Israël en guerre - Jour 476

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Opinion

Pourquoi ce scrutin est si crucial pour Israël

Plus que les quatre derniers scrutins en date, celui du 1er novembre pourrait emporter un changement radical dans la nature-même du pays

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

De gauche à droite : le leader d’Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, le chef de l’opposition et leader du Likud, Benjamin Netanyahu, et le chef de HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)
De gauche à droite : le leader d’Otzma Yehudit, le député Itamar Ben Gvir, le chef de l’opposition et leader du Likud, Benjamin Netanyahu, et le chef de HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Lors d’une conférence de presse mardi, Bezalel Smotrich, chef du parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit – en forte hausse dans les sondages avant les élections qui se tiendront dans moins de deux semaines – a dévoilé un programme conçu, a-t-il dit, pour guérir le système judiciaire israélien, qu’il qualifie de « malade ».

Loin de proposer un rééquilibrage prudent de la subtile séparation des pouvoirs entre politiciens et tribunaux, la « réforme » de Smotrich anéantit l’autorité judiciaire en donnant pratiquement tout le pouvoir à la majorité politique.

Elle aurait pour effet de priver les juges de la capacité d’invalider les lois jugées anti-démocratiques, revoir la délicate composition du panel de neuf membres chargés de sélectionner les juges de la Cour suprême et donner plus de pouvoir aux politiciens.

Dans les faits, le ministre de la Justice et la coalition au pouvoir auraient la haute main sur le système judiciaire.

Cette réforme prévoit également d’en finir avec l’infraction pénale de « fraude et abus de confiance », que Smotrich juge trop « floue » et ouverte aux interprétations des procureurs de l’État, dont il est bien décidé à limiter l’autorité.

« Fraude et abus de confiance » se trouve être la principale accusation à laquelle l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu est confronté dans les trois affaires pénales en cours devant le tribunal de district de Jérusalem (avec une accusation de corruption dans l’une d’entre elles).

A LIRE – Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre

Smotrich nie que cette « réforme » soit taillée sur mesure pour Netanyahu, dans le gouvernement duquel il a déjà servi et dont le « bloc » politique nationaliste-orthodoxe est affilié à son parti.

Il a déclaré hier que le procès de Netanyahu se poursuivrait même dans l’hypothèse de la suppression de l’infraction de « fraude et abus de confiance ».

Or, la loi israélienne stipule que les modifications apportées au code pénal sont d’application immédiate, y compris aux procédures en cours.

Le programme de démolition judiciaire que propose Smotrich aurait également pour conséquence d’annihiler le processus en vertu duquel Netanyahu se trouve jugé, en interdisant l’enquête et l’inculpation d’un Premier ministre en exercice pour des questions liées à ses fonctions professionnelles.

Cela priverait en outre la Cour Suprême du droit de retirer l’immunité d’un député de la Knesset pour répondre de poursuites pénales sans le consentement de la Knesset. Et cela retirait au procureur général le pouvoir de déposer des actes d’accusation criminels. Ces fonctions incomberaient à un procureur général spécialement chargé de cette fonction… et nommé par le ministre de la Justice.

Une fois que la Knesset aura supprimé le droit de la Cour Suprême d’annuler une loi antidémocratique, explique sur sa plate-forme le chef du parti HaTzionout HaDatit, elle proposera de nouvelles lois pour permettre l’expulsion des « infiltrés » (terme désignant les demandeurs d’asile et travailleurs migrants illégaux), exemptera les étudiants de yeshivot du service militaire et légalisera rétroactivement les implantations de Cisjordanie construites sur des terres palestiniennes privées, questions sur lesquelles la Cour Suprême a pris des décisions allant parfois à l’encontre des gouvernements au fil du temps.

Ce n’est pas un hasard si Smotrich a indiqué que son parti briguerait le portefeuille de la Justice si les élections lui étaient aussi favorables que les sondages le laissent entendre. Il est actuellement crédité de 14 sièges, ce qui en ferait le troisième plus grand parti de la Knesset.

Le président du parti sioniste religieux, le député Bezalel Smotrich, présente le programme « Droit et Justice » de son parti lors d’une conférence de presse à Kfar Maccabiah à Tel Aviv le 18 octobre 2022. (Avshalom Sassoni/Flash90)

Dans une certaine mesure, nous devrions être reconnaissants à Smotrich d’avoir publié son programme – dont l’acceptation, a-t-il précisé mardi, constitue une condition sine qua non pour rallier les rangs d’une coalition qu’il espère dirigée par Netanyahu.

Nous savons désormais exactement à quoi nous en tenir si les urnes lui donnent les moyens de ses ambitions.

Un provocateur charismatique et dangereux

De manière sans doute plus astucieuse, Itamar Ben Gvir, le partenaire de Smotrich au sein de l’alliance du parti Sionisme religieux, a su se montrer plus discret sur ses ambitions, dans la perspective – qu’il espère et attend – d’un poste ministériel au sein d’un gouvernement Netanyahu.

