernières années de recenser sur ses fiches de bristol les dérapages policiers mais continuait de suivre l’actualité et dénonçait régulièrement les violences policières.

Il critiquait également sans réserve la politique du gouvernement israélien et défendait les Palestiniens.

Auteur d’une soixantaine d’ouvrages, il avait récemment confié à Libération son souhait de vouloir transmettre ses archives d’articles autour de violences policières, méticuleusement constituées de 1968 à 2014.

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