Pour les parents des soldats disparus à Gaza, la guerre n’a jamais pris fin
Après presque 2 ans, les Goldin et les Shaul veulent juste le retour de leurs fils – et que le public israélien fasse attention à leur sort

JTA – Une famille a perdu son fils fin juillet 2014. L’autre a perdu le sien le 1er août de la même année.
Une famille a fait pression aux Nations unies et traversé un océan dans l’espoir de récupérer les restes de son fils. L’autre est principalement restée chez elle.
Une famille est certaine que son fils est mort. L’autre est dévastée par l’incertitude.
67 couples de parents israéliens ont perdu leur fils pendant la guerre de Gaza il y a deux ans.
A présent, Leah Goldin et Zehava Shaul semblent épuisées et constamment au bord des larmes quand les deux mères parlent séparément de leur épreuve. A leurs côtés, leurs maris, Simcha Goldin et Herzl Shaul, semblent découragés.
« Ils disent que nous ne sommes pas normaux, a dit Leah Goldin. Nous devons parler du 1er août. C’est comme retourner sur la scène du crime. Nous ne pouvons pas quitter le lieu de notre deuil. »
Oron Shaul, qui avait 20 ans, était engagé avec son unité dans une bataille brutale dans le quartier de Chajaya de Gaza Ville, le 20 juillet 2014. Il était sorti de son véhicule blindé pour réparer une pièce cassée quand des hommes du Hamas ont commencé à tirer sur le véhicule, le faisant prisonnier. Cinq jours après, l’armée israélienne a confirmé qu’il était mort, sur la base de preuves présentes sur place. La bataille a tué 12 autres soldats israéliens.
Herzl Shaul accepte la conclusion de l’armée sur son fils. Mais comme son corps n’a pas été récupéré, Zehava Shaul pense qu’il est toujours vivant. Elle dit qu’Oron est retenu par le Hamas comme Gilad Shalit, le soldat capturé en 2006 pendant un raid et rendu dans la cadre d’un échange de prisonniers très débattu en 2011, qui a permis la libération de 1 027 détenus palestiniens.
« En tant que mère, je sens qu’il est vivant, a-t-elle dit. Comment pouvez-vous déterminer la mort quand il est dans les mains du Hamas ? Dans tous les cas, je veux Oron. Le gouvernement et le ministère de la Défense l’ont envoyé dans cette opération. Ils doivent le ramener. »
Environ deux semaines après la capture de Shaul, Hadar Goldin a été pris pendant l’échec d’un cessez-le-feu. En réponse, l’armée a employé le controversé protocole Hannibal, qui permet à l’armée d’employer tous les moyens nécessaires pour s’assurer qu’un soldat ne soit pas fait prisonnier. Environ 150 Palestiniens et trois Israéliens sont morts dans les combats qui ont suivi.
L’armée a pu retrouver assez du corps de Hadar pour le déclarer mort. La famille a organisé des funérailles, et a depuis engagé une quête infinie pour récupérer les restes de son fils.

Bien que les deux parents travaillent, la campagne des Goldin a pris toute leur énergie. Ils se sont rendus trois fois depuis leur maison, située dans le centre d’Israël, aux Etats-Unis afin de tenter de rencontrer le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, et faire pression pour le retour du corps de Hadar. Ils espèrent un accord qui augmenterait l’aide humanitaire à Gaza en échange du retour des corps de leur fils et d’Oron Shaul. Ils s’entretiennent régulièrement avec la famille Shaul au sujet de la campagne.
« Nous n’avons pas le temps d’être triste, a dit Leah Goldin. Nous n’avons pas le temps d’être en colère. Nous devons agir. Nous avons besoin d’énergie pour parler, pour influencer. »
De retour chez eux, les Goldin et leurs amis font tout ce qu’ils peuvent pour maintenir la mémoire de leur fils. Ils ont organisé une exposition de ses œuvres pour le premier anniversaire de la guerre dans le village d’artistes Ein Hod, au nord d’Israël. Deux fois par an, ses camarades de classe organisent une journée de randonnée et d’étude en sa mémoire.

A la suite de la capture d’Oron, l’armée a offert une pierre tombale pour lui dans une section d’un cimetière militaire réservée aux soldats disparus. Les Shaul n’en ont pas voulu. Les événements en mémoire d’Oron n’ont pas manqué, depuis fonctions militaires officielles jusqu’à un marathon, en passant par un match à domicile de son équipe de football préférée, le Beitar Jérusalem. Une heure après avoir parlé avec JTA chez eux, les Shaul recevaient la visite de l’ancien ministre de l’Education Shai Piron.
Mais bien que les Shaul apprécient la pensée derrière ces gestes, cela les épuise. Zehava Shaul ne veut pas que l’on rende hommage à son fils ; elle veut qu’il revienne. De plus, elle ne pense pas qu’il soit mort.
« Que puis-je vous dire ? Rien de tout cela ne m’aide, a dit Zehava Shaul. Au contraire, cela empire les choses pour moi. Parfois vous voulez du calme, être avec vous, et ils ne vous laissent pas. Un ministre est censé venir. Rien n’aide. »

Avant l’année dernière, dit Zehava Paul, il « ne nous était jamais venu à l’esprit » de rejoindre les voyages à l’étranger des Goldin. Zehava Shaul s’est rendue à Londres l’été dernier pour rencontrer des représentants du comité international de la Croix Rouge, en vain. Ils avaient prévu de se joindre au dernier voyage, en février, mais Herzl Shaul a été diagnostiqué avec un cancer intestinal.
Les Shaul ne travaillent plus à présent. Ils passent leurs journées sur les canapés du salon de leur maison de Poriya Illit, une petite ville proche du lac de Tibériade, entourés de photos de leur fils avec ou sans uniforme, torturés par ce qui a pu lui arriver. Le lit d’Oron est couvert de panneaux, de photos et de cadeaux envoyés par la famille après sa mort. Sinon, sa chambre reste intacte, ses T-shirts et ses jeans toujours en piles dans son placard.
« C’est la chose la plus dure, a dit Zehava Shaul. Il n’y a rien de plus dur que l’incertitude. Chaque jour, le trou dans mon cœur s’agrandit. Chaque jour je me dis en me levant le matin ‘Qu’ai-je fait pour ramener Oron ?’ Il n’y a personne à qui parler. »
Les deux familles ont rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Mais presque deux ans après la guerre, aucune n’attend grand-chose de lui ni de trouver du réconfort dans sa sympathie. Ils ont compris qu’après l’accord Shalit, qui a vu certains des prisonniers palestiniens libérés retourner au terrorisme, le public israélien a peu envie d’un nouvel échange.
Autant qu’ils font campagne pour le retour de leurs fils, les Goldin et les Shaul se battent pour quelque chose de plus fondamental : ils veulent simplement que les Israéliens fassent attention à leur sort.
« Quand nous commençons à parler de ramener Hadar, ils disent ‘Oy, oy, oy, combien cela va-t-il coûter ? Le traumatisme de Gilad Shalit a été terrible pour nous’ », a dit Leah Goldin.
« Et donc ? a-t-elle demandé. Vous ne faites rien ? »