Par le passé, Ben Gvir a plaidé en faveur de l’expulsion des citoyens arabes d’Israël et dans sa prime jeunesse, il a été un militant de premier plan du mouvement Kach, de Meir Kahane.

Il est allé jusqu’à se vanter à la télévision, avec en main le macaron Cadillac volé sur la voiture d’Yitzhak Rabin, de s’être approché sans être inquiété du Premier ministre, quelques jours avant son assassinat.

Il a été reconnu coupable d’incitation à la haine raciale en 2007 et a conservé jusqu’à tout récemment, sur les murs de sa maison d’Hébron, une photo de Baruch Goldstein, qui en 1994 a massacré 29 pèlerins palestiniens au Tombeau des Patriarches.

Il ne l’a jamais désavoué.

Aujourd’hui, il assure qu’il ne ferait pas expulser tous les Arabes, seulement ceux qui sont « déloyaux ».

Âgé de 46 ans, Ben Gvir est un politicien énergique qui attire à lui nombre de jeunes Israéliens orthodoxes-nationalistes et certains membres de la communauté ultra-orthodoxe.

Avocat qui s’est représenté lui-même et a représenté de nombreux extrémistes d’extrême droite accusés de terrorisme et crimes de haine, il est aussi un provocateur impénitent. Pas plus tard que la semaine dernière, Ben Gvir a sorti une arme à feu lors d’affrontements dans un quartier de Jérusalem-Est dans lequel il se trouvait, et a demandé à la police d’ouvrir le feu sur les Arabes qui jetaient des pierres.

Le député Itamar Ben Gvir brandissant une arme de poing lors d’affrontements à Jérusalem-Est le 13 octobre 2022. (Capture d’écran : Twitter ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Une grande partie de l’attrait pour Ben Gvir tiendrait à sa promesse de renforcer la sécurité des Israéliens face au terrorisme.

Il est assez ironique, à ce titre, qu’il n’ait pas fait son service militaire obligatoire, l’armée ayant préféré ne pas l’appeler sous les drapeaux en raison de son passé extrémiste.

C’est Netanyahu qui a permis à Ben Gvir d’entrer à la Knesset l’année dernière, l’imposant, lui et sa faction Otzma Yehudit (Pouvoir juif), à un Smotrich réticent.

Avant les élections du 1er novembre, Netanyahu a également négocié une fusion de convenance entre les deux factions qui pourra être rompue à l’issue du scrutin.

Ben Gvir, que les sondages créditent d’une forte progression, a accepté cette fusion de crainte qu’on lui reproche un gaspillage de dizaines de milliers de voix d’extrême-droite si Smotrich et HaTzionout HaDatit, se présentant indépendamment, ne parvenaient pas à franchir le seuil d’éligibilité.

Comme Smotrich l’a expliqué mardi, et comme le bilan raciste de Ben Gvir le souligne, leur présence au gouvernement, à un poste ministériel et à la tête d’un parti politique populaire, marquerait un tournant dangereux pour Israël, son État de droit, sa démocratie, son image et sa vie-même.

Compte tenu de la montée spectaculaire de HaTzionout HaDatit au cours de cette campagne – passé de huit sièges au début à 14 dans les sondages de cette semaine – la perspective que Netanyahu puisse construire une majorité sans Smotrich et Ben Gvir semble de plus en plus improbable.

Le « bloc Netanyahu » est toujours crédité de 59 à 60 sièges sur les 120 que compte la Knesset, très près de la majorité donc.

Mais avec la progression de HaTzionout HaDatit, sans doute soutenu en partie par des membres de la droite religieuse plus modérée désireux de trouver un parti pour lequel voter, le Likud de Netanyahu a perdu du terrain, passant de 35 sièges dans les sondages d’il y a quatre mois à 30 maintenant.

Le tigre d’extrême droite que Netanyahu a lâché dans la nature commence à grignoter sa propre base.

Avant les élections de 2021, Netanyahu avait déclaré à la télévision que, même s’il faisait en sorte que Ben Gvir entre à la Knesset, le dirigeant d’Otzma Yehudit ne « pourrait pas » être ministre dans son gouvernement, parce que « nous ne partageons pas les mêmes positions ».

Au cours de cette campagne, même s’il s’est souvent entretenu avec Ben Gvir, il s’est efforcé de ne pas être photographié en sa compagnie, allant même jusqu’à refuser de monter sur scène lors d’un événement, lundi soir, jusqu’à ce que Ben Gvir, son allié et adversaire, l’ait quittée.

