Nouvelles découvertes de chercheurs de Tel Aviv sur la malvoyance
Les chercheurs ont identifié des protéines qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement et le développement des tissus atteints par la dégénérescence maculaire liée à l'âge
Deux chercheurs israéliens, les professeurs Ruth Ashery-Padan et Ran Elkon du Département de génétique moléculaire humaine et de biochimie de la Faculté de médecine de l’université de Tel Aviv et de l’École des neurosciences, ont identifié pour la première fois des protéines qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement et le développement des tissus atteints par la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), l’une des principales causes de la perte de la vue à un âge avancé dans le monde occidental, a rapporté le site des Amis de l’université de Tel Aviv.
Les chercheurs ont ainsi pu localiser avec exactitude l’emplacement de ces protéines dans le génome, et découvrir le lien entre les modifications de ces régions génomiques et les risques de développer la maladie. Leur méthode pourra permettre de déchiffrer également d’autres mécanismes impliqués dans diverses maladies génétiques complexes.
Les résultats de l’étude, à laquelle ont aussi participé les doctorants Mazal Cohen Gulkar, Naama Mesika, Ahuvit David et May Eshel, ont été publiés dans la revue PLOS Biology.
« L’un des plus grands défis de la recherche en génétique aujourd’hui est le décodage des mécanismes génétiques des maladies complexes causées non pas par le défaut d’un gène spécifique identifié, mais par une combinaison de plusieurs facteurs génétiques et environnementaux », a expliqué le professeur Ashery-Padan.
« Il s’agit d’une grande variété de maladies, dont le diabète, les maladies intestinales et diverses maladies mentales. Dans notre étude, nous avons choisi de nous concentrer sur la DMLA, la dégénérescence maculaire liée à l’âge, maladie provoquée par la dégradation de la macula, partie centrale de la rétine, cause majeure de perte de vision à un âge avancé dans les pays développés. »
« Cette maladie possède une composante génétique importante », a expliqué le professeur Elkon.
« Des études comparant les génomes de personnes en bonne santé et de personnes atteintes de DMLA ont permis d’identifier des différences dans plusieurs régions du génome, probablement associées à des facteurs de risque de la maladie. Cependant, ces différences ne se trouvent pas dans un gène spécifique, mais plutôt dans les zones qui s’étendent entre les gènes, dont le rôle et le fonctionnement sont encore largement inconnus. Une telle situation a également été identifiée dans un grand nombre d’autres maladies génétiques complexes. En fait, ces études ont pu identifier des régions entières du génome qui sont probablement liées à la maladie, mais il est très difficile de mettre le doigt sur une caractéristique spécifique de ces zones génomiques qui puisse être défini comme facteur de risque. Nous avons donc voulu aborder ce problème. »
L’étude s’est ainsi concentrée sur les cellules d’un tissu oculaire appelé épithélium pigmentaire rétinien, couche cellulaire pigmentée de la rétine qui porte les photorécepteurs responsables de l’absorption de la lumière, et est essentielle à leur développement initial ainsi qu’à leur survie tout au long de la vie. Selon les chercheurs, ce tissu est atteint dès les premiers stades de la DMLA.
« Nous avons tout d’abord cherché à comprendre le mécanisme génétique qui active et régule l’activité spécifique des cellules de l’épithélium pigmentaire », a expliqué le professeur Ashery-Padan.
« Grâce à une série d’expériences réalisées à la fois sur un modèle murin et sur des cellules humaines et comprenant la suppression de différentes protéines, nous avons pu identifier deux protéines clés, du nom de LHX2 et OTX2, qui codent ensemble l’expression de nombreux gènes spécifiques de ce tissu. Il s’agit de protéines de type ‘facteur de transcription’, dont le rôle est de se lier à des sites de régulation spécifiques dans l’ADN de la cellule pour déterminer quels gènes y seront exprimés. »
L’étape suivante a consisté à cartographier les emplacements précis des deux protéines dans le génome. Pour cela, les chercheurs ont utilisé une technologie innovante du nom de « ChIP-seq », méthode de séquençage de l’ADN qui permet l’identification des sites de liaison des protéines à l’ADN.
« Nous avons constaté que les sites de liaison de ces deux protéines étaient relativement proches l’un de l’autre », a expliqué le professeur Elkon.
« De plus, ces mêmes sites avaient déjà été identifiés dans le passé comme liés à des facteurs de risque de la maladie (c’est-à-dire qu’ils avaient été repérés parmi les séquences montrant des différences entre les personnes en bonne santé et celles atteintes de la maladie). Nous supposons qu’en raison de changements dans les séquences de l’ADN dans ces régions génomiques, les protéines de transcription ont des difficultés à identifier leurs sites de liaison sur le génome et à s’y lier. Cette perturbation réduit l’expression du gène voisin régulé par les protéines transcriptionnelles, qui code un canal ionique important pour la fonction oculaire. La diminution de l’activité du gène affecte l’ensemble du tissu, augmentant le risque de développement de la maladie. »
« Nous avons donc identifié deux protéines liées aux facteurs de risque de la maladie oculaire génétique complexe DMLA », a résumé le professeur Ashery-Padan.
« De plus, nous avons réussi à localiser pour la première fois l’emplacement exact de ces protéines dans le génome, et constaté qu’elles opèrent dans une zone précédemment identifiée comme liée aux facteurs de risque de la maladie. Nos résultats apportent un nouvel éclairage sur le rôle et fonctionnement des séquences génomiques situées en dehors des gènes, inconnus jusqu’à aujourd’hui, et leur implication dans les maladies génétiques complexes. Nous pensons que notre nouvelle méthodologie de recherche permettra l’identification et la localisation de nombreux autres mécanismes génétiques liés à la DMLA et à d’autres maladies génétiques complexes. »