Ces dernières semaines, certains ont indiqué que Netanyahu pourrait se tourner vers son partenaire de 2020, Benny Gantz, à l’issue du scrutin du 1er novembre, et lui demander de le rejoindre à nouveau au gouvernement, peut-être même en position de Premier ministre dans le cadre d’un pouvoir tournant, dans le seul but de barrer la route ministérielle à Ben Gvir, indépendamment des trahisons passées de Netanyahu.

Mais l’arithmétique politique susceptible d’épargner à Israël la présence de Smotrich aux commandes du ministère de la Justice et Ben Gvir à la tête du ministère de l’Intérieur, semble de moins en moins probable.

Si les sondages se confirment, HaTzionout HaDatit sera trop fort pour que Netanyahu puisse l’écarter d’un revers de la main.

Le moment de vérité

« Si ce gang arrive au pouvoir, il fera tout pour anéantir la démocratie israélienne, priver les tribunaux de toute autorité, revenir sur la séparation des pouvoirs en Israël », a mis en garde Yair Lapid, le Premier ministre de la coalition sortante, après la conférence de presse de Smotrich.

« Ils ne se donnent même plus la peine de s’en cacher. »

La question est de savoir si « cette clique » peut encore être arrêtée dans sa route vers le pouvoir.

Netanyahu se trouve à la tête d’un bloc dont les principaux partis – le Likud, Shas, Yahadout HaTorah et, bien sûr, HaTzionout HaDatit – ne risquent pas d’être sous le seuil d’éligibilité, fixé a 3,25 %.

Seul le parti HaBayit HaYehudi d’Ayelet Shaked, que Netanyahu et la plupart des membres de la droite pro-Netanyahu méprisent pour avoir pris part à la coalition sortante, risque d’échouer.

Dans le bloc opposé, en revanche, Avoda a refusé la fusion technique avec Meretz et les deux sont par conséquent potentiellement menacés.

Quant aux trois principaux partis arabes – Raam, Hadash-Taal et surtout Balad – ils pourraient ne pas réussir à entrer à la Knesset, situation exacerbée par l’effondrement inattendu de la Liste arabe unie.

Les partis arabes, qui ont remporté 15 sièges en 2020 en se présentant sous la même étiquette, ne sont actuellement crédités que de huit sièges et pourraient se retrouver encore plus bas.

Une coalition avec un parti d’extrême droite dominant déterminé à un changement radical – Smotrich, il convient de le noter, a déjà déclaré qu’il espérait « restaurer le système de justice de la Torah » et qu’Israël devienne enfin un État religieux – peut en effet encore être arrêtée.

Cela dépend de l’électorat, de sa participation et de ses choix.

L’accent mis par Netanyahu sur la communauté arabe, à laquelle il promet une nouvelle ère et de lutter contre une criminalité endémique, en dépensant plus que les partis arabes eux-mêmes pour faire campagne sur les réseaux sociaux arabes – attirera-t-il les électeurs arabes ou au moins convaincra-t-il l’électorat arabe qu’il n’est pas dangereux au point de les inciter à voter pour un parti du bloc non-Netanyahu ?

Le taux de participation en zone arabe est actuellement estimé à 40 %, ce qui est extrêmement bas.

Quel sera le prix à payer de la disparition de la Liste arabe unie, dans la précipitation, une heure avant la clôture du dépôt des listes électorales ?

Face à un Netanyahu qui décrit ceux qui s’opposent à lui comme de dangereux gauchistes prêts à brader la sécurité d’Israël, l’approche de campagne relativement équilibrée et courtoise de Lapid suffira-t-elle ?

Hier soir, un sondage de la Douzième chaîne indiquait que 78 % des partisans du bloc Netanyahu avaient l’intention d’aller voter, contre 72 % de ceux qui soutiennent les partis de la coalition actuelle.

Le 1er novembre prochain auront lieu les cinquièmes élections générales en l’espace de quatre ans.

Comme pour les quatre précédents scrutins, il va s’agir, dans une large mesure, d’un référendum pour ou contre Netanyahu, expérimenté, hautement qualifié, infatigable et ultra-clivant.

Mais il y aura cette fois-ci un nouvel élément, la progression rapide d’un parti, allié de Netanyahu, aidé par lui, mais qui constitue aujourd’hui une menace, bien décidé à redéfinir, à son image extrémiste, des pans entiers de la gouvernance et des orientations d’Israël.

Et ainsi, bien plus encore que lors des quatre scrutins précédents, cette élection constituera un moment de vérité pour notre nation.

Le député Itamar Ben Gvir du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit sur le marché Mahane Yehuda de Jérusalem, le 22 juillet 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Comment les Israéliens voudront-ils être gouvernés ?

À quoi veulent-ils que ce pays ressemble et qu’il représente ?

Le choix, heureusement, est entre nos mains.

Comme le dit l’un des slogans de campagne actuels de HaTzionout HaDatit « Vous obtiendrez ce pour quoi vous votez. »

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